Chapitre 71: Secrets d'histoire (Partie1)

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Choqués par l'histoire qui venait de leur être contée, Bélial et les autres ne surent quoi dire à Sieg. Le fait que les Sauveurs avaient failli mourir à la fin de la guerre, pris en traître par les derniers démons encore présent dans le monde de lumière, était inconnu de tous. Une telle révélation pourrait chambouler les croyances de tous, surtout au sein de l'église qui vénérait ces neuf héros. Mais des trois témoins de ce récit, ce fut la démone qui en fut le plus affectée. Apprendre que ses ancêtres avaient non seulement failli tuer l'homme qu'elle aimait aujourd'hui, mais en plus commencé la réaction en chaîne qui mènerait à l'anéantissement de leur lignée...

Sieg remarqua l'effroi de la jeune femme. Il s'approcha d'elle et tenta de la réconforter.

– Tu n'as pas à assumer la responsabilité de tes ancêtres à leur place... Ils avaient agi en désespoir, leur sort de se retrouver isolés dans un monde hostile étant une épreuve titanesque à surmonter... Cela fait bien longtemps que je leur ai pardonné...

Surprise par la remarque de l'écarlate, Bélial posa ses mains sur les épaules du bretteur et approcha son visage du sien.

– J'comprend pas ! s'exclama-t-elle. Ils vous ont tout pris ! Votre avenir, votre liberté ! À cause d'eux, vous avez pas pu refuser d'aller dans le domaine divin, où tu as trop souffert ! Tu devrais nous détester ! Me détester ! Je...

Sieg coupa le flot de parole d'un simple baiser sur la joue de la barbare qui stoppa net. Il lui fit alors remarquer d'un mouvement de tête que le ton de la démone avait attiré l'attention des passants qui se montraient de plus en plus curieux.

C'est sûr que quand il s'agit de se faire remarquer...

– Je pense que nous devrions trouver une chambre pour la nuit... continua Sieg. Nous pourrons y discuter en paix...

Ses compagnons ne s'opposèrent pas à cette idée. Le groupe se dirigea vers une auberge non loin de là, satisfaits d'apprendre qu'elle restait ouverte malgré la situation en ville. Ils obtinrent deux chambres, et se réunirent dans une d'elle. Elle était bien meublé, leur donnant la possibilité de prendre leurs aises pour discuter. Farca s'installa dans un fauteuil, Sieg dans un second, et Bélial s'assit sur le lit. Adam décida de descendre commander à manger pour le reste de son équipe, sachant pertinemment que l'écarlate en avait grand besoin. Une fois le gardien parti, Sieg reprit là où ils en étaient restés.

– Je mentirais si je disais que je n'ai pas haïs tes ancêtres... Je les ais tenus comme responsables de mes malheurs... Si je n'avais pas été mourant, j'aurais probablement refusé l'invitation des dieux... J'aurais alors pu avoir une vie paisible, forger ma propre destinée... Mais pendant ces millénaires de captivité, il va de soi que j'ai eu énormément de temps pour réfléchir... Je me suis rappelé de la condition des démons que j'avais affronté dans la guerre, et j'ai fini par me faire une raison... Dans ce conflit, personne était entièrement bon ou mauvais...

Farca fronça les sourcils, ne voyant pas où voulait en venir Sieg. Elle échangea un regard avec Bélial qui comprenait autant qu'elle.

– Comment ça, leur condition ? interrogea la sang-mêlée. C'était des envahisseurs qui voulaient s'approprier notre monde, non ? Je vois mal comment tu pourrais avoir de la sympathie pour eux... Sans offense, Béli...

La démone secoua la tête, comprenant parfaitement le point de vue de l'alchimiste. Sa remise en question des traditions belliqueuses de son clan l'avait menée à douter du bien fondé de la guerre du Crépuscule. Elle désirait savoir pourquoi un des héros qui les avait affrontés faisait preuve de compassion envers eux.

– Il est normal que vous ayez du mal à saisir... soupira Sieg. Après tout, dans une guerre, les seuls idéaux qui sont pris en compte sont ceux qui sont au pouvoir. Les rêves et aspirations de ceux qui se battent réellement ne sont jamais considérés. Et concernant les démons, il faut bien comprendre qu'ils n'étaient pas en paix dans leur propre monde... Ils étaient en permanence en conflit avec les autres races dominantes qui s'y trouvaient... Envahir le monde de lumière pour piller ses ressources et devenir plus puissant était certes une solution alléchante, ils ne pouvaient pas se permettre d'envoyer leurs meilleures troupes qui les protégeaient des elfes noirs et des hommes-dragons... C'est pourquoi leur roi à l'époque avait perquisitionné de nombreux citoyens ordinaires... Enrôlés de force, envoyés au front qu'avec le minimum de formation militaire, ils n'ont été de taille contre les peuples de notre monde que grâce à leurs capacités physiques largement supérieures... Des soldats entraînés avaient aussi été envoyés, notamment vers la fin du conflit, pour encadrer les opérations, et honnêtement, vu leur force, nous n'aurions jamais tenu le coup si toute l'armée des démons avait été composée d'éléments compétents...

Sentant sa tête chauffer, Farca se massa les tempes. Jamais aurait-elle imaginé que les redoutables démons qui avaient ravagé son monde des millénaires plus tôt n'étaient que de simples citoyens qui avaient été sacrifiés sur le champs de bataille pour assouvir les désirs de leur souverain. De son côté, Bélial comprenait à peine ce que cela impliquait réellement.

– Sérieusement ? C'était pas des vrais guerriers ? Mais alors, c'était...

– Oui... confirma Sieg. Tu te souviens des employés du Pégase d'Émeraude ? Imagine si un jour, on les obligeait à prendre des armes et qu'on les envoyait dans un lieu inconnu pour se battre... Qu'ils devaient massacrer pour survivre, sous peine d'être exécutés par les individus qui leur donnait des ordres... Leurs vies deviendraient un véritable calvaire...

La démone serra son ventre, le sentant se tordre de douleur. Imaginer que ses ancêtres avaient été utilisés de la sorte, traités comme de simples outils qui pouvaient être jetés et remplacés par les leurs, lui soulevait le cœur.

– Mais... Comment tu sais tout ça ? lui demanda la barbare.

Le visage déjà sombre de Sieg perdit encore de son éclat. Il joignit ses mains ensemble, s'humectant les lèvres en repensant aux premiers jours de la guerre.

– C'était le début du conflit... Pendant une bataille, Je me suis retrouvé isolé du reste des troupes, et j'ai trouvé refuge dans une grange abandonnée. Je voulais attendre la nuit tombée pour tenter de rejoindre mon camps. Mais à peine entré, je me suis fait attaquer par un démon qui s'y trouvait déjà. J'ai pu repousser facilement son assaut, le désarmant sans mal, mais juste quand j'ai tenté de le tuer... J'ai vu qu'il était plus jeune que moi, alors que je n'avais que quatorze ans à l'époque... Et il n'était pas seul dans la grange... Une douzaine de démons, certains bien trop jeunes pour porter des armes, se cachaient là, en compagnie de civils humains qui les aidaient. J'avais d'abord cru à une ruse, mais j'ai fini par comprendre que j'avais devant moi des déserteurs qui ne voulaient pas se battre... Ils auraient croisé la route d'humains qui n'avaient pas pu échapper au combat à temps, et ils avaient décidé de s'entraider pour survivre... J'avais pris le temps de discuter avec eux, et c'est là que j'ai compris que plusieurs de mes ennemis jusque là n'avaient pas voulu de cet avenir... Qu'ils désiraient juste vivre en paix...

-Des démons... et des humains... ensemble ? s'étonna Bélial.

– Oui... Je comprends ta surprise, mais j'en avais la preuve sous les yeux... Comme quoi, le désir de survivre ne fait pas ressortir que le pire en nous... Ils avaient trouvé une cause commune qui les avait unis. J'ai décidé de les laisser partir à la nuit tombée, et je n'ai parlé d'eux à personne...

– Dur de croire que de telles choses aient pu se passer... commenta Farca. J'imagine que les livres d'histoire n'aiment pas les détails qui entachent la version officielle des faits...

La sang-mêlée vit Sieg se mordre la lèvre, lui indiquant que l'histoire avait une suite. Ce fait n'échappa non plus à la barbare qui le pressa de parler. Initialement réticent, Sieg partagea le reste du récit.

– Deux ans plus tard, j'avais été envoyé dans un village qui avait été rasé pour m'assurer qu'aucun démon avait survécu... C'est là que je les ai vus... Les démons et humains que j'avais croisé dans la grange... Crucifiés... Les soldats sur place m'ont révélé qu'ils avaient découvert cet hameau caché de tous où les deux races vivaient en paix... Ils n'avaient même pas donné aux villageois la chance de s'expliquer avant tout mettre à feu et à sang... Ils voulaient créer un exemple, pour qu'une telle chose ne se reproduise jamais... Je faisait bonne figure devant mes hommes, mais à l'intérieur, j'étais effondré... J'avais vraiment cru qu'ils auraient pu mener des vies heureuses... J'étais plongé dans mes pensées quand un soldat hurla de faire attention... J'avais eu à peine le temps de voir du coin de l'œil une figure armée se ruer sur moi avant de sortir mon épée et pourfendre mon agresseur. Ce n'est qu'après avoir porté mon coup que j'ai pu reconnaître le jeune démon qui m'avait attaqué dans la grange... J'ai pu voir la rage, la tristesse et l'incompréhension dans son regard avant qu'il ne meurt...

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant