Ses pas résonnant dans l'escalier en colimaçon, Elyren de dirigea vivement vers la prison sous le manoir du comte.
Il avait passé une très mauvaise nuit, n'ayant pas eu la chance de fermer l'œil un seul instant. Un incident imprévu avait gardé la plupart des hommes de confiance de Leinabe éveillés, le spectre ayant demandé à ce que l'on fasse la lumière sur la disparition de Trévor au plus vite.Bien que le jeune noble n'était pas particulièrement apprécié, le corsaire avait vite compris l'intérêt de caresser le pseudo-aventurier dans le sens du poil. Se faire un allié dans la respectable famille Nolasia pourrait lui ouvrir quelques portes, et il savait que Saga ne cracherai pas sur une telle chose. Ils avaient donc tous pris sur eux pour satisfaire ses demandes, même les plus absurdes, mais avec sa disparition, la situation se compliquait.
Les gardes chargés de sa sécurité avaient été retrouvés inconscients dans une taverne dévastée, et ne pouvaient pas ses souvenir de ce qui s'était passé. Les personnes présentes avaient été interrogées à leur réveil, et avaient révélé qu'un petit groupe était responsable de la destruction de l'établissement. Même si les descriptions restaient floues, le nombre d'intrus ainsi que leurs gabarits n'avaient laissé aucune place au doute quant à leur identité.
Ils apprirent aussi que des patrouilles avaient pris en chasse des individus encapuchonnés qui correspondaient à la description des assaillants, mais qu'elles auraient perdu leur trace dans les ruelles. Personne comprenait comment ils avaient réussi à leur échapper si facilement. L'un d'eux était-il originaire de Port-Écume, ayant servi de guide pour le groupe ? Ou est-ce que des civils leur étaient venus en aide ? La seconde option semblait peu probable, car les gens craignaient pour la vie des enfants, ils n'auraient jamais couru le risque de les mettre en danger.
Elyren savait qu'il leur manquait une information cruciale, et il n'avait qu'une personne vers qui se tourner pour trouver le début d'une piste.
Suivi de quelques aventuriers, Elyren passa devant les cellules sur-bondées d'enfants. Ils étaient enfermés à vingt par cellule, entassés les uns sur les autres, et n'avaient pas eu la possibilité de se laver depuis plus d'un mois. L'elfe ignora la pestilence créée par des conditions de détentions déplorables où l'hygiène n'était en aucun cas pris en compte. Il regarda droit devant lui, ne pouvant pas supporter les regards vides des enfants. Au début, ils n'avaient eu de cesse de supplier à être relâchés, de revoir leurs parents en pleurant, et Elyren aurait tout donné à l'époque pour qu'ils se taisent.
Maintenant, il regrettait cette époque.
La malnutrition et le désespoir avaient eu raison de leur volonté, et les enfants n'avaient désormais plus la force nécessaire pour parler.Plusieurs fois par semaine, on devait extraire les cadavres d'enfants qui n'avaient pas tenu le coup, en général les plus jeunes. Leurs corps n'étaient pas rendus à leurs familles, maintenant l'illusion qu'ils étaient encore en vie pour mieux les contrôler.
La question du sort des dépouilles avait un moment posé un problème, jusqu'à ce Leinabe ait eu une idée pour résoudre un autre problème simultanément. Cet ordre ci fut longtemps contesté par plusieurs de ses hommes, même certains de ses plus fidèles lieutenants, mais il avait su se montrer convaincant. Les réfractaires avaient abandonné après la quatrième disparition de ceux d'entre eux qui clamaient le plus leurs réticences.Même s'il ne s'était pas opposé aux pratiques du fantôme, Elyren commençait à regretter de ne pas avoir émis d'objection. Il était la seule autre personne à part Leinabe à être en mesure de contacter Saga, et l'elfe savait que le corsaire n'oserait jamais défier les ordres de leur maître.
Mais il hésitait à aller aussi loin. Même s'il était reconnaissant au mage de lui avoir sauvé la vie, il savait qu'il préférait les résultats par dessus tout le reste. Une part d'Elyren redoutait d'entendre la réponse de Saga.Il craignait de saisir la pleine cruauté et indifférence de son bienfaiteur.
L'elfe s'arrêta devant la cellule au fonds du couloir et osa en observer le contenu. Au fonds de celle ci était enfermé un homme solitaire.
Les quatre membres de ce prisonnier étaient retenus par des chaînes qui étaient toutes tendues et reliées à des crochets au plafond et au sol, le suspendant en l'air sans qu'il puisse bouger, bras et jambes écartés.Elyren ordonna l'ouverture de la porte et entra. Il s'approcha du prisonnier jusqu'à se trouver à un mètre de lui, le scrutant avec attention.
Il pouvait voir que les ordres de Leinabe avaient été suivis à la lettre, car aucune blessure récente était apparente sur son corps. Tout le monde redoutait les punitions du spectre, pour qui les craintes et douleurs des mortels n'étaient plus que des outils forts efficaces à employer à ses fins.L'elfe posa un poing sur sa hanche et pencha sa tête sur le côté.
– Alors ? Pas trop inconfortable ?
Sieg ouvrit ses paupières et regarda Elyren. Il était fatigué, ayant passé les deux derniers jours dans cette position. Ses bras hurlaient de douleur, mais il avait l'habitude de souffrir. Comparé à ce qu'il avait déjà vécu, cette torture était juste déplaisante. Il se retint cependant de donner à ses tortionnaires de nouvelles idées, car il savait qu'ils seraient tentés de voir où étaient ses limites.
– Tu tombes bien... J'ai le nez qui me démange depuis des heures, alors si tu voudrais bien....
L'elfe ricana, reconnaissant là les traits d'humour de son ancien partenaire.
– Je me demandes bien combien de temps tu vas pouvoir encore pouvoir faire le fier... Mais tu sais, ton supplice pourrait être atténué. Tout ce que tu aurais à faire, c'est répondre à quelques questions...
– Demande aussi gentiment que tu le voudras, ça ne changera rien... Je ne te donnerais jamais le secret de mon ragoût de sanglier aux cèpes...
Elyren fronça les sourcils. Il était connu de tous que les elfes étaient végétariens, et répugnaient à manger de la viande. Sieg essayait simplement de l'énerver pour se distraire et oublier sa souffrance.
– Je ne suis pas ici pour parler de cuisine... barbare... Te souviens tu de Trévor ?
Sieg leva les yeux vers le plafond en grognant. Ce souvenir était plus douloureux que sa situation actuelle.
– Oui, je sais, moi aussi, j'aimerai pouvoir oublier l'avoir jamais rencontré... Ce jeune homme est... horripilant... Mais Leinabe à des projets pour lui, et ce petit crétin a disparu. Nous pensons qu'il a été enlevé. Et la description des suspects principaux dans cette affaire ressemble étrangement à celle de tes compagnons de voyage...
– Bah, tu sais... Pour des pirates alcooliques, tout les voyageurs se ressemblent... Et puis, ce n'est pas comme si cette andouille n'était pas haïs par des dizaines de personnes...Sans oublier les possibilités de rançon...
Elyren soupira en faisant remarquer que même le plus incompétent des pirates pouvait faire la différence entre quatre voyageurs ordinaires, et deux colosses avec une enfant. Surtout après avoir vu les dégâts dont ils étaient capables.
– Voilà ce que je te propose. Dis nous où tu penses qu'ils se sont réfugiés, et je te promet de convaincre Leinabe de te laisser descendre. Tentant, n'est ce pas ?
Sieg resta silencieux pendant une dizaine de secondes avant de soupirer.
– C'est bon, tu m'as convaincu... Tu as de quoi noter ?
Sans quitter Sieg du regard, Elyren dit signe au plus érudit des aventuriers de sortir de quoi écrire.
– Tu es prêt ?
– Oui. Parle.
Sieg s'humecta les lèvres, puis reprit la parole.
– La première chose à faire... C'est bien choisir son sanglier... Pas trop gros, mais il ne faut pas qu'il est la peau sur les os non plus... C'est important pour le bouillon. Et il faut faire bien attention en le dépeçant...
Elyren ferma son seul œil valide en prenant une grande inspiration. Les aventuriers ne savaient pas comment réagir alors que leur prisonnier continuait de réciter sa recette en riant.
– Bon, maintenant que tu t'es bien amusé, je penses que nous allons devoir revoir notre stratégie...
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Déicide - Volume 1 - Défier le destin
FantasyElle n'avait jamais cru que son aventure débuterait ainsi. Bélial avait toujours voulu découvrir le monde, mais ce fut dans le sang que la démone fut forcée de quitter son village barbare pour des contrées lointaines, accompagnée seulement d'un espr...