Chapitre 42: Coup de filet (Partie 2)

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Au milieu de ce bazar, Junior réalisait que les choses lui échappaient, et tenta de s'éclipser. Une main se posa sur son épaule qui fut comprimée dans un étau qui lui arracha un râle pathétique en s'affaissant. Se demandant si on ne venait pas de lui briser quelque chose, il tourna péniblement la tête derrière lui.
Toujours dissimulée par sa cape de voyage, Bélial le tenait en place, ne voulant pas lui donner la moindre chance de s'échapper avant qu'il ne rende des comptes à son partenaire.
Sans identifier la nature de sa vigile, Junior sentit le poids du regard de la barbare sur lui, et refréna son désir de négocier. S'il avait encore l'usage de son épaule, il désirait le garder.

– Merci ma belle ! Je prends le relais !

La démone leva un sourcil alors que Maurice marchait lentement devant son fils, ses mains jointes dans son dos. Il ne le regardait pas directement, baissant sa tête qu'il remuait en soupirant.

– Tu sais que je serais presque fier ? avoua-t-il. Je pensais pas que t'avais les baloches assez bien accrochées pour tenter un coup tordu comme celui là ! Et impliquer les aventuriers dans tout ça ? Brillant ! Bon, complètement con aussi, parce qu'ils t'auraient enterré dès que tu aurais baissé ta garde, mais brillant... Si t'avais fait preuve du tiers de cette fourberie avant, p'têt que je t'aurais donné un peu plus de responsabilités, mais...

Alors que Junior pensait s'en sortir à meilleur compte que prévu, Maurice lui écrasa la face de sa semelle, frottant son pied sur lui, comme pour s'essuyer sur son visage.

– Combien de fois je t'ai répété que c'est sacré, la famille, hein ? s'irrita Maurice. Tu peux faire toutes les conneries que tu veux, mais tu ne t'en prends jamais à ton sang ! Pas s'ils n'ont pas fait de bourdes monumentales! Un peu comme toi, ce soir !

Furieux, Junior repoussa son père de sa main valide et le fixa avec des yeux remplis de venin.

Le sang ? Mais tu te fous de qui, enfoiré ? explosa Junior. C'est à peine si tu reconnais mon existence ! Tu me gardes à tes côtés, mais tu ne me fais pas confiance ! Tu te fous de toutes mes idées ! Si tu m'écoutais, on pourrait tripler nos revenus, mais non ! Non, c'est trop risqué ! Non, ton plan ne va pas marcher ! Non, t'es trop con ! C'est ce que je t'entends dire chaque jour ! Et en plus...

Il se tourna vers Sieg qui s'était rapproché de Wilma, et avait engagé avec elle une véhémente conversation. Wilma clamait être offusquée par ses propos, mais l'écarlate lui rappelait qu'elle avait désormais une dette envers lui.

– Dès que ce guignol pointe le bout de son nez, c'est comme si c'était la putain de fête nationale ! enragea Junior. Oh que Sieg est doué ! Oh qu'il est talentueux ! Oh que je lui lécherais bien les boules, et ganagnagni, et gnagnagna... Tu traites ce type mieux que ton propre fils ! Rien que cet aprem, t'as essayé de lui refiler ton empire ! Mon empire !

Bélial les avait écoutait jusque là avec ennui, se demandant si elle ne ferait pas mieux de rejoindre ses amis, mais elle fut intriguée par ce qu'elle venait d'entendre. Elle se remémora toute la conversation et serra les dents.

– Et encore une... Hé ! paniqua Junior quand il fut tiré en arrière, soulevé du sol, et collé à quelques centimètres du visage de la démone dont la rage semblait pulser de son corps tout entier.

– Tu te fous de moi, p'tit con ? lui cracha la barbare. Personne te prenais au sérieux ? Tu pensais que personne était de ton côté ? Depuis quand c'est une raison pour tuer tout le monde ? Massacrer ceux qui te font confiance ? Mais tu te prends pour qui ? Ils te faisaient confiance, et toi tu... tu...

Les gens s'écartèrent de Bélial en voyant de l'énergie obscure la recouvrir.
Confronté à une démone furieuse, Junior n'avait même plus le courage de détourner le regard ou de cligner. Bien qu'il était assez proche d'elle pour les remarquer, son esprit ne prit pas note des cornes sur le front de la démone, car ses yeux occupaient l'intégralité de son champs de vision.
Il les confondit l'espace d'un instant avec des fenêtres donnant sur un plan infernal, un lieu de tourment où il risquait de tomber à tout moment sans espoir d'en ressortir un jour.
Junior ne parvint même pas à baragouiner une réponse, la terreur lui ayant serré sa gorge autant que sa vessie. Il tomba bien vite dans un état catatonique qui insupporta la barbare.

– Qui t'a dis que tu pouvais... commença la démone en se préparant à baffer sa victime.

La brute fut interrompue par quelqu'un qui lui attrapa le bras qu'elle voulait employer. Elle se tourna vers le sot qui osait se dresser sur route, prête à déverser sa rage sur lui.

La jeune femme croisa le regard de Sieg. Il était sur le point de la sermonner, mais hésita en voyant son expression. Elle même se figea, voyant la résolution s'évanouir du visage de son partenaire, pour être remplacée par l'inquiétude. La démone relâcha son emprise sur Junior qui s'écrasa lamentablement au sol.
Bélial tituba un peu, balbutiant des propos incohérents, avant de se retourner et de s'enfuir dans une rue qui n'était pas encore bloquée par les curieux.

– Attends ! s'exclama l'écarlate avant de s'adresser à Farca. Je dois encore régler des choses ici, tu dois...

– Et puis quoi encore ? le snoba la sang-mêlé en faisant mine de l'ignorer.

– Ne fais pas la compliquée, tu vois bien qu'elle est...

– Oh, j'ai vu ça ! déclara l'alchimiste. Et c'est qui, son partenaire ?

Sieg ne sut quoi répondre. Il regarda tour à tour Farca et Adam qui se déplaça à ses côtés.

– Et puis, je te rappelles qu'on se lève tôt, demain, alors t'as pas le temps de faire le mariole avec tes vieux amis, rappela Farca. On se charge de prendre des messages pour toi s'ils veulent te dire quelque chose, et pour le reste, ils auront qu'à attendre ta prochaine visite ! Maintenant file, si tu ne veux pas la perdre !

– Mais...

Maurice posa sa main sur l'épaule de l'épéiste en soupirant, mais avec un sourire.

– Tu l'as entendue... Et puis, ça se fait pas, de laisser une femme troublée marcher seule dans les rues la nuit... Elle pourrait tomber sur de pauvres vauriens qui ne sauraient pas à qui ils auraient affaire... Je vais parler un peu avec tes potes, fais ce que t'as à faire !

Sieg n'hésita que trois secondes avant de se mettre à courir. Il n'avait parcouru que cinq mètres quand il se retourna sans s'arrêter d'avancer pour héler Farca et Adam.

– Merci pour ce soir, je vous en dois une de plus !

– Ta gueule et cours ! lui répondit Farca en lui faisant signe de se dépêcher.

Le trio le regarda tourner à un embranchement. Deux d'entre eux poussèrent un soupir commun, et l'alchimiste décida qu'il était de bon ton de faire les présentations.

– Vous êtes Maurice, n'est ce pas ? Sieg vous a mentionné dans son message. Je suis Farca, demi-naine, expliqua-t-elle en insistant sur la dernière partie, donc une adulte. Je vous présente mon associé, chargé de régler les conflits, Adam.

Maurice leva la tête pour observer le colosse de métal qui le saluait tout en agitant la main.

– Mais où est ce qu'il trouve des gars comme vous, franchement ?

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant