Chapitre 70: Tomber de haut (Partie 2)

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Furieux, Saga se plaça alors près de lui et lança aux sept autres un regard noir.

– Quelqu'un a quelque chose à dire au sujet de mon petit frère ? Je vous rappelle que sans lui, je serais mort depuis longtemps. Je suis le seul homme au monde qui aurait pu fermer la porte, alors nous lui devons en grande partie notre victoire en ce jour !

Face à ce discours, plusieurs membres du groupe eurent l'air gêné.

– Vu comme ça... marmonna Zelon.

– Désolé gamin, ça m'a échappé...

– Hé, c'est pas non plus comme si c'était le seul coup d'éclat qu'il a accompli ! tenta d'enjoliver Lina. Il nous a aidé plein de fois !

– Ouais, ouais... Pas faux... grommela Simétra qui ne semblait pas convaincue.

L'intéressé se retint de hurler sa frustration sur les autres. Non seulement son frère lui était venu en aide comme à son accoutumé, mais il avait encore droit à leur pitié. Rotsala avait espéré avoir l'occasion d'accomplir un exploit qui lui permettrait de prouver qu'il avait autant de valeur que les autres, mais son rêve avait prit fin en même temps que cette guerre.

Rotsala eut la force d'afficher un sourire quelque peu crispé alors que les excuses continuaient de pleuvoir.

– Allons, allons... intervint Silania de façon conciliante. Le temps n'est pas à ce genre d'histoires, nous devons encore...

La meneuse du groupe ne put finir son discours. Un épais nuage mauve explosa entre eux et les recouvra tous.

Pris de cours, ils ne réagirent pas à temps et en inspirèrent une partie. Aveuglés, il leur fallut d'interminables secondes pour s'en échapper, mais ils comprenaient déjà qu'il était trop tard. Leurs gorges étaient en feu, et leurs forces les quittaient rapidement. Ils tombèrent les uns après les autres au sol, à peine capables de bouger. Ils crurent un moment que la fumée leur avait fait monter les larmes aux yeux, mais ils reconnurent bien vite l'odeur du sang. Aucun doute était permis: ils venaient d'être empoisonnés.

Luttant pour se redresser, Silania distingua des figures qui se détachaient des ombre de la forêt voisine. Elle n'eut aucun mal à reconnaître qui s'approchaient d'eux.

Leur peau sombre.
Leurs cornes sur le front.
Leur longues queues noires.
Leur énergie obscure.
C'était des démons.

L'un d'eux se plaça face à Silania et s'accroupit pour mieux la dévisager. Elle vit son visage résolu qui était parsemé de larmes. Il lui adressa la parole, la voix tremblant de rage et de tristesse.

– Jamais je n'aurais cru que vous iriez jusque là. Fermer la porte qui relie votre monde de lumière avec notre monde de ténèbres nous semblait impossible, et pourtant...

– Mais... Vous auriez du... toussa la paladine.

– Oh, crois moi, nous sommes les premiers surpris... ricana avec aigreur le démon. Quand nous avons tout d'un coup vu les notre disparaître, comme s'ils étaient effacés, nous avons cru que nous serions les prochains. Mais non, nous sommes encore là. Vos soldats ont alors commencé à nous attaquer, disant que nous étions les derniers rats à éliminer. Le peu d'entre nous qui sont devant vous le doivent à ceux qui ont décidé de rester derrière pour nous donner une chance de survivre.

Il attrapa vivement la mâchoire de Silania et la hissa à quelques centimètres de lui.

– Par votre faute, nous ne pourrons plus jamais rejoindre notre monde, notre patrie, nos familles ! Nous sommes piégés dans un monde qui ne veut rien de plus que de nous voir morts ! Vous ne pouvez pas imaginer toute l'étendue de notre haine...

Il la lâcha et elle retomba au sol. Il se redressa et la fixa comme si elle n'avait pas plus de valeur qu'un insecte.

– J'espère que vous avez aimé vos cinq minutes de gloire, car vous n'en aurez pas une de plus. Le venin de cobra des plaines pourpres n'a d'antidote que dans le monde des ténèbres. C'est dommage que vous ne pouvez pas y aller pour vous en procurer, pas vrai ?

Les autres démons s'éloignèrent peu à peu sans dire un mot. Les combattants à l'agonie continuèrent à gémir au sol, rampants tant bien que mal dans des directions approximatives.

– Je vous donne tout au plus cinq minutes avant de mourir. Vous êtes robustes, non ? Vous êtes des héros, après tout...

Le démon détourna son regard en entendant un puissant hurlement. Natas était parvenu à se dresser sur ses jambes et commençait déjà à courir en direction de leurs agresseurs, l'épée à la main. En poussant un râle d'agonie, il sauta et tenta d'abattre son arme sur le démon le plus proche. Mais son acte n'était pas passé inaperçu, et un de ses ennemis généra une sphère obscure dans le creux de sa main et la lança sur l'enragé qui se la prit en pleine poitrine. Il fut propulsé dans la direction opposée et percuta un rocher. Il retomba au sol et cessa de bouger.

– Qu'est ce que je disais... soupira le meneur des démons.

Silania tenta de lui agripper la jambe, mais il repoussa sa main d'un coup de pied avant de lui cracher au visage.

– Quelle blague, vraiment... lâcha-t-il en se mettant à marcher.

Le démon se dirigea vers la pénombre des arbres, sans adresser aux héros un seul regard. Il savait pertinemment qu'ils ne survivraient pas.

Un peu plus loin, Rotsala griffait le sol, désespéré. Après tout ce qu'il avait vécu, ce qu'il avait enduré aux côtés des autres, il allait mourir sans rien pouvoir faire. Il perdait peu à peu toutes sensations dans l'intégralité de son corps. Il se brisait les ongles sur la pierre sous lui, mais même la douleur lui était à présent étrangère. Maudissant le destin qui lui avait été réservé, sa tête heurta le sol et sa vue commença à se brouiller.

Rotsala resta immobile pendant quelques minutes, se concentrant sur sa respiration. Avec la disparition du soleil, les ombres recouvrirent leurs corps à mesure que le souffle de leurs vies les quittait. L'injustice écrasa le peu de conscience qui lui restait, et il se sentit lentement dériver vers son trépas.

Soudain, Rotsala fut ébloui par une intense lumière. Surpris, il rassembla d'au plus profond de lui même des forces insoupçonnées et essaya de redresser la tête pour comprendre ce qui se passait.

Devant lui, par delà le bord de la falaise qui surplombait le combat qui venait de prendre fin, une figure nimbée d'une lumière éclatante flottait dans les airs.

De là où ils étaient, les soldats ne pouvaient que fixer l'apparition sans oser dire un mot. Ils étaient subjugués par la beauté de l'être au dessus d'eux. Ses traits fins auraient fait rêver plus d'un artiste, et elle dégageait une grâce et une élégance que nul mortel pouvait espérer égaler.

Pour tous, le doute n'était pas permis: une déesse venait de descendre sur terre.

La déité sourit aux héros tombés et adressa au monde entier ses paroles.

Nobles héros ayant vaillamment combattu pour le bien de ce monde que nous aimons tous, je suis ici pour vous récompenser.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant