Chapitre 37: Une ombre chaleureuse... à sa façon (Partie 1)

51 15 57
                                    

Les aventuriers détalèrent, et même sa fureur ne fut pas assez intense pour que Vinia puisse résister à la tentation d'en faire autant. Elle maudit l'écarlate avant de disparaître dans la rue principale.
Sieg soupira, rangeant sa pièce. Les ombres descendirent, entourant le bretteur.

– Je vous remercierais bien pour votre aide, mais... commença à dire l'écarlate.

Une femme vêtue sombrement le scruta de sous sa capuche. Elle avait sorti une dague qu'elle plaça sous la gorge de Sieg qui ne trahissait aucune inquiétude, mais un semblant d'embarras.

– T'en as, des couilles ! Te repointer ici alors que t'as une ardoise qui ruinerai un nobliau ! susurra la femme. Tu t'es vachement ramolli, si t'avais besoin de te faire pincer par nous pour échapper à ces branleurs ! Et c'est pas vraiment ce que j'appelle un plan de génie !

Sieg leva les mains de façon amicale, demandant à tous de baisser les armes.

– Vous ne pensez pas que je suis venu jusqu'ici sans un plan ? indiqua-t-il sereinement. J'ai de quoi payer mes dettes auprès de Maurice, et même lui acheter un service... Et je vous déconseille d'essayer de me faire les poches pour ensuite lui dire que je n'avais rien sur moi ! Même s'il m'en veut, nous savons tous qu'il portera assez de crédit à mes propos, si je lui annonce que l'argent que je lui dois se trouve dans vos poches, pour s'en assurer lui même... Et les mensonges ne lui résistent jamais longtemps...

Un sourire mauvais déforma la bouche de celle qui le menaçait. Elle adressa un signe de tête à un de ses collègues. Il ouvrit une partie du mur qui semblait à première vue normal et dévoila un escalier dérobé.

– T'as toujours été doué avec les mots ! On va voir si t'as pas trop perdu la main !

– Crois moi, Zanita, personne ne sera déçu... déclara Sieg.

Escorté par un groupe peu recommandable, Sieg quitta la brillance de Syndras pour en visiter son obscurité si familière.

                                                                          ***

Ils descendirent les marches lentement avec la plus grande attention. Ils marchaient dans le noir le plus complet, et tomber ici leur vaudrait de dévaler plusieurs dizaines de marches avec des conséquences douloureuses.
Ils auraient pu allumer des torches, mais ils voulaient s'accoutumer à l'obscurité car l'Abri ne serait qu'à peine plus éclairé. Peu de personnes ici bas avaient les moyens d'obtenir des pierres de lumière, et le complexe n'était pas assez aéré pour que l'on puisse s'éclairer avec du feu sans étouffer.
Une fois en bas des marches, Sieg se retrouva dans un terrain familier où il pouvait naviguer, même les yeux fermés. Il décida cependant de nimber ses mains de magie de lumière pour se faciliter la tache, acte qui n'attira aucun reproche de son escorte.

Grâce à cette nouvelle lueur, il put voir que de nouveaux travaux avaient eut lieu depuis sa dernière visite. L'Abri n'ayant pas été à l'origine prévu pour que l'on y vive des années durant, il était nécessaire de creuser de nouvelles sections, de nouveaux passages, pour le confort de ceux qui y vivaient, et pour accueillir les nouveaux venus qui arrivaient presque quotidiennement. Ils ne creusaient pas au hasard, car des désastres passés avaient prouvé que la moindre erreur pouvait entraîner des effondrements.
Les locaux redoutaient aussi que le prochain incident pourrait affecter la surface. Si la lumière venait à être troublée d'une quelconque façon par leurs travaux, elle s'intéresserait aux actions des ténèbres qui ne seraient pas en mesure de riposter.

La place que le groupe pénétrait était plus large que dans les souvenir de l'écarlate. Elle était désormais plus haute de cinq mètres, et plus large du triple. Le plafond était éclairé d'une des rares pierres de lumières de grande taille du quartier, à peine assez puissante pour remplacer l'obscurité par une pénombre oppressante et déprimante. Mais cette ambiance ne semblait avoir aucune influence sur la vie de tous les jours dans l'Abri.

La place était remplie de stands vendant toutes sortes de produits, le plus souvent d'une fraîcheur ou qualité bien inférieur à la norme de la surface. Des clients passaient d'un commerce à un autre, négociant comme des marchands de tapis avec les commerçants, et même les discussions les plus agitées ne semblaient pas déboucher sur des conflits sérieux.
Des enfants courraient dans tous les sens, jouant et riant entre eux. Certains d'entre eux profitaient parfois de l'inattention des adultes pour subtiliser de l'argent ou de quoi manger, mais ils se faisaient bien souvent prendre sur le fait.
À divers endroits, des groupes de personnes se formaient pour discuter, se retrouver, ou juste passer un bon moment. Plus loin, Sieg pouvait apercevoir un combat de rue autour duquel s'étaient réunis des parieurs qui encourageaient leurs champions.

L'épéiste fut tiré de son observation par Zanita qui le poussa en avant, lui rappelant que sa dague n'était pas bien loin de sa colonne vertébrale. Il soupira et se remit en marche. Il salua au passage quelques personnes qui l'avaient reconnus, et ignora les commentaires sur son costume tape-à-l'œil.

– Sérieux, faudra vraiment que tu nous dises où t'as déniché un truc pareil ! s'exclama Zanita. Parce que niveau discrétion... Et je te parles pas du mauvais goût !

– Alors premièrement, cette tenue me va comme un gant ! répondit Sieg avec une touche d'agacement. Et deuxièmement, elle est très fonctionnelle !

– Pour quoi ? Cacher ton sang quand tu te feras poignarder pour ta bourse ? se moqua la vaurienne.

– Non... Plutôt pour éviter que ça arrive...

Sieg ouvrit la marche dans une des veines qui permettaient de quitter la place. Son escorte ne donnait pas l'impression de le tenir à l'œil, mais ils savaient tous que ce ne serait pas nécessaire.
Si Sieg tentait de s'échapper, il ne pourrait pas faire deux pas avant qu'un autre membre de leur gang, dispersé dans le quartier, ne lui remette la main dessus.
Le bretteur n'avait donc pas d'autre choix que de jouer le jeux pour le moment. Cela lui convenait, car il possédait plus qu'assez d'atouts pour remporter la partie.

Le groupe traversa plusieurs rues improvisées, passant devant des ouvertures grossières dans les murs qui faisaient office de maisons de fortune. Si certaines étaient fermées par des portes en bois pourries ou des rideaux, la plupart étaient perpétuellement ouvertes, laissant transparaître les conditions de vie lamentables des habitants. Peu d'accès à l'eau, presque pas de mobilier, et des familles de dix personnes qui partageaient une habitation aussi large qu'une simple chambre à coucher. On pouvait sentir à quel point les habitants de l'Abri étaient entassés les uns sur les autres.
L'écarlate croisa le regard de plusieurs locaux qui ne semblaient plus attendre grand chose de la vie. Beaucoup de personnes ici finissaient par tout laisser tomber, se persuadant qu'ils ne pourraient jamais trouver mieux.

Sieg se félicitait de ne pas avoir entraîné Bélial ici. Même si la situation de l'Abri était bien meilleure que celle du bidonville de Cressia, leurs similitudes auraient pu l'affecter, elle qui semblait déjà troublée par autre chose. De plus, il savait qu'il devrait recourir à plus de doigté que ce dont sa partenaire était capable pour se sortir de la situation dans laquelle il se trouvait.

Ils arrivèrent à un autre escalier qui leur permit de descendre deux étages supplémentaires. Ils furent alors en vue de leur destination.

Taillé dans un des murs d'une place, une taverne se démarquait de tous les autres établissements de l'Abri. En plus de sa large entrée, des fenêtres s'ouvraient sur la taverne, révélant ses trois étages qui semblaient disproportionnés pour le quartier. Les mots La porte de l'enfer étaient peints avec une substance phosphorescente qui les rendaient facilement visibles.
Une musique chaotique et pourtant entraînante s'en échappait, accompagnée de rires gras et de bruits de bagarres.
Comme pour attester de l'atmosphère de la taverne, un homme traversa une des fenêtres du premier étage alors que Sieg et les autres approchaient de la porte. Le contraire aurait étonné l'épéiste qui savait que certaines idées préconçues étaient si fortes qu'elles pouvaient influencer le fonctionnement de l'univers.
Mais nous n'aborderont pas cela ici, car ce sujet pourrait remplir une collection d'encyclopédie entière avec une analyse superficielle.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant