L'elfe fit signe aux aventuriers d'aller dans la cellule d'à côté. Ils en sortirent une petite fille qui ne se débattit même pas. Ils l'amenèrent à Elyren qui la serra contre lui d'un seul bras avant de plaquer une dague contre sa gorge. La fillette couina faiblement, et sa respiration s'accéléra un peu.
– Crois moi, ça ne me fait vraiment pas plaisir d'en arriver là, mais tu ne m'a pas exactement laissé le choix... Et ne me sors pas le couplet sur la vie des otages, c'est une idée de Leinabe, et il se moque du nombre d'enfants que tu laisseras mourir pour garder ton petit secret... Tu as jusqu'au compte de trois avant que je ne passe au suivant...
– Je te connais, tu n'es pas un monstre...
– Un !
– Égorger des enfants n'est pas dans ta nature... Ne deviens pas comme eux...
– Deux !
– Tu vaux mieux que ça...
– Tr...
Elyren hésita. Il eut de plus en plus de mal à respirer à mesure qu'il comptait, et ses mains tremblaient. Une goutte de sueur coula de sur son nez et tomba au sol dans un ploc assourdissant dans le silence macabre de la cellule.
– Tr... Tro...
– Arrête, Elyren... Ce n'est pas la peine...
Elyren sursauta. Une vague de soulagement se propagea dans tout son corps. Il dirigea un regard brillant de reconnaissance vers Sieg.
Mais l'écarlate n'avait pas l'intention de parler.
Il fixait la charge de l'elfe avec tristesse.
Elyren ne réalisa pas immédiatement la raison de son comportement, sa précognition ne portant que sur ce qu'il voyait. Il finit par réaliser que l'enfant qu'il tenait ne respirait plus. Paniqué, il lâcha la gamine, et son corps heurta le sol, un œil dépourvu de toute lumière l'accusant de ses crimes.Elyren tituba en arrière, incapable de respirer. Il se prit la tête entre ses mains, et réalisa qu'il tenait encore la dague dépourvue de sang. Il la regarda avec horreur avant de la jeter au sol et de s'effondrer en haletant.
– Tu es quelqu'un de bien... Tu n'as pas ta place aux côtés de Saga et de Leinabe...
– La ferme ! hurla Elyren en secouant sa tête comme un dément. La ferme ! La ferme ! Ferme la ! À qui la faute, d'après toi ? Qui c'est qui m'a abandonné ? Qui m'a convaincu de le suivre pour être ensuite jeté aux pâtures ?
Sieg ferma les yeux en baissant la tête.
– La mienne, et à personne d'autre... Toute la souffrance que tu as enduré... La meurtrissure de ton cœur... Je suis le seul fautif... Et je suis donc le seul qui mérite de payer pour ça...
– Oh, quelle noblesse d'âme ! Tout ça pour sauver des enfants...
– C'est à toi que je fais référence...
Sidéré, Elyren regarda Sieg qui rouvrait ses yeux et le fixait avec pitié.
– Tu as laissé ta haine envers moi brouiller ta vue... Tu t'es laissé entraîner sur la voie des ténèbres pour me faire souffrir... Tu es en train de te damner toi même... à cause de moi...
– Boucles là...
– Quand as tu joué du galini pour la dernière fois ? Tes doigts glissaient sur ses cordes comme aucun autre elfe... Tu étais capable de créer des accords si majestueux que la forêt elle même était bercée par ta musique... Tu aimais jouer plus que le combat, tu disais...
– Boucles la !
– Que dirais tes frères et sœurs s'ils te voyaient ainsi ?
Elyren bondit sur ses pieds et se rua vers Sieg.
– Boucle la ! hurla l'elfe en le frappant au visage. Je ne veux plus t'entendre, tu le comprends, ça ? Tais toi ? Tu m'as tout pris! Tout ! J'ai abandonné ma forêt pour te suivre ! Abandonné ma famille pour t'aider ! Tu as brisé mon âme!
Les aventuriers se précipitèrent pour retenir Elyren qui passait à tabac Sieg, lui rappelant qu'il ne fallait pas le blesser. Ils le tirèrent hors de la cellule avec difficulté, et l'un d'eux examina leur captif. Il était couvert de sang, mais il était encore en vie et conscient. Il vit aussi qu'il pleurait.
Elyren chassa les aventuriers qui essayaient de le retenir, et fixa sa victime avec hargne.
– Je ne te permet pas d'avoir pitié de moi ! Je sais qui tu es vraiment, je te rappelle ! Je sais que tu es un minable ! Un incapable qui a toujours reposé sur la force des autres pour obtenir quoi que ce soit ! Décidément, tu t'étais bien moqué de moi !
Elyren se détourna et s'en alla en ordonnant aux aventuriers de rester surveiller Sieg, comme il en avait déjà été convenu quand ils avaient compris que ses compagnons étaient en ville. Les nouveaux geôliers se dévisagèrent un moment, et l'un d'eux se décida enfin à sortir le cadavre de la fillette de la cellule de Sieg.
Toujours enragé, Elyren quitta l'escalier qui reliait le manoir à sa prison. Les gardes et pirates qui croisèrent sa route s'écartèrent à son passage, redoutant de subir son courroux en le contrariant.
L'elfe eut une vision étrange qui l'inquiéta. Il regarda autour de lui pour voir d'où pourrait venir une potentielle menace, mais ne trouva rien avant de se faire propulser contre un mur et y rester plaqué, incapable de bouger. Il sentit une prise glaciale autour de son cou, et vit se matérialiser devant lui Leinabe qui le fixait avec froideur.
– Nous avons une seule consigne concernant Sieg ! Une seule ! Et crois moi, ce n'est pas l'envie de l'étriper qui me manque ! Mais c'est ce que Saga a ordonné, et tu sais ce qu'il fait aux pions qui ne savent pas lui obéir !
Le spectre planta sa main libre dans le torse de l'elfe qui se retint difficilement de hurler. Un froid morbide se répandit dans tout son corps, et son souffle gelait l'air alors qu'il virait au bleu.
– Je m'en fous que tu te fasses étriper parce que tu es trop con pour faire ce qu'on te dis, mais je te rappelle que je suis responsable de ce qui se passe dans cette ville ! Tes conneries pourraient aussi me retomber dessus, et je n'ai vraiment pas envie de laisser la mort remettre la main sur mon âme ! L'enfer n'est pas aussi plaisante que certains le croient, et je refuse d'y retourner à cause d'un débile comme toi !
Le corsaire relâcha Elyren qui s'effondra au sol, toussant grassement en reprenant des couleurs.
– Alors tu vas me faire le plaisir de rester loin de Sieg si je ne suis pas avec toi pour te tenir à carreau ! Désobéis, et je t'arrache la colonne vertébrale, os pas os ! Et avec mes pouvoirs, je peux te maintenir en vie jusqu'à ce que j'ai fini ! Grognes si tu comprends !
Elyren grogna péniblement avant de désigner le couloir. Leinabe se tourna pour remarquer une employée de maison qui les scrutait avec terreur. Le capitaine était impressionné qu'elle ne s'était pas déjà mise à hurler.
– Quoi ? C'est que du grouillot, ignores là ! Tu as des choses bien plus importantes à garder à l'esprit ! Dans deux jours, un prêtre de Vauracia, déesse des sceaux, va le débarrasser de ses maudits tatouages ! Quand ce sera fait, son corps sera à moi ! Je pourrais donc veiller personnellement à ce que tu ne recommences pas tes conneries !
Leinabe disparut comme il était apparu, laissant l'elfe se relever difficilement. Il regarda de nouveau la femme qui avait assisté à l'échange, et lui hurla de ficher le camps avant qu'il ne passe ses nerfs sur elle.
Elle prit les jambes à son cou et quitta le manoir, blanche comme un linge. Elle n'était pas la première à détaller ainsi du manoir, aussi les gardes ne prêtèrent pas attention à elle.
Une grossière erreur.
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Déicide - Volume 1 - Défier le destin
FantasyElle n'avait jamais cru que son aventure débuterait ainsi. Bélial avait toujours voulu découvrir le monde, mais ce fut dans le sang que la démone fut forcée de quitter son village barbare pour des contrées lointaines, accompagnée seulement d'un espr...