Chapitre 61: L'autre facette (Partie 2)

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Gravissant les marches si vite qu'elle pouvait tout aussi bien être en train de courir sur un terrain plat, la démone suivit les traces de sang jusqu'au troisième étage, n'observant que brièvement les carcasses des victimes de la créature qu'elle suivait.

La jeune femme avait du mal à considérer sa cible comme étant une personne, encore moins comme son partenaire. Les actes atroces dont elle était témoin reflétaient d'une personnalité à l'opposé de ce qu'elle connaissait de Sieg, mais une part d'elle était persuadée qu'elle marchait dans les pas de l'écarlate.

Elle avait peur.
Peur de voir un monstre avec l'apparence de Sieg la dévisager avec fureur quand elle parviendrait à le rattraper.
Peur de voir une facette sombre de son partenaire qu'il lui aurait caché.
Peur de le perdre, lui.

Ne fonces pas directement sur lui quand tu le retrouveras, suggéra Raya à son amie. Tu vois bien qu'il n'est pas dans son état normal... Si c'est bien lui, évidement...

– Ouais, ouais, je sais... Mais t'as jamais rien vu, toi, avant, qui pourrait expliquer pourquoi il... Enfin...

Pourquoi il péterait une telle durite qu'il régresserait à l'état d'un monstre sanguinaire ? Si ça avait été le cas, je t'aurais dis de faire gaffe dès le premier jour ! J'en ai vu, des carnages, bien plus que toi... Et ce qu'on vient de voir, je ne connaissais que quatre abominations à forme humaine qui en seraient capables... Et je n'aurais jamais cru que Sieg deviendrait le cinquième...

Bélial serra son poing autour du fourreau de son partenaire. Elle refusait de croire que cette arme pouvait devenir tout ce qui lui restait de son partenaire.

La démone quitta les escaliers quand la piste la mena dans un couloir. Elle enjamba les cadavres qu'elle croisa, et s'arrêta en dépassant une large statue. Une jeune femme, habillée sobrement, était recroquevillée contre l'œuvre, tremblante et sanglotante, et ne semblait pas avoir remarqué la présence de la démone.

Cette dernière s'accroupit devant la traumatisée et posa doucement sa main sur son épaule. La femme terrifiée sursauta avec un cri de panique, reculant aussi loin que possible, se tassant dans le coin formé entre le mur et la statue. Elle fixa Bélial avec des yeux fous.

– Ne me faites pas de mal ! Pitié, ne me faites pas de mal !

– Hé, calmos, je vais pas te cogner ! J'veux juste savoir si t'as vu ce qui s'est passé ici ! À quoi ressemble le gars qui a fait tout ça !

Effrayée, la jeune femme finit par comprendre que Bélial ne lui voulait aucun mal, et trembla un peu moins. D'une voix faible, elle décida de lui répondre.

– Il était... Couvert de sang... Tellement de sang... Je crois qu'il était blond, mais je ne suis pas sûre...

– Et ses vêtements ? T'as vu ses vêtements ?

– Oui, mais... Avec tout le sang qui le couvrait... je n'ai pas bien vu... Mais ses yeux ! Oh oui, ses yeux ! Ils étaient bleus ! Comme le ciel ! Mais ils étaient aussi si froids, comme la glace...

Bélial saisit la jeune femme par les bras et la dévisagea intensément.

– Attends, il t'a regardé ? Et il t'a laissée tranquille ?

Horrifiée, la victime hocha la tête si vite qu'elle aurait pu s'en déboîter les cervicales. La démone baissa la sienne en poussa un soupir de satisfaction.

Ça veut dire qu'il n'a pas perdu la raison. Ou au moins, pas entièrement. Sinon, je n'ose pas imaginer ce qu'il lui aurait fait...

– Sieg est pas du genre à étriper des innocents sans raison... souffla Bélial en se redressant avant de se rendre compte d'une chose. Pas comme moi...

Laisse le passé où il est ! Je t'ai vu beaucoup grandir depuis Sombresang, tu n'es plus la même personne qu'avant! Comme l'a dis Sieg, si tu as honte de ton passé...

... j'ai qu'à me faire un futur dont je pourrais être fière...

– Tiens ? Cela me rappelle quelque chose, ce que tu viens de dire...

Il ne fallut qu'un instant à Bélial pour se mettre en position de combat. Elle fixa le couloir qu'elle venait d'emprunter. Une figure se détacha de l'ombre d'une statue et se présenta à elle. Le nouveau venu tenait une épée avec nonchalance, et ne quittait pas Bélial de son unique œil. La démone sentit son sang ne faire qu'un tour quand elle reconnut la veste et le chapeau rouge qu'il portait.

– Enlève ça tout de suite, c'est pas à toi, enfoiré ! C'est à Sieg !

Elyren fit semblant de n'avoir rien entendu, se contentant de juger la barbare avec un mélange de mépris et de dégoût.

– C'est une phrase de Sieg, ça, non ? Ou du moins, une version simplifiée... ricana Elyren en faisant un pas en avant. Dois-je en déduire que tu es son nouvel outil ?

– J'suis l'outil de personne, tocard ! rugit Bélial. Sieg et moi, on est partenaires ! Et d'ailleurs, ça serait pas toi, l'enflure qui l'a capturé ?

L'elfe fit une élégante révérence sans pourtant quitter la brute du regard.

– De fait, si ! Et tu peux me croire, cette vengeance a été des plus plaisantes à cueillir ! Mais pas satisfaisante...

Bélial roula les yeux vers le ciel, grommelant qu'Elyren avait sûrement mérité ce que l'écarlate lui avait fait. Cette remarque effaça le sourire de l'elfe.

– Ah ? Parce que tu penses que la loyauté mérite d'être trahie, toi ?

Bélial fronça les sourcils, tandis que Raya commençait à avoir un mauvais pressentiment, craignant ce qu'elles allaient entendre.

– Ne me dis pas que Sieg n'a jamais parlé de moi ? Je suis vexé ! Il aurait du te prévenir que tu avais des prédécesseurs... Il a mentionné Alice, non ?

Bélial tituba en arrière, choquée. La barbare ne comprit pas immédiatement comment le borgne pouvait connaître un nom si important pour son partenaire qu'elle n'avait pas pu l'entendre de ses lèvres. La démone déglutit, comprenant que l'elfe en face d'elle connaissait peut être Sieg bien mieux qu'elle.

Respire, Bel ! Ne le laisse pas te déstabiliser !

La réaction de la barbare fut toute la réponse dont Elyren avait besoin, et il se mit à rire de façon peu naturelle.

– Oh, oui, la belle Alice... Alice la sublime ! Alice la parfaite ! À l'entendre en parler, il était clair qu'il tenait encore à elle, malgré le temps passé... Et nous savons tout les deux comment elle a fini... Elle a connu le même sort que ceux qui ont fait l'erreur de lui confier leur vie...

Elyren imagea ses propos en pointant la pierre brillant dans son orbite, geste qui remplit la démone d'une peur plus intense que quand l'Yrakan l'avait dévisagée par le passé.

– Non... bafouilla la barbare qui ne pouvait pas se convaincre que le borgne lui mentait. Non, c'est pas...

– Sais-tu comment j'ai reçu cette blessure ? Peux-tu te faire une petite idée ? Et bien, je l'ai reçu en me faisant déchiqueter par trois manticores... Tout ça, pendant que Sieg m'abandonnait pour poursuivre Saga !

Bélial avait de plus en plus de mal à respirer, ses jambes perdant ses forces et menaçant de plier sous son poids. Elle refusait de croire ce qu'elle entendait.

– Il... Il avait peut être pas vu... Peut être qu'il ne savait pas...

– Il m'a regardé, droit dans les yeux, alors que je l'appelais à l'aide ! hurla Elyren avec assez de force pour faire trembler la barbare. Il aurait pu m'aider, mais il m'a jeté quand je suis devenu inutile ! Quand me sauver pouvait lui coûter son but !

Bélial s'appuya contre un mur pour ne pas chanceler. Apprendre cette sombre facette de son partenaire, capable d'abandonner une personne qui avait confiance en lui, fut un choc insupportable pour la jeune femme qui n'était même pas sûre de ce qu'elle ressentait pour l'écarlate. Elle avait l'impression que son monde s'écroulait de nouveau autour d'elle.

Elyren la regarda avec pitié, voyant combien elle tenait à Sieg, et décida de donner le coup de grâce.

– Et oui... Tout ça, pour arrêter son propre frère...

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant