Deux jours après le départ de Sieg et Diro, le deuxième groupe quitta Patelo pour Port-Écume. Bélial n'avait pas encore retrouvé toutes ses forces, mais Farca avait déterminé que la démone était en assez bon état pour voyager, et même se battre si la situation venait à l'exiger.
L'alchimiste avait donc prodigué à la barbare des médicaments supplémentaires en lui disant bien de se tenir tranquille jusqu'à ce qu'ils arrivent à destination. La jeune femme manifesta son mécontentement, clamant qu'elle finirait par rouiller si elle restait inactive trop longtemps.Durant la journée de voyage qu'ils avaient à faire, la sang-mêlée trompa l'ennui de la démone en reprenant ses cours de lecture, mais elle pouvait voir que son élève avait l'esprit ailleurs. Elle ne lui fit cependant pas la morale, car elle savait à quoi elle pensait, et partageait ses craintes.
Ils avaient laissé Sieg et Diro partir seuls pour Port-Écume, une zone à risque, et ils étaient encore trop loin de la ville pour qu'Anoro puisse joindre l'autre soldat avec son sceau de communication magique. Ils devaient au moins attendre la fin de l'après-midi avant d'être à porté de communication, et dissiper leurs craintes.– C'est bon, tu les entends ? répéta pour la cinquante-septième fois Bélial.
Anoro soupira et ne se donna pas la peine de répondre, sachant qu'il aurait de toute façon droit à la même question moins d'une minute plus tard. Il se contenta de regarder à travers la fenêtre avec lassitude.
– Il t'a dis qu'il nous préviendrai s'il apprenait quelqu chose, alors fous lui la paix ! gronda Farca.
– Analyse Terminée ! D'après Notre Vitesse Actuelle, Nous Devrions Être À Portée De Communication Dans Une Heure !
Anoro fixa Adam un moment. Il estimait qu'ils devaient n'attendre qu'une vingtaine de minutes avant d'être assez près de la ville, mais il avait l'impression que le gardien venait de mentir volontairement à la démone pour qu'elle le laisse tranquille plus longtemps. Adam remarqua l'expression du soldat qui eut une drôle d'impression, comme si le gardien venait de lui faire un clin d'œil, malgré l'absence de paupière ou d'yeux.
Bélial s'accouda à la table devant elle, posa son menton sur la paume de sa main, et souffla bruyamment en pinçant ses lèvres. Toutes les stratégies habituelles pour lui faire passer le temps étaient rendues inefficaces face au manque total d'action qu'elle avait connu durant la dernière semaine.
– Mais j'en ai mare, moi ! C'est pour ça que j'ai dis qu'on devait partir hier soir, quand Hébo est revenu...
– Mais bien sûr ! s'exclama Farca avec humeur. Voyager en plein milieu de la nuit, sans visibilité, à travers un territoire vallonné, avec un cocher rendu léthargique par le manque de sommeil ! Qu'est ce qui pourrait aller de travers ?
Tu veux la liste ? Parce que j'en ai vu un paquet, d'accidents sur les routes... Il y a même eu une décapitation assez spectaculaire qui...
Anoro sursauta, surprenant les autres passagers. Il porta une main à son oreille et se mit à parler.
– Diro ? Je ne m'attendais pas à t'entendre aussi... Houla, calme toi et parle moins vite, je ne comprend rien ! Tu es en train de courir ?
Bélial fondit sur Anoro en un instant, lui saisissant les épaules pour le secouer.
– C'est bien eux, hein ? Ils vont bien ?
– Mais qui veux tu que ce soit ? L'Yrakan qui nous invite à prendre le thé ? maugréa la naine en essayant de calmer la barbare. Lâche le, qu'il puisse demander ce qui se passe !
Encore choqué par la violente secousse dont il venait de faire l'objet, Anoro posa les questions désirées à son partenaire. Ils étaient à plus de cinq kilomètres de Port-Écume, ce qui lui prouvait que le soldat avait quitté la ville pour les contacter le plus tôt possible.
Anoro hocha plusieurs fois la tête en écoutant le rapport de Diro, grognant de temps à autres pour indiquer qu'il entendait ce qu'il racontait. Il retranscrivait ce qu'il apprenait sur un calepin, essayant de ne pas perdre de détails. Il se fendit parfois de quelques expressions de stupeur et de surprise qui inquiéta les trois autres passagers. Anoro blêmissait à mesure que l'exposé se prolongeait, portant sa main à la bouche quand il apprit quelque chose de particulièrement troublant.
– Et Sieg ? finit par demander Anoro après un moment. Tu sais ce ce qu'il fait, en ce moment ?
Farca fronça les sourcils. L'écarlate était supposé rester aux côtés de Diro, pour qu'ils soient en mesure de communiquer en cas de besoin. Or, cette dernière question la laissait supposer qu'ils s'étaient séparés.
Les yeux de Bélial s'élargirent à la mention de l'épéiste, serrant ses poings sur ses cuisses en résistant à la tentation de tirer sur l'oreille d'Anoro pour crier dedans, afin de poser la question elle même. Adam sentit son stress et posa sa main sur l'épaule de la jeune femme en essayant de la calmer. Mais cela devint impossible quand Anoro se leva soudainement, paniqué.– Il est quoi ? T'en es sûr ? Merde, merde, merde...
– Il est arrivé quoi à Sieg ? s'inquiéta à son tour Bélial, se retenant d'empoigner le soldat pour l'interroger plus férocement.
Anoro plongea son regard dans les yeux débordants de peur de la barbare, n'ayant jamais cru voir une telle expression sur son visage. Il hésita, mais décida de ne pas lui cacher la vérité.
– Le comte l'a fait arrêter ! Il est dans la prison sous sa résidence, mais on ne sait pas dans quel état il est !
Farca s'inquiéta du manque de réaction de la jeune femme, s'attendant à la voir exploser de rage d'une seconde à l'autre. Après trois secondes d'immobilité, la démone se leva et passa sa tête par la fenêtre de la voiture.
– Ho, machin ! Sieg est dans la merde, et il a besoin de nous ! Si t'accélère pas, je te jure que je te fais bouffer tes chevaux !
Toujours aussi subtile et délicate...
Hébo se retourna dans son siège, surpris par la menace. Il vit cependant que la barbare était sérieuse, et qu'il y avait urgence.
– Vous inquiétez pas, Maîtresse Bélial ! hurla Hébo en fouettant ses chevaux. Si Maître Sieg a b'soin de nous, j'suis prêt à faire cavaler ces foutus canassons jusqu'à l'épuisement ! J'vous conseille juste d'bien vous accrocher, par contre, par ce que ça va secouer !
Bélial rentra sa tête dans la voiture et se rassit en croisant les bras. L'expression féroce qu'elle arborait doublé de son regard insistant sur Anoro fit trembler ce dernier.
– OK, c'est quoi les détails ? demanda la démone. On doit affronter combien de gars ?
– Heu, Béli... intervint Farca en se penchant vers la barbare. Vu ce qui se passe, on ne devrait pas...
– Pas quoi ? rugit Bélial en posant un regard noir sur la sang-mêlée. Sauver notre pote ? On sait pas ce qu'ils sont en train de lui faire ! Et toi, tu veux juste qu'on les laisse faire sans réagir ?
– Bien sûr que non ! s'écria la naine. Mais comme tu l'as dis, on ne sait pas ce qu'ils lui font ! S'ils apprennent que nous sommes là pour le sauver, ils pourraient décider de lui faire du mal en nous demandant de nous rendre ! Si tu veux aider Sieg, tu ne peux pas foncer dans le tas sans réfléchir ! Alors quand nous serons à Port-Écume, par pitié, ne passe pas en mode pillage !
Je suis d'accord avec elle ! La seule chance de sauver Sieg est de la jouer fine ! Je sais que tu veux à tout prix le sauver, mais ce ne sera possible que si tu ne le met pas en danger toi même en faisant n'importe quoi !
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Déicide - Volume 1 - Défier le destin
FantasyElle n'avait jamais cru que son aventure débuterait ainsi. Bélial avait toujours voulu découvrir le monde, mais ce fut dans le sang que la démone fut forcée de quitter son village barbare pour des contrées lointaines, accompagnée seulement d'un espr...