Déicide - Volume 1 - Défier le destin

Chapitre 5: La fête

Les villageois firent la fête pour célébrer le combat dont ils venaient d'être témoins.
Des tonneaux d'alcool furent percés, et d'innombrables chopes plongeaient dedans sans s'arrêter.
De nombreux gibiers chassés la veille furent immédiatement mis à la broche, sous les regards affamés de plus d'un démon. Assise au bord d'une petite corniche qui surplombait une bonne partie du village, Bélial voyait tout le monde danser, chanter, rire et s'amuser, et le spectacle la fit sourire.

Tu ne préfères pas les rejoindre ? Après tout, cette fête est pour toi.

– J'irais quand la viande sera prête ! déclara la démone qui se dandinait d'impatience sur la corniche. Regarde-les ! S'ils peuvent continuer la fête sans capter que je suis pas là, c'est pas un problème si je reste ici un peu plus longtemps... Et puis, je peux pas te parler si je suis pas toute seule, pas vrai ?

Tu aimes vraiment ce village, hein ?

– Bien sûr, c'est le mien ! affirma la barbare avec une fierté palpable. C'est mon peuple ! Bon, ils pourraient faire plus d'efforts à l'entraînement, mais à part ça...

Raya décida de ne rien dire. Elle avait déjà abordé ce sujet avec la jeune femme et cette dernière s'était tellement mise en colère que tout le monde avait cru qu'elle avait perdu la raison quand elle s'était mise à hurler dans le vide.
Raya avait fini par comprendre que c'était en fait la situation habituelle des génies. Pour eux, ce qui les rendait si exceptionnels était souvent aussi naturel que respirer, ils avaient du mal à comprendre que c'était difficile à maîtriser pour les autres. Elle avait parfois possédé de tels individus, mais Bélial étant sans doute la plus violente de tous.
Raya avait conscience qu'avec de l'expérience, un combattant pouvait analyser ses environs pour mieux les exploiter, et lire ses adversaires comme des livres ouverts. Ayant cohabité avec des guerrières, elle avait pu le voir, et même le sentir directement.
Mais Bélial était... un cas particulier.

À tout moment, elle était parfaitement consciente de tout ce qui se passait autour d'elle. Quand elle se retrouvait dans un lieu qu'elle voyait pour la première fois, il lui suffisait de survoler les environs du regard, sans avoir à se forcer, et elle aurait été capable de se repérer les yeux bandés, même dans un lieu complexe.
Et quand il s'agissait de combattre un adversaire, c'était comme si elle lisait ses pensées, voir même l'avenir. Rien ne lui échappait, que ce soit le changement de sa respiration, le mouvement même infime d'une partie de son corps, une lueur dans son regard, ou bien le son qu'il faisait, même immobile.
Sans même avoir à bouger son regard, elle sentait exactement ce que tout le monde faisait, alliés comme ennemis, et elle assimilait chaque bribe d'information pour réagir d'une façon qui ne pouvait être décrite que comme étant instinctive.

Mais c'était d'autant plus flagrant si on utilisait une technique ou une stratégie qu'elle avait déjà vu une fois contre elle, car s'il s'agissait de combat, elle n'oubliait jamais, pas même les plus petits détails. Dès qu'elle cernait la façon de se battre et de penser de quelqu'un, à moins qu'un détail lui était caché, elle savait comment il allait agir, et surtout réagir face à elle. Dans ces cas-là, c'était pour elle comme s'ils exécutaient une danse chorégraphiée avec pour seule issue sa victoire.
Si Bélial avait souvent l'air blasée ou ennuyée dans ses combats, c'était parce qu'aucun d'entre eux ne l'avaient surpris depuis bien trop longtemps.

La démone avait bien sûr tenté de l'apprendre à d'autres démons, mais en vain. Beaucoup trop de notions reposaient sur des aspects qui lui venaient instinctivement. La jeune femme n'aurait jamais imaginé avoir besoin de l'expliquer, non pas qu'elle aurait su comment.

– Enfin bon ! s'exclama Bélial en changeant le sujet de la conversation. J'imagine que pour toi, mon village est barbant, non ?

Raya demeura silencieuse un moment, comme si la question qu'on venait de lui poser était la plus compliquée qui soit.