Le prisonnier ne releva pas la tête quand il fut traîné à travers les portes de la demeure du comte. Dépossédé de ses affaires, enchaîné et traîné par deux solides gaillards, Sieg se laissa emmener vers le comte, ses pieds inertes glissant sur le somptueux tapis qu'arborait l'entrée.
Il ne prêta pas attention aux tableaux de nobles ancêtres et d'impressionnants paysages accrochés aux murs.
Il ignora le mobilier, digne du palais royal, qui ponctuait les couloirs qu'il empruntait.
Il ne se rendit pas compte du passage des personnes qu'il croisait, des domestiques et des gardes pour la plupart, mais aussi des pirates qui festoyaient comme s'ils étaient les maîtres des lieux.
Ou du moins, il faisait semblant de ne rien voir.À chaque fois qu'il passait devant une porte entrouverte, il laissa son regard s'y engouffrer brièvement, analysant les scènes de débauche qui s'y déroulaient. Quand les forbans ne vidaient pas des hectolitres d'alcool en chantant des chansons de marins, ils s'adonnaient à des actes à la moralité discutable avec des employées de maison qui faisaient pour la plupart preuve de réticence.
L'écarlate fit de son mieux pour rester discret dans son analyse des lieux. Il avait appris à ses dépends que toute tentative de s'échapper en présence d'Elyren qui marchait derrière lui serait vaine, son œil artificiel lui permettant de déjouer tout plan avant même qu'il puisse être mis en place.
Il ne restait donc à Sieg que deux choses à faire. Obtenir le plus d'information possible sur le bâtiment et ses occupants, et espérer que la seconde équipe soit plus chanceuse que la première.Les gardes qui menaient la marche de l'escorte ouvrirent une large porte double et entrèrent dans un grand salon. Le regard de l'épéiste ne s'attarda pas sur la décoration de bon goût, et se laissa être jeté sur l'un des canapés.
Il se redressa péniblement, fixant d'un regard noir un pirate qui posa un sac sur la table basse devant lui, à moins de trois mètres. Il du résister à la tentation de se précipiter dessus, pour en extraire les affaires qu'on venait de lui confisquer. Outre sa veste et son chapeau, ses couteaux de lancer s'y trouvaient, et ils lui auraient été d'un grand secours dans cette situation, si l'elfe ne s'était pas assis à sa droite, tenant l'épée de l'écarlate dans une main.Sieg pencha sa tête en arrière, les yeux fermés, lâchant un soupir. Il aurait bien écarté ses bras pour se détendre, mais les chaînes autour de ses poignets lui serrait déjà assez la chaire pour lui laisser des marques sur la peau. Il ouvrit un œil qui se tourna vers son ancien associé.
– Crois moi, si j'avais trouvé un moyen de t'aider...
– Ne m'insulte pas en disant que tu m'aurais préféré à ta petite mission... coupa Elyren d'un ton froid. Pour toi, rien ne compte plus que le trouver, lui, et ce peu importe les cadavres qui jonchent ton chemin...
L'elfe se tourna vers l'écarlate, posant son seul œil valide sur lui. Sieg y décela une pointe de douleur, l'amertume d'un souvenir rempli de souffrances et déceptions causés par un être cher.
– Et tu sais ce qui m'a fait le plus de mal ? Tu n'as même pas pris le temps de chercher mon corps, après ton échec... Non, tu es juste parti, sans même te soucier de mon sort... J'étais mort à tes yeux, et tu n'avais pas assez de respect pour moi pour au moins tenter de m'enterrer dignement...
– C'était au dessus de mes forces... murmura Sieg, la tête penchée en avant de honte. Après tout les amis que j'ai eu à mettre en terre, je ne pouvais pas voir ton corps sans vie... Pas après tout ce que l'on avait vécu...
– Oh, mais pour Alice, c'était différent, pas vrai ?
Sieg écarquilla les yeux et dévisagea Elyren qui avait une mine sombre.
– Au début, ça ne me dérangeais pas, d'être son remplaçant... D'être celui que tu utilisais pour étouffer ta peine... J'étais encore assez naïf à l'époque pour croire, qu'avec un peu de temps, je pourrais apaiser ton cœur... Que tu finirais par m'aimer autant que tu l'aimais elle...Mais au final, je ne valais pas mieux qu'une simple distraction pour toi... Un outil dont tu t'es débarrassé... Dis moi, est ce que tu réserves le même sort à tes nouveaux compagnons ? Ou tu as l'intention de t'amuser avec eux jusqu'à ce qu'ils t'ennuient avant de les jeter aux ordures ?
L'écarlate ne sut pas quoi répondre à cette question. Il avait lui même redouté ce qu'il aurait été capable de faire à ses compagnons de route si la situation l'imposait. Après toutes ces années passées à courir après Saga, il avait créé toutes les excuses possibles et imaginables pour justifier ses actions, même les plus inhumaines qui soient.
Combien de temps encore, avant que Bélial et les autres fassent les frais de son obsession ?Une porte du salon s'ouvrit, laissant entrer un homme enveloppé, vêtu de riches atours et de bijoux en excès. Ses cheveux sombres et grisonnants étaient coiffés sur le côté, brillant grâce au gel appliqué en surabondance. Une fine moustache dessinait sa lèvre supérieur, sous son regard brun qui fixait Sieg avec la plus grande des attentions, comme s'il était la plus exquise œuvre d'art au monde.
Si le premier homme était inconnu de Sieg, il reconnut instantanément celui qui lui emboîtait le pas, comprenant comment les pirates avaient si vite compris la raison de sa présence en ville.
Trévor arborait un sourire indécent, jubilant de voir l'écarlate réduit à un tel état d'impuissance. Il aperçut Elyren et l'arme qu'il tenait, et se précipita vers lui pour lui arracher l'épée des mains.
– Ah que j'ai attendu pour t'acquérir... Avec une lame forgée par Roxas lui même, ma popularité ne va qu'augmenter...
– Espèce de sale raclure ! hurla Sieg en essayant de se lever, retenu par l'elfe qui posa une main fermement sur son épaule. C'est vous qui avez prévenu Kalas de ma venue ? Mais comment avez vous su...
– Que vous vouliez vous en prendre au comte ? Je l'ignorais complètement... Mais je savais que vous aviez en tête d'aller à Port-Écume, alors j'ai payé un cocher une petite fortune à Patelo pour qu'il m'amène ici, sous le couvert de la nuit... Et croyez moi, j'ai horreur de ces voyages nocturnes, il est impossible de fermer l'œil ! Mais ça en valait la peine, pour arriver avant vous !
Sieg désirait plus que tout revenir en arrière, au moment où Adam était intervenu, et étriper Trévor. Il avait sous estimé la bassesse et la rancune dont pouvait faire preuve le jeune noble, et s'en mordait maintenant les doigts.
– Vous risquez de grands ennuis avec la guilde, en désertant votre mission avant sa conclusion pour des raisons personnelles... grogna Sieg en serrant les poings.
– Du tout, pensez vous ! Mes compagnons sont restés avec le convoi pour se charger de cette petite besogne ! Ils n'oseraient pas dire du mal de ma personne, pas alors que j'avais une si bonne raison de m'absenter ! Et si un sot de la guilde a l'audace de me critiquer sans raison, il me suffirait de m'adresser au maître de la guilde pour qu'il soit mit à la porte dans l'heure ! Mon nom me donne assez de droits pour m'assurer que l'on me montre le respect je mérite !
Trévor s'assit aux côté de l'homme qui l'avait accompagné. Ce dernier avait joint ses mains sous ses multiples mentons, ne quittant pas l'écarlate du regard. Sieg le lui rendit, ne comprenant pas sa fascination pour lui.
– J'imagine que vous êtes le comte Kalar... J'aimerai dire que c'est un plaisir de vous rencontrer, mais nous savons tout deux...
– Ceci n'est pas notre première rencontre... déclara le comte. Bien loin de là...
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Déicide - Volume 1 - Défier le destin
FantasyElle n'avait jamais cru que son aventure débuterait ainsi. Bélial avait toujours voulu découvrir le monde, mais ce fut dans le sang que la démone fut forcée de quitter son village barbare pour des contrées lointaines, accompagnée seulement d'un espr...