Chapitre 62: Le vrai visage d'un monstre (Partie 2)

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Les jambes du borgne tremblèrent, réalisant qu'il faisait face à la seule personne au monde qui pouvait surpasser son don de prémonition à la seule force de son talent au combat et de son expérience. Il n'avait aucune chance de l'emporter, surtout avec une telle blessure. Il recula de quelques pas, avant de se retourner et de courir dans la direction opposée.

Il oublia son serment de servir Saga. Il oublia sa mission d'épauler Lainabe. Il en oublia même sa haine envers Sieg. Cette rencontre avec une adversaire qui le surpassait tellement qu'elle en paraissait presque divine avait sapé toute sa confiance en ses capacités, et tout ce qui lui restait était son instinct de survie qui lui hurlait de s'enfuir sans jamais se retourner.

Quand une vision lui indiqua que son visage allait se rapprocher du sol, il se jeta sur le côté. Le borgne sentit l'onde de choc qu'avait généré Bélial en atterrissant là où il se serait trouvé. L'elfe entendit le sol se briser sous l'impact, et s'imagina que ça aurait pu être sa colonne vertébrale.

Elyren détala en hurlant à plein poumon. Il ne savait plus où il allait, n'ayant même pas réalisé qu'il avait abandonné son épée. Mais qu'aurait-il pu en faire, de toute façon ? Contre elle ? Autant essayer de terrasser un golem de lave à main nue, sans armure ou magie !

L'elfe entendit le pas lourd de son pire cauchemar qui se ruait après lui, se rapprochant de plus en plus. Il n'osa pas jeter un regard en arrière, son imagination le persuadant que sa poursuivante s'était métamorphosée en une horrible créature qui le déchiquetterait si elle le rattraperait. Quand elle le rattraperait.

Durant sa course, Elyren employa son don pour savoir à l'avance si une des portes dans le couloir serait déverrouillée, lui permettant de s'y réfugier. Sa panique démesurée étouffa la voix de sa raison qui peinait à lui souffler qu'il se retrouverait coincé en faisant cela. La seule chose qui importait, c'était de mettre le plus de distance entre lui et le monstre sur ses talons.

Trouvant enfin ce qu'il cherchait, l'elfe enfonça une porte et se jeta dans la chambre de l'autre côté de celle ci. La furie derrière lui dépassa l'entrée de la pièce, entraînée dans son élan. Elyren referma la porte et se plaqua contre elle, comme si ce simple geste de sa part la rendrait indestructible.

Haletant, il scuta la chambre où il s'était réfugié, réalisant qu'elle était occupée. Le borgne n'avait pas entendu les cris de panique et d'indignations proférés par les deux personnes sur le lit quand il avait empiété leur intimité. Un pirate se dressait devant lui, dans son plus simple appareil, dégainant son épée. Le forban hésita, réalisant que le malotru qui avait refroidi ses ardeurs par son intrusion était le second de son capitaine, craint et redouté de tous par sa cruauté. Le découvrir prostré contre une porte, baigné de sang et en pleurs, recroquevillé sur son bras tranché, paniqua le pirate qui ne savait plus comment réagir. Dans le lit, l'employée de maison cacha son corps sous la couverture par pudeur, ne comprenant pas ce qui se passait.

Elyren regarda tour à tour les deux occupants de la chambre, ses membres tremblants et ses dents claquants.

– À l'aide... parvint-il à articuler.

La porte vola en éclat. Le pirate eut à peine le temps de se couvrir le visage pour se protéger des débris de bois pour voir un pied perforer la porte d'une dizaine de centimètres d'épaisseur comme si ce n'était que du papier. Elyren se jeta en avant en criant, sa voix uniquement couverte par le hurlement strident de la femme qui ne comprenait pas ce qui se passait.

De l'ouverture dévastée, Bélial émergea, balayant les lieux d'un regard noir. Elle ignora le pirate qui l'insultait en lui demandant des comptes, et s'avança vers l'elfe qui reculait en se traînant sur le sol, souillant le tapis de son sang.
Hors de lui, le forban se précipita sur la barbare pour l'occire, mais elle se saisit de sa lame d'une main nimbée d'obscurité, avant de briser l'arme d'une rotation du poignet. Le pirate contempla les fragments de son arme tomber au sol avec effarement, puis observa la furie qui n'avait pas pris le temps de regarder dans sa direction pour se protéger.
Il fixa ce qui lui restait de son épée dans les mains, jugea qu'elle lui serait inutile contre son adversaire, même pour une attaque dans le dos, et la lâcha pour s'enfuir, ne prenant pas le temps de récupérer ses vêtements éparpillés un peu partout dans la pièce.
Sur le lit, la demoiselle reculait autant que possible, serrant la couverture contre elle comme pour s'en servir de bouclier.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant