La révélation plongea les compagnons de Sieg dans une grande perplexité. Le nom qu'il venait de leur donner ne leur était pas inconnu, mais l'entendre dans un tel contexte ne faisait aucun sens.
Adam calculait les probabilités que l'écarlate disait la vérité, arrivant à un résultat qui allait contre toute logique.
Farca examina Sieg en fronçant les sourcils, le mettant au défis d'éclater de rire en se moquant d'eux pour l'avoir cru. Mais l'écarlate restait sérieux, rien en lui trahissait une quelconque plaisanterie.
Bélial fut celle qui prit le plus de temps à comprendre ce que son partenaire leur disait et avait du mal à le croire.
– Attends... s'exprima-t-elle enfin. T'es en train de nous dire... que t'es un des... Heu, des...
– Tu ne peux pas être un des Neuf Sauveurs... intervint l'alchimiste. La guerre du crépuscule a eu lieu il y a quatre milles ans ! Les seuls qui ont connus cette époque, ce sont les plus âgés des elfes !
– Analyse Terminée ! Il Est Probable Que Sieg Et Saga Aient Été Nommés Ainsi Par Leurs Parents, En Hommage Aux Héros Du Passé.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'en doute grandement...
Se sentant bête de ne pas avoir pensé à cela en premier, la sang-mêlée dévisagea le bretteur, mais la mine de l'intéressé ne fit que s'assombrir en entendant la théorie du gardien.
– Non... Nos nom ne sont pas des hommages... soupira Sieg. Nous sommes... Nous étions des membres des Neuf Sauveurs... Il y a quatre milles ans, j'ai pris part au combat qui a opposé le monde de la lumière aux démons, sous les ordres directs de Silania... Et surtout...
Sieg se tourna vers la barbare qui le fixait sans savoir quoi dire, elle comprenait le poids des mots de son partenaire, et ses révélations dépassaient tout ce qu'elle aurait jamais pu imaginer.
– J'ai aidé mon frère, Tosagaram, à sceller tous les portails liant le monde de la lumière à celui des ténèbres... conclut l'écarlate. Je suis en partie responsable du fait que tes ancêtres se sont retrouvés coincés ici, loin de chez eux...
Bélial ne réagit pas, se contentant d'observer Sieg, persuadée qu'il lui disait la vérité. Farca se leva vivement en s'approchant de l'épéiste.
– Mais... Mais c'est impossible... bafouilla la naine. Si c'était vrai, toi et Saga seriez...
Elle se tut, se souvenant de plusieurs détails sur la légende des Neuf Sauveurs qui répondit à ses interrogations, donnant plus de crédit aux mots de Sieg.
– Le domaine des dieux... souffla Farca. À la fin de la guerre, vous y avez été invités... Un monde où le temps et la mort n'ont pas d'emprise...
Sieg sourit faiblement, mais ces yeux n'étincelaient d'aucune joie en repensant à cette époque.
– Si le temps n'a eu aucun effet sur nos corps, nous avons tout de même senti son passage... Et croyez moi, l'esprit humain n'est pas fait pour tenir aussi longtemps, même avec un pouvoir divin ambiant pour maintenir notre vigueur...
Le visage de Bélial se décomposa, repensant à leur conversation à Syndras où l'écarlate s'était ouvert à elle. Elle quitta son siège pour faire trois pas hésitant vers lui.
– Quand... Quand tu m'avais dis... que ton équipe t'avais fait du mal... Oh putain... Me dis pas que c'était...
Réalisant où la démone voilait en venir, Farca porta une main à sa bouche en fixant Sieg, horrifiée. Il baissa sa tête, regardant la pointe de ses pieds avant de s'adresser à ses compagnons d'une voix d'outre tombe.
– Ils n'ont pas commencé à me torturer immédiatement... Au début, Nous étions euphoriques d'avoir été accueillis dans le domaine des dieux... Certes, nous étions isolés d'eux, dans un palais magnifique, mais au début, nous ne nous en étions pas soucié... Même si les dieux nous avaient délaissés, nous vivions dans une luxure et une opulence qui aurait fait saliver le plus fortuné des souverains. Nous ne manquions de rien, tout nos besoins étaient comblés.
Sieg enleva son chapeau, le posant sur ses genoux en triturant nerveusement ses bords.
– Mais nous avons fini par comprendre que ce palais n'était qu'une cage dorée... Peu importe nos tentatives, il nous était impossible de quitter le palais. Nous étions isolés sur une île volante. Nous ne pouvions voir ni terre, ni ciel, ni horizon... Il n'y avait que ces saletés de nuages étincelants qui nous entouraient, nous masquant le reste du domaine... Les années ont passé, et l'impression que nous étions des prisonniers... Non, de simples animaux en cage, incapables de nous échapper d'une monotonie éternelle, a commencé à nous peser...
L'écarlate fit une pause, se mordant la lèvre. Inquiète, Bélial voulut aller à lui, mais Farca l'en empêcha. Elle voulait connaître la suite de l'histoire.
– Les salons cossus aux murs de marbre sublimes... Les chambres somptueuses aussi grandes que des salles de bal... Le jardin luxuriant à la flore si luxuriante... Toutes ces choses si magnifiques que nous admirions au début avaient fini par nous donner la nausée, à force de n'avoir aucun autre choix que de les admirer, sans pouvoir profiter de notre liberté... Les festins perdirent leur saveur... Le confort devint insupportable... Nous étouffions, piégés dans un palais où nos rêves les plus fous étaient devenus notre pire cauchemar... Chaque jour se ressemblaient, sans rien pour les changer... Les semaines passèrent... Puis les mois... Les années... Les décennies... Même nos reflets dans le miroir ne changeaient pas... Rien changeait... Rien... Sauf nos esprits...
Oh merde...
Bélial fut parcourue par une sensation de froid. Elle tremblait, se tenant les bras alors qu'elle avait l'impression qu'un vide abyssal se formait en elle, tel un gouffre sans fonds qui menaçait de l'engloutir. Son partenaire dégageait une telle aura de désespoir qu'elle souhaitait le consoler, mais ses jambes refusaient de bouger, paralysées d'effroi.
– Au bout d'un siècle, plusieurs d'entre nous n'en pouvaient plus... Mon frère, Saga, s'était isolé dans sa chambre peu de temps après notre arrivée, et après onze ans, il a fini par ne plus en sortir, nous refusant même l'accès à la pièce. Silania était devenue distante, n'adressant presque plus la parole à personne. Péléon était tombé dans une somnolence presque permanente, ne se souciant plus de ce qui se passait autour de lui. Lina, elle, disparaissait tout le temps... Nous ne savions jamais ce qu'elle faisait, mais nous pouvions parfois l'entendre courir dans les couloirs, sans jamais réussir à la voir. Quand aux quatre autres... Ils avaient trouvé... leur propre moyen de tromper l'ennui de l'éternité... Et de profiter du fait que toutes les blessures, même mortelles, guérissaient en un clin d'œil... Quand à moi, j'étais le plus faible... Celui qui ne pouvait pas leur résister...
Farca se sentit nauséeuse, ne pouvant que trop bien imaginer ce que sous entendait Sieg. Mais si les bases de ses tourments paraissaient évidentes, il était aussi apparent qu'elle ne pouvait pas pleinement appréhender toute l'étendue de ce qu'il avait pu subir au cours de millénaires. De saisir les supplices fomentés par des bourreaux qui n'avaient trouvé que la cruauté pour supporter une expérience qui dépassait la compréhension des mortels.
Bélial serra ses poings, tremblante de rage envers les anciens compagnons de Sieg qui l'avaient trahi pour leur seul amusement. Cette pensée la remplissait d'une rage intense comme elle en avait rarement ressenti.
– Ils ont commencé sobrement, se contentant de me rouer de coups... exposa l'écarlate d'une voix morne. Puis sont venus les mutilations... Après quoi, ils ont fait preuve d'imagination... Acide, feu, noyade... Ils m'ont même dévoré vivant une fois, et je crains que l'un d'eux y a pris goût... Mais peu importait ce que je subissais, je me régénérais encore et encore... Inlassablement... Bien que je voulais de toute mon âme que cela cesse...
Une saveur de fer remplissait la bouche de la démone alors qu'elle se mordait la lèvre, des larmes coulant de ses yeux. Sieg les remarqua et scruta le visage de sa partenaire avec étonnement.
– Comment peux tu encore pleurer pour moi ? Tu sais que je ne mérites pas ta compassion !
– Ne dis pas ça... essaya de le calmer la sang-mêlée à ses côtés.
L'écarlate repoussa l'alchimiste pour se dresser devant la barbare qui levait vers lui des yeux larmoyants.
VOUS LISEZ
Déicide - Volume 1 - Défier le destin
FantasyElle n'avait jamais cru que son aventure débuterait ainsi. Bélial avait toujours voulu découvrir le monde, mais ce fut dans le sang que la démone fut forcée de quitter son village barbare pour des contrées lointaines, accompagnée seulement d'un espr...