Chapitre 7: Pluie et carnage

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Alors qu'elle rêvait paisiblement, Bélial fut soudainement tirée de sa torpeur par une sensation des plus déplaisantes. Elle ne savait pas ce qui se passait, mais elle avait un mauvais pressentiment. Elle se redressa sur son lit et grimaça. L'alcool qu'elle avait ingurgité lui donnait un mal de tête monumental.

Enfin tu te réveilles ! Ça fait un moment que j'essaye de te prévenir qu'il y a du grabuge dehors ! Je crois que quelqu'un est en train d'attaquer le village !

Choquée, Bélial se concentra, tentant d'ignorer sa gueule de bois. Par-delà le tumulte de la pluie battante dehors, elle discerna un vacarme inhabituel qui lui faisait penser qu'un combat avait effectivement lieu.

– Merde, mais c'est pas vrai ! Fallait me réveiller !

...Qu'est-ce que je viens de dire, espèce d'endive ? Magne-toi d'aller voir ce qui se passe !

Profitant du fait qu'elle avait été jetée sur son lit encore habillée, Bélial se rua hors de sa chambre. Bien qu'il n'y avait presque pas de lumière, elle put vite constater que sa mère n'était plus à l'intérieur. Elle émergea alors dehors et se figea.
Sous une pluie torrentielle qui martelait la montagne, des individus portant des armures impossibles à voir clairement couraient dans le village. Les démons se défendaient, mais ils avaient affaire à des ennemis solidement équipés et bien entraînés qui avaient déjà fait de nombreuses victimes.

Une explosion accompagnée de cris de douleur et de panique attira son attention. Elle vit la forge voler en éclats, les décombres s'écrasant un peu partout sur le village. Une véritable vision de l'enfer s'offrait à elle.

Bélial voulut faire un pas en avant, mais sa botte percuta un obstacle. Elle baissa les yeux et découvrit, blême, la dépouille d'un des enfants qu'elle avait vu la veille. Elle se mordit la lèvre à s'en faire saigner et secoua la tête. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, mais les retint. Ce n'était pas le moment de se déconcentrer.

En poussant un râle animal, elle se rua sur la place, décidée à faire payer aux intrus ces atrocités. Déstabilisés par son cri, les guerriers en armure se retournèrent, mais ne purent pas se défendre. Bélial bondit sur le plus proche d'entre eux et le frappa d'un direct du droit en s'aidant de ses pouvoirs.
Contre toutes ses attentes, les protections de son adversaires ne se brisèrent pas, mais il fut quand même projeté contre un de ses alliés qui tituba en aidant son comparse à se redresser.

Ils ont des armures magiques, et ce n'est pas de la camelote ! Ne retiens pas tes coups, vas-y à fond !

Écoutant les conseils de Raya, Bélial déploya encore plus d'énergie obscure autour de ses poings et attaqua un troisième soldat alors qu'il tentait un coup à l'épée.
Sa frappe brisa sa lame, et parvint cette fois ci à enfoncer le casque de sa cible qui s'effondra comme une masse. Sentant une présence derrière elle, elle enchaîna avec un coup de pied latéral qui faucha les deux autres agresseurs et les envoya au sol.

Elle attrapa la hache que l'un d'eux venait de lâcher, fit parcourir son pouvoir à travers elle, et l'abattit dans la poitrine du plus proche d'entre eux qui mourut. L'autre tenta de s'échapper, mais il se prit une lance dans la gorge, n'étant pas en position de se défendre.
Salement amoché, le démon qui venait d'abattre le guerrier apostropha Bélial.

– Ils sont apparus d'un seul coup, on a rien pu faire ! expliqua le démon sans pouvoir masquer sa peur. Les gardes nous ont même pas prévenus de ce qui se passait !

Bélial se tourna vers l'entrée du village. Elle distingua vaguement les tours qui semblaient avoir été détruites, et les restes calcinés de la porte. La jeune femme fit le tour des lieux du regard, prenant bien soin de noter chaque détail. Avec horreur, elle réalisa que plus de la moitié du village était déjà mort. La barbare voulait commencer à hurler, mais un villageois lui agrippa le bras.

– Le chef est en haut de la place avec les autres, mais j'ai entendu du grabuge là-bas, je crois qu'ils sont...

Le son de plusieurs guerriers qui approchaient depuis l'entrée du village les interrompit. Bélial leur fit face en donnant des ordres à ses semblables.

– Je les retiens ici ! Vous, allez voir le chef et aidez-le ! ordonna-t-elle d'une voix féroce. Je vous rejoins quand j'en ai fini !

D'abord hésitants, les démons finirent par obéir et détaler. Bélial s'étira un instant puis se jeta sur ses quatre nouveaux ennemis.

La barbare esquiva facilement leurs attaques, semblant danser entre eux sous la pluie, alors qu'ils patinaient sur le sol glissant. Voyant qu'ils n'étaient pas habitués à se battre sur ce terrain, elle resta prudente, ne frappant qu'en réponse à des maladresses de leur part.

À chaque fois qu'un guerrier échouait, il s'énervait et devenait plus prévisible – et donc, plus facile à affronter. Bélial ne se gêna pas pour profiter de cette faille.

La démone se défit d'eux en peu de temps, puis s'intéressa à l'entrée du village. Aucun renfort ne semblait venir, elle décida donc de rejoindre les autres pour les épauler.
Elle avait parcouru la moitié des marches la menant à son objectif quand l'inévitable arriva.

Une colossale explosion magique, plus puissante que tout ce qu'avait jamais vu Bélial, se déclencha plus haut. Le souffle fut tel que la démone dévala l'escalier en sens inverse.
Sonnée par ce qui venait de se passer, il lui fallut plus d'une minute pour remettre ses idées en place et se relever. Son corps était meurtri, mais elle tint bon. Elle leva les yeux, paniquée.

Bélial n'entendait plus le combat qui faisait pourtant rage un peu plus tôt là où les autres se trouvaient. La gorge serrée, elle se dépêcha de grimper les marches, et regretta ce qu'elle découvrit.

Un immense cratère de pierre noircie s'ouvrait devant elle, laissant de la fumée émerger de son centre. Elle dut se retenir de vomir en voyant des morceaux de cadavres incinérés éparpillés de partout.

En cet instant, Bélial fut persuadée que tout ceux qu'elle avait jamais connus venaient de périr, la laissant seule, abandonnée dans un monde impitoyable qui lui avait arraché ce qu'elle avait de plus précieux.
La démone fut submergée par une tristesse qu'elle n'avait jamais ressentie avant, même quand on lui avait annoncé la disparition de son père quand elle était enfant. La jeune femme se mit à pleurer, le désespoir la gagnant progressivement.

Un murmure se fit entendre sur sa droite, et elle eut à peine le temps de tourner la tête pour voir un guerrier en armure planter sa lance dans un démon qui rampait vers Bélial, la main étirée vers elle. Le bras de la victime retomba au sol, ses yeux la fixant désormais sans vie.

Incapable de bouger après que ce bref espoir fut piétiné si aisément, Bélial regardait le guerrier qui avait clairement été blessé par l'explosion. Un de ses bras pendait le long de son corps, et il tentait de dégager sa lance avec une main.

– Putain de merde, il voulait tous nous tuer aussi ou quoi ? Je sais qu'on devait en sacrifier le plus possible, mais quand même...

Il cessa de parler en constatant que Bélial était près de lui, parfaitement immobile, la tête baissée. Il était tellement surpris qu'il manqua de tomber en arrière. Après une brève hésitation, il lâcha sa lance et dégaina son épée en tremblant.

– Pas question... Pas question que je crève ici comme un chien !

Plus animé par la terreur et l'envie de vivre que par sa raison et sa mission, il fonça sur Bélial, décidé à la pourfendre. Quand il ne fut qu'à un pas d'elle, il leva son arme, prêt à l'occire.

Bélial leva son regard vers le guerrier, et ce qu'il vit glaça aussi bien son sang que le reste de son corps.

Alors que des larmes perlaient sur son visage sali par le sang et la fumée, le regard incendiaire du démon transperça son adversaire, et aurait pu le réduire en cendre là où il se tenait.
En cet instant, il eut l'impression de voir se manifester la rage et les tourments de tous les villageois morts devant lui, et ils ne réclamaient qu'une chose : sa tête.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant