Chapitre 55: Détente à la taverne (Partie 1)

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Malgré les protestations de la démone, le groupe effectua un détour. Ils n'avaient aucun moyen de savoir s'ils étaient attendus par leurs ennemis, et donc ils avaient jugé prudent de ne pas arriver depuis la même entrée que Sieg et Diro.
Ils traversèrent la porte sud-ouest de Port-Écume, estimant qu'ils n'y seraient pas attendus, et donc qu'ils n'y seraient pas remarqués.
Bélial fut la première à quitter la voiture, ne tenant plus en place. Elle sembla humer l'air, comme une bête à l'affût. L'odeur salée qui dominait la perturbait, mais elle tenta de s'en accommoder.

La barbare avait été émerveillée, un peu plus tôt, par la vue de l'immensité de la mer. Elle avait été prévenue qu'il existait des étendues d'eau colossales, mais l'océan était au-delà de tout ce qu'elle aurait imaginé. Même en plissant des yeux, la jeune femme ne pouvait pas apercevoir l'autre bout de la mer, comme s'il n'y avait rien de l'autre côté de celle-ci, s'étendant indéfiniment.
Cette vision lui rappela la foret d'Onoma, qui lui avait fait comprendre combien elle pouvait être insignifiante face à la nature, mais elle ne se sentit pas oppressée, comme à ce moment là. Au contraire, voir le soleil se refléter sur cette mer écrasante lui apporta un sentiment de quiétude, et attisa sa curiosité. Après tout, s'il existait quelque chose d'aussi incroyable, quels autres merveilles pouvaient encore l'attendre ? Et s'il y avait vraiment une terre par delà l'horizon, que sy trouverait-il ?

Mais elle délaissa ces pensées en ville, se concentrant à nouveau sur son partenaire porté disparu et la mission qu'ils devaient accomplir.

Farca se précipita après la démone qui s'éloignait déjà de la voiture alors que le reste du groupe réunissait encore leurs affaires, lui prenant la main pour la ramener.

– Calmos ! Je te comprends, mais là, on doit la jouer fine ! Ne pars pas devant toute seule, on ne peut pas prendre de risques !

La demi-portion a raison, Bel ! Sieg sera plus en sécurité si les connards qui l'ont ne décident pas de l'utiliser pour nous obliger à nous rendre !

Bélial grogna, baissant les yeux. Elle se laissa traîner vers la voiture où Anoro et Adam saluaient Hébo.

– J'espère que vous pourrez aider Maître Sieg... C'est un bon gars, ce serait dommage de le perdre !

– Ne vous en faites pas, le rassura le soldat. Nous n'avons pas l'intention de l'abandonner à son sort ! Nous le sauverons, quoi qu'il en coûte !

Le cocher hocha la tête, fit un signe aux demoiselles qui lui rendirent le même, et se dirigea vers l'étable la plus proche avec sa voiture.

– Bon ! s'exclama Farca en frappant dans ses mains. Il se fait tard ! Je vous propose déjà de trouver une auberge ! Et mettons nos capes de voyage, aussi ! Nous ne savons pas si notre signalement est donné ou non...

Anoro déclara que c'était peu probable, mais qu'ils feraient tout de même mieux de se montrer prudents. Ils ignoraient encore ce qui avait trahi le premier groupe, alors la prudence était de mise.

N'ayant pas de vêtement lui étant propre, Adam dut se contenter de se couvrir avec la couverture de voyage de la barbare, seul tissu assez large pour masquer une grande partie de son armure. Il attirait l'attention ainsi, mais masquait au moins les parties les plus facilement reconnaissables de son apparence.

La sang-mêlée se retint d elâcher un commentaire, considérant que des orques naturistes ne seraient pas aussi voyants que leur groupe disparate qui cachait clairement leur apparence. Elle ouvrit la marche en maugréant, se demandant ce qu'elle faisait là.

L'équipe déambula dans les rues arpentées par peu de personnes, à la recherche d'un lieu où passer la nuit. Avec des yeux remplis de suspicion et d'une rage à peine contenue, Bélial étudia attentivement chaque ruelle, chaque fenêtre aux volets fermés. D'un point de vue architectural, Port-Écume n'était pas particulièrement différent des autres villes que la jeune femme avait visité, mais il s'en dégageait une ambiance inquiétante.
Les habitants semblaient éteints, comme si quelqu'un leur avait ôté toute envie de vivre. La démone se rappela comment les pirates assuraient leur main mise sur la ville, et ne pouvait pas s'imaginer la détresse des parents qui ne savaient pas s'ils reverraient un jour leurs enfants.

Plusieurs passants jetaient d'ailleurs des regards inquiets vers l'alchimiste, les plus téméraires d'entre eux leur soufflant en les croisant rapidement qu'ils ne devaient en aucun cas quitter des yeux leur enfant. Au troisième avertissement, la trentenaire était prête à hurler.

– Proposition: Nous Pourrions Utiliser Farca Comme Appât Pour Attirer Des Pirates Dans Un Endroit Sombre, Les Attraper, Et Leur Soutirer Des Informations !

– Ouais, c'est vrai... grinça la naine. Et on pourrait démonter assez de tes morceaux pour que tu ressembles aussi à un enfant sous une cape... T'en dis quoi ?

Une rapide analyse du gardien le décida à ne plus aborder le sujet.

Le groupe fut attiré par une clameur qui provenait d'un établissement non loin de là. En l'approchant, ils comprirent que c'était une taverne dont les clients riaient et chantaient à gorge déployées, probablement alimentés par de larges quantités d'alcool.

– Mon petit doigt me dis que les pirates son en train de faire la fête... murmura Farca.

Soit ça, soit certains parents sont vraiment contents d'être débarrassés de leurs enfants... Qui sait, peut êtres que leurs mômes étaient insupportables, comme une certaine démone que je connais...

– Je vous propose de nous y arrêter un moment... proposa Anoro. Éméchés comme ils le sont, il est possible que l'un d'eux lâche une information utile par inadvertance...

Le plan ne rencontra pas d'opposition, Bélial précisant d'ailleurs qu'elle avait soif, et n'avait pas pu boire de bière durant les trois derniers jours. L'alchimiste lui rappela qu'ils n'étaient pas là pour se pinter, en courant après la barbare qui passait déjà la porte de la taverne.

La démone fit quatre pas dans l'établissement avant de s'arrêter et observer les environs, les poings sur les hanches. La pièce ressemblait à un bar tout ce qu'il y a de plus normal, à la différence près que le tenancier n'avait clairement pas le courage de demander à ses clients de régler leurs ardoises.
La plupart des tables étaient occupées par des hommes et des femmes armés qui s'amusaient et buvaient sans retenue. La clientèle était composée de pirates et d'aventuriers, et d'aucun locaux ou voyageurs itinérants.

Farca se glissa sur le côté pour contourner la brute qui bloquait la vue à tout le monde, laissant son regard s'attarder sur le comptoir où étaient accoudés des forbans qui s'étaient lancés dans le troisième couplet de La dévergondée de Manalia, une chanson qui n'était pas recommandée à tout les publiques. L'alchimiste balaya les environs du regard, remarquant qu'ils attiraient l'attention de l'assemblée. Elle attrapa le poignet de la démone et l'entraîna avec elle vers une table vide dans un coin en lui demandant de se taire et s'asseoir. Les femmes furent vite rejoints les deux autres qui remarquèrent qu'une partie de l'attention venait de se porter sur eux.

– Je commence à regretter mon plan... souffla Anoro en se penchant au dessus de la table.

La naine examina l'assemblée discrètement, confirmant que plusieurs autres clients lançaient des regards furtifs dans leur direction.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant