B. Hospitalité Impériale

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Après avoir été embarqués sans ménagement par la police impériale, Varig et Red s'étaient retrouvés dans une cellule collective avec les autres protagonistes de la bagarre, du moins ceux qui n'avaient pas été expédiés à l'hôpital. Mais cette cohabitation forcée ne dura pas; le poste de police fut bientôt pris d'assaut par une armée d'avocats très bien payés, et en moins d'une heure les deux soldats étaient les seuls pensionnaires restant dans la cellule.


Malgré la fatigue Varig avait renoncé à dormir et prenait son mal en patience. Étendue sur la planche matelassée qui tenait lieu de banc, sa camarade avait roulé sa veste réglementaire en boule pour lui servir d'oreiller. Bras croisés, elle fixait le plafond, les yeux grand ouverts.


-Tu penses que J va bien? demanda son colocataire pour briser le silence.

-Rien à foutre. Tout ce merdier c'est sa faute, répondit Red sans bouger. Si les flics le tabassent pas à mort je m'en charge dès qu'on sort d'ici.


Varig retint un soupir. Red était plutôt du genre impulsive, quasi lunatique. Sa colère retomberait vite.

Le jeune homme se creusa la tête pour trouver un nouveau sujet de conversation.


-Tu as de la famille quelque part? demanda-t-il finalement.


Red se redressa pour accrocher son regard.


-Pourquoi ça t'intéresse? demanda-t-elle, soupçonneuse.


Varig haussa les épaules sans se dérober.


-Curiosité. Je sais que J est orphelin, que Mash a une femme et un fils sur Runi. Toi tu m'as déjà entendu parler de ma sœur, non? J'ai l'impression que tu évites le sujet à chaque fois.

-Bah y a sûrement une bonne raison, grommela son interlocutrice.


Elle se coucha de nouveau sur le dos, fixant le plafond. Varig comprit qu'il n'obtiendrait pas de réponse cette fois encore.

Pensif, il fixa la porte. Malgré l'odeur douteuse de la cellule, il n'était pas particulièrement pressé de sortir. La justice militaire thrawnienne ne plaisantait pas avec la discipline, et la cour martiale ne ferait pas le détail; ils écoperaient tous les trois d'une lourde sanction.

Enfin au moins il auvaient eu droit à une bonne bagarre.


-J'ai un frère aîné et mon père, lâcha soudain Red. Mais on ne se parle plus depuis un moment. C'est compliqué.


Pris au dépourvu Varig chercha quoi répondre, mais la porte de la cellule s'ouvrit, mettant fin à la conversation.


-Dehors les troufions, ordonna un policier impérial, les yeux cachés derrière la visière de son casque.


Red ne bougea pas.


-S'il vous plait ça t'arracherais la gueule?


Le policier dégaina son électro-matraque qui émit un vrombissement menaçant.


-S'il vous plait, articula-t-il d'un ton goguenard.


Encadrés par plusieurs agents, les deux soldats furent escortés jusqu'à un ascenseur qui permettait de quitter les geôles, au sous sol. Alors que la cabine montait, les murs furent soudain remplacés par un tube de verre, offrant une vue dégagée sur la ville.


Sur Crustaï, planète océan, les continents étaient rares et l'espace précieux. La capitale était constituée de gratte-ciels gigantesques et d'îles artificielles supportant des usines. Un flot dense de véhicules volants circulait entre les buildings de la mégapole, suivant des couloirs aériens invisibles mais parfaitement tracés.

Le soleil se levait à l'horizon, se reflétant dans la mer sur laquelle était semée des grandes tour grises, les synthétiseurs permettant d'extraire le deutérium des océans de la planète. L'abondance du précieux carburant attirait de nombreux vaisseaux, même si la vocation première de la colonie restait son laboratoire de recherche.


L'ascenseur arriva au sommet de l'immeuble, d'où partaient les vaisseaux et les véhicules de la police impériale. J était là, près d'un petit transporteur militaire. Entouré par quatre agents et avec un bel œil au beurre noir sans doute récolté après son arrestation, il souriait et fit même un signe des mains à ses deux camarades alors qu'ils venaient vers lui, exhibant ses menottes.

En revanche le gradé qui venait vers eux ne souriait pas du tout. Il était suivit par deux figures familières: le sergent Mash et l'agent du BSI qui leur tenait lieu de superviseur.


-C'est votre jour de chance, annonça froidement le colonel, sans doute le chef de la police impériale sur Crustaï. Il paraît qu'on vous envoie sur une mission d'importance. Sans ça vous seriez restés au trou pour un très long moment, vous pouvez me croire.

-Tout ça pour une petite bagarre de bar, râla J.


L'autre le fusilla du regard.


-Votre petite bagarre de bar a envoyé le fils du député Rmiss à l'hôpital, et je vais devoir lui expliquer pourquoi je vous ai relâchés. Sans parler des autres clients; ces types dépensent dix ans de votre solde en avocats, et c'est moi qui les ai tous sur le dos!


Le soldat haussa les épaules.


-Bof, pour ce que l'empire nous paie...


Dégoutté, le colonel se tourna vers l'agent du BSI qui avait suivit l'échange sans broncher.


-Prenez les avec vous Carlsson, et dégagez de ma planète. Je ne veux plus jamais les voir.

-C'est ça, crana J alors qu'on le démenottait. À la prochaine.


Tous les membres de l'escouade Bravo montèrent à bord du petit transporteur, suivit par les regards hostiles du colonel et de ses hommes.


-Bien joué le coup de la mission spéciale, lança Red avec bonne humeur une fois la rampe relevée.


Les moteurs du vaisseau rugirent, les arrachant au sol.


-Ce n'est pas un prétexte caporal, la contredit l'agent Carlsson. Et quelque chose me dit que vous pourriez bientôt regretter de ne pas avoir profité plus longtemps de l'hospitalité de la police impériale.

La Dernière Étoile - Tome 1: AscensionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant