F. La chute de l'Indomptable

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La première pensée de Varig lorsqu'il se réveilla fut qu'il avait sacrément mal au crâne, et la seconde que ça signifiait qu'il était encore en vie.


Ouvrant les yeux, il essaya péniblement de se redresser mais ne parvint qu'à se mettre à quatre pattes au prix d'un effort surhumain. L'intérieur de sa tête semblait occupé par un mineur de métal particulièrement enthousiaste, ses oreilles sifflaient, sa vision était floue. Il discernait des flashs rouges, entendait le hululement régulier d'une sirène, assourdie comme à travers de l'eau.


Alors que ses sens regagnaient peu à peu en netteté, il reconnut le cadavre du technicien adossé à une cloison en face de lui. Une lumière rouge clignotante baignait la pièce, brouillant les contours du sang répandu sur le sol. Les yeux du malheureux fixaient une chose que lui seul pouvait discerner, au-delà du monde des vivants. Les consoles détruites vomissaient toujours des étincelles par intermittence, ajoutant au sinistre de cette scène.


Varig se leva, mais une puissante secousse traversa le vaisseau et le fit à nouveau tomber lourdement au sol. Il resta immobile quelques secondes, sonné, avant de se redresser en activant son communicateur.


-Sergent? Vous me recevez?


Des parasites lui répondirent, dans lesquels il crut reconnaitre des bribes de voix. Inutile de réessayer, il y avait trop d'interférences.


Ses idées s'éclaircissaient peu à peu et une question s'imposa, éclipsant les autres. Pourquoi les deux traîtres l'avaient-ils laissé en vie? Sûrement étaient-ils pressés de quitter les lieux de leur crime... 

Comme en écho à ses pensées, une puissante explosion fit vibrer toute la coque du vaisseau. Il ferait mieux de partir lui aussi.

Le jeune soldat franchit les quelques pas qui le séparaient de la porte blindée, et activa la commande d'ouverture d'un geste résolu. Aussitôt une vague de chaleur insoutenable lui sauta au visage.


La salle des machines tout entière était devenue un brasier; des feux électriques avaient éclaté un peu partout, le carburant qui s'échappait des conduites se consommait dans des flammes bleutées, chauffant le métal de la coque à blanc. Pendant un instant Varig contempla cette scène de destruction en se demandant si les techniciens avaient pu quitter leur poste avant que l'incendie ne gagne en ampleur. Et puis l'instinct de survie reprit le dessus.


La seule sortie se trouvait à une vingtaine de mètres en face de lui. Pour l'atteindre, il allait devoir franchir l'étroite passerelle qui passait au dessus du brasier.

S'interdisant de réfléchir à ce qu'il faisait Varig s'élança.


Courir. Réguler son souffle malgré l'air brûlant saturé par l'incendie. Ne pas penser à ce qui l'attendrait en cas de chute. Ne pas penser que les cloisons blindées qui le séparent du vide stellaire pourraient céder à tout moment.

Seulement courir.


Le jeune homme avait franchi une quinzaine de mètres quand une explosion se produisit derrière lui et le souffle fut si puissant que ses pieds quittèrent le sol.

In extremis, Varig se raccrocha à la rambarde pour ne pas basculer tête la première par dessus bord, droit dans le brasier. Son casque heurta sèchement le métal, absorbant le gros du choc.

La Dernière Étoile - Tome 1: AscensionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant