10. L'ordre de décimation - dernière partie

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Debout dans l'obscurité j'observait la constellation au dessus de moi. Des milliers de lueurs bleutés brillaient dans la crypte au plafond démesurément haut; les longs couloirs semblaient se perdre à l'infini dans les ténèbres.

Les pas de la directrice Nina Septime résonnèrent bien avant qu'elle me rejoigne.


-Inutile de vous demander comment vous saviez que je me trouvais ici, lâchais-je.

-Diriger le Bureau de la Sécurité Impériale a des avantages, répondit-elle. Je devais vous parler. En privé.


Je lui jetais un regard en coin.


-Il aurait suffit de le demander Nina.


Elle ne répondit rien et s'approcha du mur le plus proche, effleurant un des noms gravé dans la pierre. Aussitôt un visage apparut, ainsi qu'un court texte relatant l'existence de l'homme. Il était mort durant la guerre de l'U-Nation, lors de l'embuscade décisive où la flotte alliée avait anéantie l'ennemi avec l'aide de l'ARES. Son vaisseau avait été pulvérisé dans les premières minutes du combat.


-Que venez vous faire ici? demanda la directrice.


J'observais un instant le visage du soldat qui s'effaçait déjà avant de répondre.


-Beaucoup d'hommes sont morts sous mes ordres. J'essaie... De ne pas l'oublier.

-Je ne vous aurait pas cru sujet aux états d'âme, releva l'officier avec une rudesse inhabituelle.


Je lui jetais un nouveau regard. Elle semblait... Troublée.


-J'imagine que ce n'est pas le sujet de votre visite?


Elle soupira. 


-J'ai fait arrêter un universitaire hier. Il voulait diffuser un document au sein de son réseau de chercheurs qui aurait nuit à l'effort de guerre.


Je haussais les sourcils. Avec la guerre qui s'éternisait et devenait de plus en plus impopulaires, les arrestations de ce genre s'étaient multipliées. Officiellement bien sûr il n'était pas interdit de critiquer l'action du gouvernement impérial et la façon dont la guerre était menée.

Mais en pratique de nombreux opposants tombaient sous le coup des lois de propagande, de protection des secrets militaires ou d'articles vagues du code de sécurité impériale. Le BSI s'en servait pour faire taire discrètement ceux qui propageaient le mécontentement par des arrestations, des perquisitions et tout l'arsenal à sa disposition.

Une répression déplaisante mais nécessaire après les lourdes défaites subies face à la SOB. L'empire devait continuer de fournir des troupes et les citoyens à nourrir l'effort de guerre; si le moral s'effondrait alors la guerre serait encore plus difficile.

Pour le moment la population restait sous contrôle et les bombardements avaient exacerbé sa haine pour l'ennemi. Mais les choses pouvaient encore basculer...


-Quelque chose pose problème? lançais-je.

-Cet homme travaillait sur un rapport destiné au haut conseil de la Triplice. Nous lui avions demandé une évaluation objective de notre situation et fournit un accès à des données stratégiques. D'après lui, nous ne disposons plus des forces nécessaires à une victoire totale sur la SOB; Piepie a dominé en infériorité numérique, et aujourd'hui il est très improbable que nous parvenions à lui porter un coup décisif. Les grands empires qui lui en veulent semblent impuissants à le soumettre, et avec la menace constante des TTC... Mais on a bien vu ce que donnait les traités avec cet individu. La conclusion de ce chercheur est que la guerre est d'ors et déjà perdue et que notre meilleure stratégie consisterait à défendre nos mondes sans chercher à riposter en espérant que la SOB se tourne vers d'autres cibles.


Un lourd silence suivit ses propos.


-Vous avez bien fait  de l'arrêter, lâchais-je. On a pas besoin que ce genre d'opinions se répande dans la population et parmi nos alliés.


Le silence s'épaissit.


-Depuis combien de temps? demanda la directrice. Depuis combien de temps avez vous comprit?

-Quelques semaines, répondis-je.  Ce rapport ne fait que le confirmer; la guerre ne peut ni être gagnée, ni s'achever par une paix durable. Rien de ce que nous avons fait n'a arrêté piepie, nous l'avons seulement ralenti.


Elle accusa le coup.


-Vous... Ne me l'avez jamais dit, lâcha-t-elle prudemment. Sans espoir de victoire...


Je tournais la tête vers elle.


-Vous n'êtes pas naïve Nina; nous faisons arrêter ceux qui disent un peu trop fort que la guerre est perdue. Croyez vous que ce serait nécessaire si nous étions en train de la gagner? Alors qu'est-ce qui vous perturbe à ce point?


Elle leva les yeux. Les milliers de lueurs brillaient autour d'eux.


-J'ai fait beaucoup de choses pour l'empire, lâcha-t-elle. Et pour vous. Des choses qui n'ont de sens que si la victoire...

-Je sais exactement ce que vous avez fait,la coupais-je. Nous faisons ce qui est nécessaire pour assurer la survie de la Fédération et de Triplice. Chacune de ses lumières est un prix à payer pour protéger des milliards de citoyens. La voilà notre victoire.

-Dans ces conditions on ne tiendra plus la population très longtemps avec des demi-mesures comme les résidences surveillées et la censure officielle.

-C'est pour ça que je laisse l'amiral Kress poursuivre ses attaques de décimation. Cela gène piepie et remonte le moral de notre population. L'AEU se dote enfin d'une armée et Dark Skywalker est enfin venu à bout de Revan. Nous aurons bientôt de vraies forces pour réduire la pression. En attendant s'il faut... Lâcher vos loups pour maintenir l'ordre, je le ferais. Mais en dernier recours.

La Dernière Étoile - Tome 1: AscensionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant