La Dernière Étoile - Tome 1: Ascension

E. Une vraie promenade -première partie

L'économie de Torguta reposait sur trois piliers: les armureries, les bordels et les bars. Vu que les deux derniers formaient souvent un seul et même établissement, il n'était pas vraiment étonnant que Wings ait échoué dans l'un d'eux.

Le "Dernier Recours" était écrasé entre deux tours résidentielles, dans les niveaux inférieurs de la ville bâtie à l'intérieur de l'astéroïde creux.  Le bar n'était pas très propre ni très bien fréquenté, mais il acceptait encore de servir le contrebandier malgré son ardoise et c'était tout ce qu'il demandait. Attablé en fond de salle, il enchaînait les verres à crédit pour tuer le temps en attendant que ses contacts se manifestent.

-Une autre patron! exigea-t-il d'une voix pâteuse en levant sa bouteille vide comme un trophée.

-Va te faire foutre Wings. Marre d'attendre c'que tu me dois; maintenant tu raques ou tu dégages! répliqua fermement le barman.

Le choix serait vite fait. Il avait dépensé les maigres avances qu'il était parvenu à négocier depuis un moment déjà... Les filles l'avaient bien compris; elles préféraient papillonner parmi les mercenaires et les pirates qui emplissaient bruyamment la salle, le laissant boire seul comme un pestiféré, ou pire, comme un type aux poches vides.

Il tenta malgré tout de plaider sa cause.

- Franchement ça me fais de la peine, lança-t-il d'un ton faussement chagrin. J'ai une grosse affaire sur les bras qui va me renflouer une fois pour toute...

-Tant mieux pour toi, ricana le barman. Reviens quand t'auras mieux que des promesses pour m'payer!

Le contrebandier se résigna à partir, quand un homme vint soudain s'asseoir en face de lui.

-Bonjour monsieur Wingsclaw, lança-t-il.

L'intéressé analysa rapidement son interlocuteur. Une veste tactique pleine de poches, un pistolet de gros calibre, une casquette militaire... On aurait pu croire à un mercenaire ou un contrebandier, mais ce type était bien trop propre pour être honnête.

-Ça dépend qui le demande, lança-t-il pour gagner du temps et réfléchir, ce qui n'avait rien de facile vu la quantité d'alcool qu'il avait ingurgité. Et pour info mes amis m'appellent plutôt Wings.

-Je ne suis pas votre ami, rétorqua-t-il très doucement. En fait je travaille pour le Bureau de la Sécurité Impériale.

Le cerveau du contrebandier tira immédiatement les conséquences de cette déclaration; il se leva d'un bond et fonça dans l'escalier menant à l'étage, à côté duquel il s'était installé justement pour ce genre d'urgence.

Hélas un choc violent au torse le projeta en arrière, l'envoyant s'écraser en bas des marches le souffle coupé.

L'adrénaline lui permit de se remettre péniblement à quatre pattes, mais une poigne de fer le saisit par le col de sa veste et le rassit sans ménagement en face de l'agent du BSI. Le responsable de sa chute portait une prothèse à sa main droite qui lui avait fait l'effet d'un coup de marteau quand il l'avait frappé, et son visage était à moitié recouvert de métal. Comme si ça ne suffisait pas, le cyborg dégaina ensuite son pistolet et croisa les mains dessus.

-Merci sergent, lança poliment l'agent. Bien où en étions nous monsieur Wingsclaw?