Lucien se demandait bien ce qu'était tout ce tapage.
Solidement allongé sur son lit, regardant d'un œil distrait le dernier épisode de la saison trois de The Walking Dead, il avait la désagréable impression d'être épié.
Ou plutôt, d'être surveillé.
C'était comme si un infâme rôdeur traînait sa carcasse non loin de la porte de sa chambre de bonne, payé un demi-smic pour dix mètre carré.
Que c'était cher, Paris.
Heureusement, Lucien terminait ses études de lettres modernes à la fin du semestre.
Si tout se passait bien.
Après quoi, il envisageait de rechercher un poste dans le secteur de l'édition.
En attendant, il s'accordait donc cette nuit un momentané repos, avant de reprendre l'étude des centaines de pages qu'il avait à relire.
Néanmoins, cette présence de moins en moins facile à ignorer l'empêchait de rester concentré sur le conflit opposant la communauté de la prison menée par Rick Grimes, et celle de Woodbury dirigée par le tyrannique Gouverneur...
Lucien avait la très nette impression de percevoir non seulement des pas, mais aussi des petits bruits brutaux tentant inutilement de se faire discrets, juste devant sa porte.
Pendant une fraction de seconde, il se vit tenter de fuir un potentiel cambrioleur par la seule et unique fenêtre du cagibi...
Qui s'avérait être condamnée.
Effectivement, elle avait été pendant des années si gondolée que son locataire n'avait pu trouver aucun moyen d'aérer son studio, tout en la maintenant le reste du temps fermée.
De facto, par sécurité, il avait pris la judicieuse décision d'en rendre la fermeture comme l'ouverture tout bonnement impossible...
Évidemment, ceci comportait des risques, et Lucien vivait là dans une cage à poules en possédant l'odeur.
Toutefois, il avait au moins la sérénité de dormir sur ses deux oreilles.
Jusqu'à cette nuit.
La pièce embaumant le déodorant mêlé de parfum Paco Rabanne et d'effluves plus ou moins agréables des divers derniers plats cuisinés dans l'espace clos ne lui semblait soudainement plus si sûre.
La série de sons suspects durait déjà depuis de longues dizaines de minutes lorsque enfin, elle s'arrêta.
Rassuré, l'étudiant n'y prêta plus attention.
Il venait là d'entamer la seconde moitié de la saison quatre du même divertissement quand ses paupières commencèrent à lui piquer.
Aussitôt, il ferma le clapet de son ordinateur, retira ses lunettes avant de les poser sur sa table de chevet.
Enfin, il clôt définitivement ses yeux et ne se réveilla jamais.
Car contrairement à ce qu'il pensait, la fenêtre de son clapier de lapin n'était absolument pas impossible à ouvrir.
De l'extérieur, pour qui était doté de compétences d'équilibriste, c'était même chose aisée.
En effet, Lucien ne vivait-il pas à peine au-dessus de l'homme récemment libéré de prison pour dégradation d'un bien appartenant à autrui ?
En l'espèce, à la manière du personnage principal prenant vie dans Le Horla de Maupassant, Adémar Legrec n'avait rien de trouvé de mieux à faire pour égayer son été que de brûler la totalité du sous-sol d'un foyer pour sans-abris.
Les pauvres n'avaient évidemment pas eu le temps de s'enfuir, avant qu'une affreuse odeur de grillé se dégage de leurs enveloppes carbonisées.
Subitement, la fenêtre malhabilement condamnée s'ouvrit alors en grand, dévoilant le froid de janvier à l'occupant des lieux.
Qui, en conséquence et de manière évidente se leva d'un bond.
Voyant des bâtons de dynamite être jetées du dessus de son appartement à l'encadrement de sa porte encastrée dans le mur de manière fort adroite, Lucien bondit aussitôt en direction de la porte des lieux.
La main tremblante, il actionna la poignée.
Cependant, au lieu de la délivrance tant attendue matérialisée par le morne couloir, Lucien tomba nez-à-nez face à un haut et large mur de briques grises.