Gonzague se plaisait à aider les enfants à se dépenser.
Après le repas, c'étaient de véritables piles électriques.
Là où lui et un certain nombre d'autres adultes ne pensaient qu'à roupiller le temps que le travail de digestion soit bien entamé, leurs successeurs réclamaient bien au contraire d'évacuer tout ce sucre qu'ils avaient ingurgité lors du repas.
De ce fait, le jeune stagiaire passablement énervé leur donna ce qu'ils demandaient.
Une course de la cantine du centre de loisirs, jusqu'à un point situé à l'extrême limite de la forêt qui bordait le domaine débuta alors.
Voilà donc le troupeau de petits rats courir tels des cafards sortis d'un placard abandonné vers la direction que l'autorité leur avait indiqué.
Ils allaient vite, mine de rien.
L'entraîné et endurant Gonzague peinait à suivre des gamins de six ans.
Sous le soleil tapant, ils se ruaient tels des bestiaux vers un point aux dernières nouvelles jamais atteint à pieds.
Sauf peut-être en cas de force majeure.
Un garnement s'était-il un jour perdu dans cette immense forêt, obligeant en conséquence un animateur à le traquer tel le chasseur dans Blanche-Neige ?
Nul doute que si pareil fait s'était effectivement déroulé, l'homme déjà bien au fait des choses en ce qui convenait La Peignette - tel était le nom donné par la municipalité au centre de loisirs - et ses légendes en aurait entendu parler.
Or, c'était tout l'inverse que le nouveau dans l'équipe encadrante avait appris.
Les bois étaient si vastes, les itinéraires si peu délimités et tortueux que c'était même un miracle qu'aucun de ces lardons ne se soit jamais égaré.
Les animateurs étaient compétents, voilà tout.
Jamais au grand jamais, on ne les promenait dans l'immense bouquet d'arbres au-delà d'une certaine limite.
Interdiction que Gonzague, en cet instant, avait bien évidemment et délibérément déjà dépassée.
Le titulaire d'un BAFA pas franchement fan d'enfants, bien que les diverses brochures mensongères lui ayant assuré un salaire au-dessus du médian l'aient incité à rejoindre cette branche de métiers sous-payés continuait donc à enfreindre le règlement.
Les enfants risqueraient bien d'en parler, toutefois il comptait sur leur capacité naturelle à ne rien raconter sans tout exagérer pour tempérer cette minime entorse.
De ce fait, voilà le premier de ces huit enfants s'arrêter, plié en deux, avant de pleurnicher en signalant la présence d'un point de côté.
« Évidemment, pensa Gonzague, l'imbécile s'est rué comme un bœuf, au lieu de ménager son énergie et préserver son endurance. »
Néanmoins, au bout de plusieurs dizaines de minutes, la chaleur couplée à l'effort exténua tous les enfants.
Anéantis, ils se couchèrent donc un à un contre le sol bien plus frais de la forêt.
Même les trois filles, en temps normal encore pire que les autres, ignorèrent la probabilité d'être escaladées par des bestioles et imitèrent leurs homologues masculins.
Au bout de trois minutes, l'animateur enjoignit à sa troupe juvénile de se remettre en marche.
Ce qu'elle fit.
Mais au bout d'un moment, comprenant qu'ils étaient paumés au beau milieu de la forêt, toujours sous le soleil brûlant de ce beau milieu d'après-midi d'été, Gonzague trouva une échappatoire.
En aucun cas il ne voulait être tenu responsable de son irresponsabilité...
De ce fait, il trouva un prétexte pour rebrousser chemin, arguant qu'il aurait égaré son téléphone quelques centaines de mètres plus en arrière.
Après quoi, les huit garnements se retrouvèrent totalement seuls, au beau milieu de l'écosystème forestier.
On ne revit jamais l'un de ces huit promeneurs.
De même, le sociopathe ayant mené à la mort par la soif lesdits promeneurs ne laissa derrière lui aucune réelle trace exploitable...