Partie 133 : nouveau chapitre

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- Je ne veux pas que tu cours.

Il repoussa tendrement de son pouce une mèche de cheveux et dessina un arc sur ma joue droite.

- Alors ne me fait pas courir.

Ces gestes d'affection qui jusque-là me paraissaient incongrus étaient, une fois mes réserves levées, devenus naturels voire nécessaires. Un appel du cœur et de l'esprit qu'il m'était impossible d'ignorer. Il se laissa retomber près de moi. Si près que nos corps s'emboitaient presque pour ne former qu'un seul bloc. De la contrariété à l'inquiétude, il n'était pas en mesure de me garantir des sentiments réciproques. Il n'était pas certain d'être capable de m'aimer convenablement ou tout court. Il prenait doucement conscience d'une réalité qui me paraissait, depuis le départ, flagrante. Les mains croisées sous la nuque, les commissures tombantes, il était perdu dans un monologue intérieur dont j'ignorais la teneur.

- Et toi, tu veux arrêter tout ça ?, le questionnai-je avec crainte.

Je décidai d'achever l'emboîtement de
nos corps en plaçant ma tête sur sa poitrine. Bercée par les mouvements de sa respiration, je soupirai lorsqu'il plongea ses doigts dans mes cheveux et entreprit de me masser le crane.

- Non.

Une réponse rassurante. Des picotements de bien être me parcouraient l'échine. Le soleil me réchauffait la peau. Noah était à la fois la tempête et le calme la précédant.

- Mais si je dois le faire, je le ferai.
- Impossible. 
- Comment ça ?
- Tu ne peux pas me charmer et partir quand ça te chante. Va falloir assumer maintenant.
- Je t'ai charmé ?
- Et pas qu'un peu ! T'as sorti le grand jeu.

Le buste saisi de légers spasmes, je relevai la tête pour profiter pleinement de son rire bref mais plaisant.

- C'est que la proie n'était pas facile à amadouer.
- C'est qui la proie ? Moi ?
- Qui d'autre ?
- La métaphore du chasseur, vraiment ? C'est pas un peu sexiste?
- Je te rappelle que je t'ai aussi qualifié de déesse antique.

Du bout des doigts, je dissimulais le sourire de contentement que sa comparaison flatteuse avait fait naître.

- Ça c'est bien plus proche de la réalité.
- De ton fantasme plutôt, me taquina-t-il.
- Et toi ton fantasme c'est quoi ?

Il paraissait hésitant. Était-ce de l'appréhension que je lisais dans ses traits ?

- C'est ça, finit-il par admettre.
- Ça ? , questionnai-je perplexe.
- Toi ici, dans mes bras.

Cherchait-il à m'achever ? Il était la contradiction incarnée. Bien qu'incapable de me livrer complètement son cœur, il me balançait l'air de rien des déclarations improvisées qui risquaient à tout moment de me faire chavirer.

- Je ne t'imaginais pas si romantique Guesdes.

Je ne pouvais pas lui montrer à quel point ses mots m'impactaient. Il me fallait me préserver. Je devais me préparer au pire. Il était prêt à partir. Un mot de ma part et je ne le reverrai plus. Et même s'il le faisait pour mon bien, savoir qu'il était capable de m'abandonner prouvait d'ores et déjà que j'étais beaucoup trop et beaucoup plus investi dans cette histoire que lui. C'était pour cette raison que je ne voulais pas céder. Que je ne voulais pas laisser mes désirs prendre le dessus. Que je faisais taire des émotions qui persistaient à faire des apparitions dès que son nom ou son souvenir était abordé, dès que le cuivre et l'acier de nos iris se mêlaient, dès que ses fossettes se creusaient, dès que son odeur musquée envahissait l'espace, dès qu'il se rapprochait...

- Tu m'imaginais comment Abbad ?
- Une âme torturée à qui il faut arracher la moindre confidence.

Je préférai le charrier, m'armer d'humour et dévier ses attaques sentimentales.

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