Partie 138 : l'exception

15 1 0
                                    

- Comme je sais aussi que Clémence a mieux à t'offrir.

Je posais une main hésitante sur son bras. Il ne se déroba pas.

- Et que ça... nous... c'est improbable, poursuivis-je
- Clémence est un non sujet.

Les prunelles de ses yeux se fixèrent sur les miennes.

- Noah ...
- C'est un non sujet, s'obstina-t-il.

Le regard insistant, les paupières plissées et la flagrante contrariété qui imprégnait ses traits me firent vaciller.

- Ok. Peu importe, repris-je. On a un passif compliqué. On a encore beaucoup de choses à régler avant de pouvoir offrir à l'autre quoi que ce soit.

Il soupira brièvement. Lassé, sans doute, par un fatalisme que rien ne semblait pouvoir atténuer. Pas même lui.

- On peut les régler ensemble, suggéra-t-il malgré tout.
- Selon toi.
- Pas selon toi ?
- J'aimerais te dire oui...
- Mais tu me dis non.

Léger pincement au cœur. La tension était palpable. Je savais pertinemment que mes actes et mes propos le poussaient à fuir. J'encourageais autant que je redoutais ce moment.

- Le succès d'une relation repose sur les individus qui la composent. Et soyons francs, toi et moi... comme combo gagnant on a vu mieux...
- Moins et moins font plus. Une relation peut nous rendre meilleur, nous tirer vers le haut.
- Ou pas. Elle peut aussi causer beaucoup de souffrance.
- Je n'ai pas l'intention de te faire souffrir.
- Moi non plus ! Mais on ne contrôle pas toujours ce qu'on fait...

Les épaules affaissées, le nez légèrement retroussé, il ajusta sa position, se mordilla la lèvre inférieure et inspira profondément.

- Tu as détesté à ce point ? , osa-t-il après avoir marqué une longue pause.
- Quoi ?
- Que je te touche...
- Non !

L'idée qu'il puisse croire une chose pareille était hallucinante. Chaque particule de mon être s'animait à sa simple présence. Chaque geste qu'il m'adressait m'enivrait l'esprit. Je le convoitais en dépit de tout.

- Je suis désolé de t'imposer ça.

Il tapotait nerveusement le volant. Plus je l'observais et plus je m'étonnais de découvrir une fragilité qu'il s'était jusque-là ardemment appliqué à dissimuler. Le masque d'indifférence légèrement fissuré avait à présent volé en éclat.

- M'imposer quoi ?
- Une situation dont tu n'as clairement pas envie. Si c'est Florian qu'il te faut ...

Je le pensais empli de certitudes et d'assurance. Un homme que rien ne pouvait atteindre. J'étais persuadée, malgré son déni, qu'il cherchait à me réparer. Je le savais brisé par son passé et incapable d'aimer une autre que Amane. Mais l'agitation, la confusion, les doutes qu'il témoignait ébranlaient sacrément l'image que je m'étais faite de lui.

- Tu recommences.
- Je recommence ?
- Tu fais l'enfant.
- C'est mieux que d'opter pour la facilité.
- Tu viens de me dire qu'il avait mieux à m'offrir.

Pourquoi ne parvenais-je pas à le rassurer ? Je persistais à le repousser. Il avait raison. Je craignais les détours, les impasses, les noeuds de notre histoire. Je rêvais d'une relation sans vague, sans complication. Facile en somme.

- On y est.
- Quoi ?
- Dis-le.
- Dire quoi ?
- Que tu veux tenter un truc avec lui.

J'expirai bruyamment avant de libérer mes cheveux du chignon qui, jusqu'ici, les contraignait.

- Il t'a fait des avances ?

Eh merde. Je n'avais pas prévu de lui en parler. En tout cas pas maintenant. Pas comme ça. Il n'était pas disposé à recevoir cette information. Je ne voulais pas nourrir sa colère. Il l'alimentait déjà bien assez tout seul.

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant