Partie 123 : configuration complexe

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Merde, merde, merde. Je cherchais désespérément, mais surtout vainement, une issue. Je n'étais pas loin de l'hyperventilation. Je ne pouvais pas récupérer ma main sans vexer Florian et alerter Noah. Qui rejette son petit-ami de la sorte ? C'est ce qu'il était aux yeux de Guesdes. Il était mon copain. C'était ce que je lui avais fait croire. C'était ce que je voulais qu'il croit. À vrai dire je commençais à me demander si cette mascarade n'avait pas assez durée.  Florian me semblait très investi. Il prenait son rôle beaucoup trop à cœur. Il me collait à présent comme mon ombre et ses doigts refusaient de quitter les miens.

- Monsieur Guesdes, quel bon vent vous amène ?

Le ton guilleret de Florian sonnait faux. Aussi faux que le sourire de Noah.

- Monsieur Delaporte. Jena.

Un frisson me parcourut l'échine. Une voix affable, une posture droite, rigide, professionnelle, un regard ... vide. Il avait activé le mode indifférence. Je n'osais pas imaginer l'étendue de sa colère. Pire, la profondeur de sa blessure. Ego meurtri par mon obstination à nier mes sentiments. Et peut-être même les siens. Ils n'existaient pas. S'ils n'existaient pas je n'avais pas à m'ouvrir. Je n'avais pas à plonger, tête la première, dans une histoire compliquée. Je ne risquais pas de me perdre comme je m'étais perdue avec Salem. Salem... J'avais réussi à mettre de côté le souvenir désagréable voire douloureux de sa récente intrusion dans ma vie. Trop de paramètres. Beaucoup trop.

- Salut.

Concis, courtois. À ce stade voilà tout ce que je pouvais faire. Je pouvais traiter chaque problème séparément. Résoudre une situation après l'autre. J'étais profondément mal à l'aise. Contrainte de me confronter à une réalité que je ne cessais de fuir. Il m'avait embrassé. Cet homme, là, qui se tenait face à moi m'avait embrassé, m'avait enlacé, m'avait laissé entrevoir une part de lui même qu'il ne livrait très certainement pas à tout le monde.

- Maintenant que les salutations sont faites... , reprit Florian.

Je le sentais fébrile... irrité ? Où était passé l'insouciant jeune homme que j'avais appris à apprécier au fil des semaines ? Je ne voulais pas susciter chez lui pareille réaction. Avais-je finalement, par mon immobilisme, aggravé la situation ? Florian avait été mon réconfort, ma constante. Je ne voulais pas l'entraîner dans ma folie. Il n'était pas ça. Il risquait, en bon chevalier servant, de s'engouffrer dans un chemin exclusivement emprunté par les endommagés de la vie.

- Désolée j'ai complètement oublié, repris-je après quelques secondes de silence, On devait se voir pour... pour évaluer le programme de mentorat.

Guesdes demeurait imperturbable. Pour une fois que son détachement jouait en ma faveur... Je culpabilisais. Je n'aimais pas mentir. Mais avais-je le choix? J'avais rapidement évalué la situation et le mensonge semblait être la solution la moins coûteuse.

- Oh ok. C'est bientôt fini alors ?

Les pupilles de Florian se posèrent une fraction de seconde sur moi avant de fixer à nouveau Noah.

- Le mentorat, oui, répondit Guesdes.

Je me serais franchement bien passé de ce combat de coq. Le mentorat, oui. Le reste... un sous-entendu à peine voilé. Une provocation inutile. Il jouait à quoi là ?

- On ferait mieux de s'y mettre il est déjà tard.

Je devais couper court à cette discussion avant qu'elle ne dérape. Je pivotai légèrement pour faire face à un Florian étrangement agacé.

- Merci de m'avoir raccompagné. On s'appelle demain ?

Il lui fallut un petit moment avant de m'accorder sa complète attention. J'essayais de toutes mes forces de lui envoyer des signaux rassurants. Expression sereine, chaleureuse et douce pression exercée par mes doigts toujours prisonniers des siens.

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant