Partie 115 : risque-toi !

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- Jena Abbad.
- Ohhhh elle a utilisé ton nom de famille  !
- Si tu ne vas pas le voir maintenant pour faire ce putain d'entretien je te tue !
- Ohhhh elle a dit « putain » ! Quelle fille vulgaire ...

Le moment était critique mais impossible de ne pas trouver cet échange entre Sanaa, déchaînée et Aurélie, d'humeur taquine, hilarant. Assise sur une grosse pierre mal taillée, j'acquiesçais silencieusement. Sanaa, malgré l'allure comique de ses gesticulations, avait raison. Demain dernier délai. Après ça ...

- Je peux peut-être négocier avec la fac.
- Arrête avec ça... , rétorqua-t-elle exaspérée.
- Tu veux négocier quoi exactement ? , me questionna Aurelie en s'adossant au tronc d'arbre sous lequel nous étions installées.
- Un délai ou la validation de mon année sans le mentorat.
- Mais tu veux pas essayer d'abord de le faire cet entretien ?
- On a essayé hier...

Hier, j'avais été à deux doigts de tout lui dire. Je voulais encore le faire. Mais à froid l'idée me paraissait moins raisonnable.

- Avec vos dramas perso vous avez pas avancé d'un iota, déplora Sanaa.

Je soupirais. Je n'avais rien contre l'idée de lui rendre visite. Je n'étais juste pas certaine que la rencontre débouche sur quelque chose de productive.

- Jena t'as laissé ton cerveau chez toi ? Focus un peu ! Révise tes priorités.
- Si j'y vais est-ce que tu promets d'arrêter de te prendre pour ma mère ?

Allongée sur l'herbe, elle couvrait de ses longs cheveux brun la cuisse d'Aurelie.

- Si tu y vas maintenant, oui.
- Il est ... 18 heures. Il sera pas chez lui.

Elle tourna sa petite tête vers moi pour me transpercer des yeux.

- Campe devant sa porte !, proposa gaiement une Aurelie occupée maintenant à coiffer Sanaa. 
- Ça fait pas du tout psychopathe, ironisai-je en rapprochant mes jambes de ma poitrine.
- Ça fait désespéré, approuva Sanaa.

Je levai les mains en l'air pour dénoncer l'évidence.

- Mais tu sais quoi ?, poursuivit-elle, t'es désespérée.
- Jamais avare en compliment celle-là !

Aurelie ricana. Sanaa se laissa aller à un petit sourire.

- Tu crains quoi au juste ?

Qu'est-ce que je ne craignais pas ? C'était bien là le problème. J'appréciais le confort de ma solitude. Ne pas me poser de question, ne pas appréhender les conséquences de mes actions ou ceux d'un tiers. Me contenter de vivre ma sécurisante routine. Une routine dans laquelle je ne m'épanouissais que partiellement. Une vie dénuée de risque était une vie certes sereine mais pas totalement satisfaisante.

- Hum... La liste est longue.
- Balance !, s'enthousiasma Aurelie.
- Les triangles amoureux c'est pas mon truc.
- Bah éjecte Florian.

La désinvolture avec laquelle elle suggéra la chose était perturbante.

- Comme t'as éjecté Alexandre? , la questionnai-je heureuse d'avoir enfin trouvé le moyen de changer subtilement de sujet.
- Oh ça attaque la carotide !
- J'ai pas éjecté Alexandre, fit remarquer Aurelie.
- Exactement ... , soulignai-je.
- Sous-entendu, facile à dire pas facile à faire. Tu fais courir ce pauvre garçon depuis un moment maintenant, développa Sanaa.
- J'avais compris merci... , bougonna-t-elle.

Des mèches blondes virevoltèrent à gauche puis à droite. Après s'être assurée que personne dans le parc ne prêtait une oreille indiscrète à notre conversation, elle rapprocha son visage des nôtres et murmura :

- Les filles...

Sanaa se releva pour être sure de ne rien louper.

- Je crois que je l'aime.

Le visage d'Aurelie vira cramoisi. Incapable de soutenir nos regards, elle ramena aussitôt ses iris bleu pastel sur des doigts occupés à triturer, depuis maintenant une poignée de secondes, son t-shirt.

- MAIS NON ! , s'emporta Sanaa.
- Arrête ! , m'exclamai-je à mon tour.
- N'en faites pas des tonnes non plus, tempera-t-elle.
- Pas des tonnes elle a dit, répéta Sanaa en la dévisageant.
- Ça fait dix ans qu'il est sur le dossier.
- Le dossier c'est moi ? , questionna-t-elle.
- Qui d'autre ? , répliquai-je
- Je suis trop contente pour lui.
- Euh t'es censée être contente pour moi.
- C'est lui qui a lutté
- Jusqu'au bout ! , confirmai-je.
- Il est plus méritant.

Les adorables joues de notre amie se gonflèrent sous la pression de son radiant sourire.

- C'est vrai. Tout le mérite lui revient.
- Clairement, parce que si ça ne dépendait que de toi ..., la raillai-je.
- Il aurait passé sa vie à attendre.

Elle plissa son nez, fronça ses sourcils et nous offrit une très médiocre imitation de Sanaa.

- Un problème de réglé... À Jena !

L'attention était, une fois de plus, portée sur mon cas.

- Oublie ta liste et suis ton instinct.
- Tu veux quoi ? , me demanda Aurélie.
- Je veux le voir, répondis-je spontanément.
- Alors va le voir !, conclut Sanaa.

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