Partie 60 : c'etait mieux avant

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Léger coup d'épaule. Je cédai le passage à des enfants fermement accrochés à leur père. Je remontai, le long de mon avant bras le sac en plastique qui me cisaillait le poignet et évitai de justesse le pied d'un vieil homme qui marchait d'un bon pas. Je poireautais tandis que ma mère se frayait un chemin jusqu'au marchand de légumes et achètait un kilo de tomates. J'ai toujours détesté les marchés. Le bruit, la foule, la négociation des clients, les conversations interminables avec les voisins au bord d'un étal... J'ai toujours détesté une activité à laquelle ma mère s'adonnait régulièrement. Alors je l'accompagnais. C'était une façon pour nous de passer du temps ensemble.
C'était aussi une façon pour moi d'éviter l'appartement. Mes parents n'en démordaient pas. L'idée qu'ils s'obstinent à vivre dans cet hlm, dans cet immeuble, dans ce quartier après tout ce qu'on a traversé était incompréhensible voir insoutenable.

- Mets ça ici, m'enjoignit ma mère en désignant le chariot.

Je me delestai des sacs de courses avec une joie non feinte. Sur le retour elle me raconta les ragots du voisinage. Qui était enceinte, qui s'était marié, qui était malade ou encore qui travaillait dans quoi.
Avant, elle m'informait également des contrôles de police à 6h du matin dont le bruit réveillait généralement tout l'étage et faisait parler le quartier le lendemain. Elle m'indiquait qui était tombé et pour quel motif. Avant on parlait du bébé qui s'était, sous nos yeux, transformé en adolescent puis en délinquant. On s'interrogeait sur son sort. Comment avait-il pu en arriver là ? Quelles conditions, quel contexte l'avait amené à emprunter un chemin fait de courses poursuites, d'angoisse, d'argent sale, de fraterie effrayée, de parents à bout, de rixes, d'incarcération et parfois de mort. Avant on parlait de tout ça. Puis on l'a vécu et maintenant on en parle plus.

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant