Partie 44 : pas de panique

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Il détacha sa main de ma jambe, s'installa près de moi, enroula ses bras autour de mon buste et, alors que je m'inclinai vers lui, appuya son menton sur ma tête. Les yeux embués je ne distinguais plus grand chose si ce n'est le gris de son pull et son odeur boisée. Le corps parcouru de secousses, le front appuyé contre son torse, je laissais mon chagrin s'exprimer pleinement.
Il avait une présence rassurante. Il ne disait rien. Il se contentait de m'envelopper, d'être un abri, un réconfort. Je n'avais, paradoxalement, jamais autant été à découvert. Je ne m'étais jamais exposée de la sorte.
Personne, même pas Hannah, ne m'avait vu ainsi défaite. Je n'étais pas naïve. Je savais pertinemment qu'elle avait, plus d'une fois, entendu mes sanglots. Des sanglots étouffés par la porte fermée et l'oreiller que je pressais contre ma bouche. Mais je gardais cet état de délabrement à l'abri des regards compatissants de mon entourage.
Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé depuis mon effondrement. Je ne me souvenais plus de rien, à vrai dire, après ça.
La lumière du matin m'encouragea, un peu agressivement, à me réveiller. Quand m'étais-je endormie ? Qui m'avait ramené dans mon lit ? Les yeux bouffis et la tête lourde je dégageai la couverture pour me lever en douceur.
L'équilibre encore un peu précaire, je veillais à n'effectuer aucun geste brusque. Je me traînai, lentement, dans la salle de bain, pris appui sur le lavabo et observai mon reflet dans le miroir. Le teint blafard, des cernes qui coloraient mes paupières inférieures, des cheveux en bataille, le visage gonflé. Je n'étais pas belle à voir. Pas belle du tout. Je retirai mes vêtements de la veille et filai sous la douche.
Mon estomac criait famine. Jean et chemise bleu marine transparente enfilés, cheveux rassemblés en un chignon strict, fatigue dissimulée par une légère couche de maquillage. J'étais enfin prête à avaler un petit-déjeuner.
8h36. Mon premier cours de la journée ne démarrait qu'à 11h.
J'attrapai une boîte de doliprane et quittai la pièce. Je pénétrai dans le salon et hoquetai de surprise. Guesdes s'était endormi sur mon canapé. Passé l'étonnement, je remplaçai la veste qui lui couvrait la moitié du corps par un plaide récupéré dans mon armoire. Il grommela, s'agita légèrement puis sombra à nouveau.
Endormi, Noah Guesdes paraissait plus jeune. Les barrières qu'il érigeait en arborant constamment une expression neutre voir fermée avaient disparu. Il semblait moins insaisissable, moins don juan. J'appréciais davantage cette version.
Celle d'un homme qui tendait la main à une personne en détresse, qui répondait présent et n'attendait rien en retour. Je n'avais, de toute façon, pas grand chose à donner.
Je versai dans une tasse la mixture que je m'étais préparée. Je pris place sur le tabouret après avoir déposé sur le comptoir de la cuisine mon bol de céréales. Me sentant observée j'interrompis ma mastication.
Un t-shirt blanc sur le dos, des mèches folles, des pieds nus. Les traits marqués de fatigue. C'était donc à cela qu'il ressemblait le matin ? J'esquissai un sourire. Il fronça les sourcils sans me quitter un seul instant des yeux.

- La crise est passée. Pas de panique. Café ?

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