J'étais sur le départ lorsque la mère de Sanaa m'interpella une dernière fois.
- Passe le bonjour à ta maman. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu. Elle va bien ?
Une question inoffensive qui me transperça le coeur. Un torrent de larmes menaçait, à tout moment, de m'emporter. Je déglutis avec difficulté et parvins, avant de répondre, à plaquer un sourire sur mon visage.
- Oui elle va bien merci.
Elle hocha la tête. Malick lui agrippa la jambe et la supplia de lui donner une part de gâteau supplémentaire. Elle tempéra son regard sévère par un geste affectueux. Un refus ferme couplé d'une attention particulière accordée à son fils. Une attention destinée à ménager sa peine.
Une mère avait à coeur d'éduquer et de protéger son enfant. Elle l'éduquait pour en faire un être capable d'affronter l'adversité et de pratiquer le vivre ensemble. Elle le protégeait parce qu'il était la prunelle de ses yeux. Sa souffrance était sienne. Produit de ses entrailles, chair de sa chair.
La digue finit par se briser. Le liquide chaud qui inonda mes yeux et roula sur mes joues me contraint à fuir. Une fois dehors, je pris une profonde inspiration mais ne parvins pas à réguler mon souffle. Les membres paralysés d'angoisse et de douleur, je cherchais désespérément à calmer la tempête qui faisait rage dans mon esprit.
Les secondes puis les minutes s'égrenèrent. Je repris progressivement le contrôle de mon corps. J'étais accroupie. Le front sur les genoux, m'abritant ainsi des coups d'œil interloqués des passants.
Je n'avais pas fait de crise depuis des mois. J'avais eu la bêtise de croire que j'avais dépassé tout ça, que je maîtrisais mes émotions et que les débordements de ce type n'étaient plus qu'un lointain souvenir. Une scène, un rappel. Il en fallait peu pour me replonger dans la tourmente. Je me relevai péniblement. Le corps endolori. Il faisait nuit. Combien de temps étais-je restée ainsi ? Difficile à dire.
Je n'étais pas retournée chez mes parents depuis plus d'un an. Chaque visite était une véritable épreuve. Une épreuve que j'étais de plus en plus réticente à passer.
Je marchais et laissais les images défiler. Des images bloquées jusqu'ici par ma conscience. Pourquoi étais-je, à ce point, bouleversée par la simple évocation de ma mère ?
Pourquoi la vision d'un petit garçon qui enlace la sienne et lui demande une faveur, d'une mère qui gronde son fils à qui elle porte un amour inconditionnel et infini était, pour moi, aussi tranchante qu'une lame ?
Il était peut-être temps d'affronter mes démons. De revivre, à travers eux, le passé.
Je laissais cette pensée s'installer et savourais la pluie qui s'écrasait sur mon visage, dissipant sur son passage les traces salées et amères de mes sanglots.
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Déboires chroniques
Chick-LitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...