Partie 4 : la rencontre

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J'attrapai le coussin toujours au sol pour le renvoyer à sa propriétaire. Il heurta l'arrière de son crâne. Surprise par le projectile, elle relâcha son pinceau et grommela quelques jurons. Nous finîmes toutes les deux par éclater de rire. 

- Tu ne trouves pas que c'est un peu "too much" ? demandai-je une fois l'hilarité passée. 

- Quoi donc ? 

- La robe voyons ! 

- Jena c'est un GALA. De toute façon on a plus le temps pour tes remises en question ! 

Elle ramena la nourriture, à peine entamée, dans la cuisine, ignora mes protestations et à son retour m'installa face au miroir de la commode. D'une main aguerrie elle rassembla mes cheveux en un chignon distingué. 

Maquillée, chaussée et en retard de quinze minutes nous nous empressâmes de rejoindre Aurélie à la gare. Je tâchais d'éviter les regards réprobateurs de mes amies tout en me confondant en excuses. Nous nous engouffrâmes dans le train bondé et nous frayâmes un chemin parmi les usagers. Nos tenues soignées attisèrent la curiosité de quelques passagers. Je n'avais pas l'habitude de me distinguer par mon allure. J'étais donc très gênée de cette soudaine attention. L'insouciance de Sanaa et Aurélie et la distraction qu'elles apportaient parvinrent néanmoins à me détendre. 

- Comment va Hassan ? s'enquit Aurélie. 

Sanaa réprima, avec peine, une grimace. 

- Dispute ? ajoutai-je 

- Dispute, confirma-t-elle. 

Exaspérée par le comportement de son petit-ami je ne pus m'empêcher de froncer les sourcils. Elle tenta, en vain, de changer de sujet. 

- Que pasa ? insistai-je. 

- Oh rien de grave. Il me fait la gueule parce que je vais au gala sans lui. 

- On aurait pu lui prendre une place, avança Aurélie. 

- Il travaille ce soir, se contenta de répondre Sanaa. 

Elle n'avait visiblement pas envie de poursuivre cette conversation. Nous consacrâmes donc le reste du trajet aux cours, au gala et à Sherine. 

Je maudissais les conventions sociales qui nous contraignaient à marcher en talon sur des pavés de pierre. Je manquais à deux reprises de me vautrer sur la chaussée. Aurélie et Sanaa, qui maîtrisaient parfaitement cet exercice acrobatique, s'amusaient de mes gaucheries. Nous fîmes, compte tenu de notre retard conséquent, une entrée remarquée. 

- La honte... murmura Aurélie. 

- Personne ne vient à l'heure à ces trucs, tempéra Sanaa. 

- Et c'est pas de notre faute si on a mis une heure à trouver ce foutu lieu, repris-je d'ores et déjà agacée. 

- Un peu quand même... 

Les regards, lassés par le spectacle, finirent par se détourner de notre trio infernal. Un agent d'accueil nous conduisit à notre table. Je laissais échapper un soupir de soulagement lorsque le siège sur lequel je m'installai apaisa mes pieds endoloris en les libérant du poids de mon corps. La soirée ne faisait que commencer et promettait d'être longue. Je ne souhaitais secrètement qu'une seule chose. Rentrer me vautrer dans mon lit et dormir jusqu'à satisfaction. Je ne manquerai pas de m'éclipser à la première occasion. Je devais, en attendant, assurer un temps de présence suffisant. L'ambiance tamisée dans laquelle nous étions plongés ne m'aidait pas à lutter contre le sommeil. Ni la douce mélodie qui accompagnait les conversations des convives. Sanaa avait entamé un échange animé avec son voisin de table. Un directeur des ressources humaines d'une entreprise de cosmétique m'avait discrètement glissé Aurélie à l'oreille avant d'accepter l'invitation à danser d'un camarade de promo. 

L'ennui a ce singulier pouvoir d'allonger le temps. Les minutes s'égrènent lentement et ne cessent, ainsi, de nous narguer. Difficile de prendre son mal en patience quand votre présence n'est le résultat que d'une faveur accordée à vos amies. Je réprimais avec difficulté un bâillement et essuyais au coin de mon oeil droit une larme causée par la fatigue. J'eus soudain l'impression d'être observée. Un regard circulaire dans la salle me permit de confirmer cette impression. 


Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant