Incroyable. Il m'avait placé dans une situation inconfortable et délaissé. Pas un mot ou un geste pour m'avertir de son départ. Je rejoignis un coin déserté de la pièce. Fatiguée de l'ascenseur émotionnel caractérisant mon état, je reportai mon attention sur les décorations murales. Une peinture suscita particulièrement mon intérêt. L'analyser constituait une distraction et une excuse bienvenues. J'évitais ainsi tout contact avec autrui.
Deux personnages occupaient le centre du tableau. Une femme en premier plan, assise sur l'herbe tenait compagnie à un homme, allongé derrière elle. Ce dernier avait le haut du visage dissimulé par un chapeau de paille. Seule sa barbe était apparente. La sérénité de la campagne environnante contrastait fortement avec l'expression de celle qui était, apparemment, paysanne. Les traits figés d'épuisement, les joues rosies par l'effort et le regard inanimé tranchaient avec la verdure chatoyante, le champ de blé marquant l'horizon et les collines côtoyant un magnifique ciel bleu.- C'est une peinture naturaliste. Pas mal hein ?
L'irruption du serveur dans ma bulle interrompit brutalement ma rêverie.
- Oui, pas mal... répondis-je en lui adressant un sourire crispé et refusant les amuses bouches qu'il me proposait.
- À vrai dire j'y connais pas grand chose. J'ai juste entendu un invité en parler, ajouta-t-il.
- Oh je vois.
- Un crâneur...
Les efforts visibles que déployés le serveur pour m'être sympathique m'amenèrent à reconsidérer mon attitude à son égard. Il n'était, après tout, pas responsable de ma mauvaise humeur.
- Il essayait d'impressionner une fille ? le questionnai-je.
- Qui vous l'a dit ?!
Prenant un air faussement étonné, il m'adressa un clin d'oeil enjoué. L'enthousiasme dont il faisait preuve était communicatif.
- Mon petit doigt...
Prévenant, il ne railla pas ma répartie malgré sa faiblesse évidente.
- Vous ne vous mélangez pas aux autres ?
- Ce genre de soirée, c'est pas vraiment mon truc.
- Je comprends. On y croise pas que du beau monde..., m'indiqua-t-il sur le ton de la confidence.
- Ça sent le vécu.
- Et comment !
- Avant que j'oublie, moi c'est Jena.
L'expression rieuse qu'il affichait dévoila une belle dentition. Les yeux plissés et la pomme d'Adam apparente il se présenta à son tour :
- Ravi Jena, Florian pour vous servir.
Il accompagna sa phrase d'une brève courbette. Je ponctuai son geste d'un rire sincère.
- Chut, reprit-il en déposant sur ses fines lèvres son index.
L'expression de mon amusement était, de quelques décibels, au dessus du niveau sonore général. Je me couvris la bouche, confuse.
- Oups... Pardon.
- Vous venez d'offusquer Madame Moreau.
- Qui ça ?
Il se rapprocha et murmura :
- La grande dame qui vous fixe depuis plusieurs secondes.
Intriguée, je suivis son regard. Une femme, d'environ un mètre quatre-vingt, m'étudiait effectivement. Le bleu acier de ses yeux ne se troubla pas lorsque mes pupilles s'attardèrent sur ses cheveux blonds vénitiens, sa physionomie sévère et la blancheur de son teint. Une beauté froide qui était à deux doigts d'éclipser l'homme près d'elle ...
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Déboires chroniques
ChickLitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...