Partie 6 : états d'âme

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Sherine et moi étions des amies de longue date que les années et nos personnalités respectives avaient éloignées. 

Moi, éternelle célibataire. Elle, incapable de concevoir sa vie sans un homme à ses côtés. 

Moi, qui plaçais l'amitié au-dessus de tout. Elle dont la loyauté était à géométrie variable. 

Moi, qui l'écoutais patiemment durant des heures aimer puis détester les hommes de sa vie. 

Elle, aux abonnés absents à des moments cruciaux de la mienne. 

Je ne la blâmais pas plus que ça. Elle était ce qu'elle était. Et j'étais ce que j'étais. Nous étions toutes les deux des êtres, par nature, imparfaits et incompatibles. Mais voilà qu'à présent, après des mois de silence, je lui faisais face. Le coeur alourdi par une nouvelle qu'elle ne saurait que rejeter. 

- Salut ! 

- Jena ! 

Elle m'enlaça. Je reculai d'un pas, surprise par cet accueil. 

- Qu'est-ce que tu fais ici ? 

- Je suis venue tenir compagnie à Aurélie et Sanaa, répondis-je en désignant du doigt mes deux compères toujours attablées. 

Elle les salua à distance. 

- Je pensais justement à toi, reprit-elle tout sourire, j'ai tellement de choses à te raconter ! 

Rien de nouveau sous le soleil. Elle écarta, en clin d'oeil, la distance qui s'était installée entre nous. Seule sa personne l'intéressait. J'avais chaud. Je lui proposai donc de poursuivre notre conversation à l'extérieur. Nous rejoignîmes la cour. Le ciel était dégagé. La fraîcheur ambiante me revitalisa. J'étais davantage disposée à ce qu'elle me fasse part de ses états d'âme. 

- Tu te souviens de Marc ? me demanda-t-elle. 

- Oui, impossible d'oublier Marc...

- Comment ça ? 

Je haussai les épaules. 

- Tu disparais toujours quand tu es en couple. 

Etonnée de ma franchise, elle s'agita. Elle décida néanmoins d'ignorer ma remarque et poursuivit : 

- Il est TROP mignon. Tu sais ce qu'il a prévu pour mon anniversaire ?! 

Elle se lança alors dans de longues explications et vanta les multiples qualités de son petit-ami. Elle me narra, pour la énième fois, leur rencontre à la cafétéria de l'université, leur premier bisou et la première dispute. Tout y passa. Je sentis poindre un mal de tête qui s'amplifia à mesure qu'elle se perdit dans les infimes détails de son récit. Une heure s'écoula. Je n'ai pu prononcer durant ces soixante minutes qu'un mot ou deux. Elle avait besoin d'un auditoire captif. Elle a vu en moi la victime idéale. 

- Je crois que ton mec te trompe. 


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