Palpitations cardiaques. Mains moites. Bouffées de chaleur. 72 heures seulement s'étaient écoulées depuis la désillusion. Pourquoi me mettais-je autant la pression ? D'où venait cette appréhension ? Je slalomais entre les étudiants qui se pressaient pour remettre aux enseignants leurs derniers rendus, bloquer des places en bibliothèque ou tout simplement assister aux quelques cours encore dispensés. 17h30. Une fois n'est pas coutume j'étais en avance. Cette demi-heure suffirait, je l'espère, à reprendre contenance et accessoirement avancer dans la lecture de mes notes. J'avais, ce matin, communiqué à Guesdes notre point de rencontre. Il n'avait émis aucune contestation. Je n'étais pas certaine de la direction que prendrait nos échanges. Il était à vrai dire impossible de connaître l'issue de nos conversations tant elles étaient aléatoires et très souvent surprenantes. Était-je attirée par l'aspect imprévisible de cette relation ? Était-ce ça qui m'avait conduit à foncer, tête baissée, dans un piège aussi évident ? Ça et ses yeux charbonneux, ses fossettes, son sourire qu'il me délivrait avec parcimonie, cette fâcheuse tendance à être là quand j'étais au plus bas, à me provoquer, à me pousser à dépasser mes limites et surmonter mes traumatismes... C'était de là que venait mon appréhension, de là que venait la crainte de cette rencontre. De mon inaptitude à mettre de côté l'attraction, l'attachement que j'avais pour lui. De les laisser obscurcir mon jugement et affaiblir ma volonté.
- Salut.
Avachie sur la table, la joue appuyée sur le dos de ma main, les yeux posés sur une pile de papiers, je relevai doucement la tête. Noah en tenue de travail. Quand était-il arrivé ?
- Salut, répondis-je en adoptant une posture plus convenable.
Il jeta un œil à sa montre.
- Tu es en avance, s'étonna-t-il.
- J'étais dans le coin.Il hocha la tête.
- Se voir à l'université... C'est tout ce qu'il fallait pour que tu sois à l'heure.
- Ça ne sera bientôt plus un souci.Il tira une chaise et s'installa face à moi. Des ridules de perplexité marquèrent son front.
- Comment ça ?
- Le mentorat s'achève le mois prochain.
- Tu as hâte d'en finir ?Avais-je hâte d'en finir ? Non. Mettre définitivement une croix sur lui, ne plus le revoir, ne plus être emballée par sa présence, émue par son touché...
- Peu importe, reprit-il, la ponctualité est un pré-requis à tout ce que tu entreprends.
Il avait durci le ton. Le dos droit, les bras et les jambes croisées, les pupilles noires qui balayaient mon visage, il affichait comme à chaque fois une expression dont le neutralité, de façade, dissimulait un profond agacement.
- Je me fais sermonner sur la ponctualité même quand je suis à l'heure...
Il soupira, se massa la nuque avant de laisser sa main droite retomber sur sa cuisse.
- Tu veux aller boire un verre ? , me proposa-t-il.
- Je préfère pas non.
- Pourquoi ?Je désignais du regard les documents éparpillés sur la table.
- Pas le temps.
- On peut toujours parler de tes méthodes de révisions...
- Ok faisons le ici.
- ... dans un cadre plus agréable.
Le croisement de nos réponses provoqua une confusion qui se dissipa rapidement.- Ici ? , répéta-t-il.
Ici dans cette pièce qui ne contenait rien d'autre que des chaises, des tables, un tableau numérique et de grandes fenêtres donnant sur rue. Ici où je pouvais me maîtriser et maîtriser la situation. Ici où la présence de l'institution était un rappel à l'ordre.
- D'accord.
Il cédait. La pression qui contraignait ma poitrine s'atténua. Brièvement. Il se leva, contourna l'obstacle qui nous séparait et occupa un siège près de moi. Très près. Trop près.
- Guesdes...
- Jena...Un coude sur le dossier de mon siège, un avant-bras sur la table, j'étais encerclée.
- Tu fais quoi ?
- Rien. Je t'aide à réviser.Je me tournais lentement vers lui. L'odeur mentholé de son haleine, le menton relevé, la pomme d'Adam apparente, la respiration régulière, les lèvres fines mais charnues, il jouait de son charme. Résiste.
- Très bien. Va pour le verre, repris-je en me relevant prestement.
Changement de tactique. Du monde. Il fallait du monde. Un bar ou un café bondé. Tout sauf lui et moi dans une pièce seuls.
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Déboires chroniques
ChickLitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...