Partie 30 : déminage

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- Honnêtement ?
- De préférence.
- Les places étaient nominatives.
- Oh je vois.

Un plan de table avait, effectivement, été réalisé pour faciliter les échanges entre participants.
Les étiquettes, sur lesquelles étaient inscrits nos noms, devaient permettre aux professionnels et étudiants des tables voisines de nous identifier et d'entamer, si besoin, une conversation.

- Et si j'avais décidé de ne pas respecter les consignes ?

Nous étions, par ma faute, arrivées en retard au gala. Notre entrée chaotique et remarquée m'avait suffisamment distraite pour que je ne prête aucune attention au protocole et m'installe sur le premier siège venu.
Fort heureusement, Sanaa avait empêché la chose de se produire en me réorientant au dernier moment vers ma place.

- Pour changer...
- Je suis très disciplinée.
- Vous plaisantez j'espère ?

Il s'étonna de ma mine sérieuse.

- Vous êtes constamment en retard.
- Vous êtes redondant, rétorquai-je.

Il fronça les sourcils et poursuivit :

- Vous êtes insolente.

Cette réplique acerbe me déstabilisa. Une poignée de secondes s'écoula avant que je ne réponde :

- Si mon insolence vous déplaît vous êtes libre de partir.

Sa joue droite quitta la paume sur laquelle elle avait pris appui. Il se redressa. J'étais captivée par ses mouvements. Allait-il me prendre au mot et s'en aller ?
Un étau se resserra autour de mes entrailles. Les vives émotions et réactions que suscitait cet homme chez moi me surprenaient. Qu'il parte ! Pourquoi mon corps contredisait mon esprit ?
L'un était remué par la simple idée que cette soirée s'achève sur une note aussi amère. Tandis que l'autre appelait de ses vœux son départ.
Il n'en fit cependant rien. Il retira sa veste et sa cravate. Remonta les manches de sa chemise dévoilant ainsi des avant-bras musclés et reprit la position qu'il avait abandonnée deux minutes plus tôt.

- Ça ne me déplaît pas, asséna-t-il d'une voix qui me semblait plus profonde que d'ordinaire.

Cette conversation prenait une tournure très étrange.

- Tant mieux.

Je m'étais engagée dans une situation inextricable. Si je ne considérais plus Guesdes comme mon mentor je n'étais pas non plus prête à embrasser la trajectoire vers laquelle nous tendions dangereusement. Je ne voyais qu'une façon d'empêcher l'inévitable de se produire.

- C'est à mon tour, je crois, de répondre à votre question.

Il acquiesça. Je déglutis et ignorai les battements affolés de mon coeur.

- 2 rencontres, 2 retards, 1 explication.

La commissure droite de sa lèvre s'étira.

- Laquelle ?
- Un homme. C'est un homme qui m'a mis en retard.

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant