SOUVENIR
« Je t'aime. »
« T'es folle! Jamais je te ferai ça. »« T'es ma vie. »
« Jena revient ! »
« Je te préviens si tu me quittes... »
Des mots aujourd'hui vides de sens. Des mots qui, il fût un temps, étaient aussi impactants qu'une arme à feu.
- Tu m'as manqué !!! , s'exclama Aurélie en me sautant au cou.
Propulsées en arrière, nous atterrîmes un peu brutalement sur le canapé.
- La douceur incarnée..., ironisa Sanaa en s'asseyant, tisane à la main, près de nous.
Ignorant sa compère elle déposa sur ma joue droite un long bisou bruyant avant de s'exclamer :
- C'est fini.
- C'est fini ? , m'enquis-je sourire aux lèvres.
- C'est fini tu nous quittes plus.
- En voilà une demande raisonnable, renchérit Sanaa.
- C'est pas une demande. C'est un fait.
- Vous m'avez aussi manqué , répondis-je amusée par la fougue de mon amie.
- Je te préférais nonne.
- Oh !
- Tu étais plus disponible à l'époque.
- Ah ba c'est sûr qu'avec tous ces prétendants qui défilent elle a moins le temps, approuva Sanaa.
- Toujours plus !, répliquai-je.
- Quoi ? Florian, Adam, Noah ... Ça y va en ce moment.
- Alors Adam ça n'a rien donné. Florian est un ami et Noah...Noah. Notre dernière conversation avait pris une tournure pour le moins inattendue. Bercée par l'illusion d'un rapprochement je ne m'étais pas suffisamment questionnée sur ses intentions. Je ne m'étais pas assez méfiée. Je l'avais jugé sincère et sans arrière pensée. Il m'avait charmé par ses attentions, par son regard, par sa repartie. Présent dans mes moments de faiblesse. Patient, dévoué. Étai-ce une stratégie ? Mes fragilités faisaient-elles de moi, à ses yeux, une proie idéale ?
- C'est juste mon mentor.
- Ami elle a dit... Dis Sanaa tu fais souvent des têtes à têtes avec ton ami dans un jaccuzi ?
- Et bien écoute Aurélie, si je faisais des têtes à têtes avec mon ami dans un jaccuzi , l'ami et moi-même ne serions plus de ce monde aujourd'hui.Courtois, serein et serviable, la personnalité d'Hassan ne correspondait pas à son physique. Ce colosse d'un mètre quatre-vingt quinze était d'une tendresse inégalée. La seule chose qui pouvait l'amener à sortir de ses gongs était haute comme trois pommes, têtue comme une mule et loyale comme personne. Toute présence masculine autour de Sanaa le rendait fou. Il faisait beaucoup d'effort, à sa demande, pour contrôler son tempérament. L'idée qu'elle se retrouve en maillot de bain avec un autre homme dans un espace aussi étroit qu'un jaccuzi était absurde voire dangereuse.
- T'as parlé à Hassan d'ailleurs de sa demande en mariage ?
Le visage chiffonné de Sanaa n'indiquait rien de bon. Elle posa sa tasse fumante sur la table basse, inspira un bon coup avant d'annoncer :
- Oui, j'ai eu le droit à un ultimatum.
Aurélie, déjà dans la confidence, hocha la tête.
- Un ultimatum ? Comment ça ?
La mine grave de mes amies m'inquiéta.
- C'est le mariage ou la séparation.
La nouvelle me fit bondir. Littéralement.
- Quoi ?! , m'exclamai-je abasourdie.
Sanaa, anxieuse, tritura le bout de sa tresse. J'aurais dû m'en douter. Absorbée par mes propres drames je ne lui avais pas prêté suffisamment attention. Elle était moins soignée que d'ordinaire. À peine maquillée. La simplicité de sa coiffure et sa tenue ne correspondaient pas à ses habitudes. Les traits tirés, les yeux légèrement bouffis, elle tâchait tant bien que mal de rester digne et joviale.
- Il ne comprend pas... Il ne comprend pas que je dise non.
- Il pense qu'elle ne l'aime pas, compléta Aurélie.La tête baissée, cherchant désespérément à faire bonne contenance, Sanaa acquiesça.
- Mais il est pas sérieux ! , m'écriai-je.
J'avais un cercle d'amis très restreint.Les personnes à qui j'accordais toute ma confiance se comptaient sur les doigts d'une main. Ils étaient là dans mes moments les plus sombres et figuraient dans mes souvenirs les plus heureux. Ils faisaient autant partie de moi que moi d'eux. Quand ils étaient blessés je l'étais aussi. Quand ils étaient tristes, j'étais en colère...
- Je crois que je vais aller rendre une petite visite à cet imbécile fini !
Aurélie m'agrippa le bras tandis que Sanaa, les yeux écarquillés de surprise, me regardait me traîner dans la cuisine et sortir de mon tiroir un couteau à viande.
- Il est suffisamment aiguisé, tu penses ?
La bouche d'Aurelie, s'ouvra et se referma sans qu'aucun mot ne s'en échappe.
- Ça fera l'affaire, répondis-je à sa place.
Je refermais le tiroir et tentais de me défaire de mon amie toujours fermement accrochée à moi.
- Repose ce couteau Jena ! , protesta-t-elle une fois l'étonnement passé.
Je me débattais tant bien que mal pour me soustraire à sa prise.
- Arrête de bouger. Tu cherches à nous tuer ou quoi ?!
- Lâche moi !
- Lâche ce couteau d'abord.Le rire, au départ discret mais à présent sonore, de Sanaa interrompit notre dispute. Le corps secoué de spasmes, elle aspirait, à la moindre occasion, une goulée d'oxygène avant de repartir de plus belle. Hébétées puis enfin amusées par la situation, nous explosâmes à notre tour de rire. Aurélie, à bout de souffle, me libéra pour se tenir les côtes. La couteau quitta ma main et atterrit sur le comptoir. J'essuyai les larmes qui m'obstruaient la vue et m'efforçais de limiter les contractions, douloureuses et successives, qui traversaient mon abdomen. Sans succès.
- Une vraie hystérique celle-là ! , commenta Aurélie après avoir retrouvé ses esprits.
Les rougeurs sur ses joues et son cou contrastées fortement avec la blancheur de sa peau et la pâleur de ses iris.
- Merci, j'en avais besoin, reprit Sanaa en se frottant les yeux.
- Ne l'encourage pas toi aussi.
- Pas besoin d'encouragement. Je vais le trucider.
- Ok Hannibal* calme toi, rétorqua Aurélie tout sourire.
- Un ultimatum. Après sept ans ? Vraiment ?Les hommes. Ils se pensaient tout permis. Ordonne maître et j'exécute. Et puis quoi encore ? Eternellement vouée à les satisfaire. À la moindre incartade, au moindre mécontentement, placée aux oubliettes. Remplacée par une autre. Et une autre. Et une autre. Jusqu'à ce qu'à l'arrivée de la femme providentielle. Celle qui change la donne. Celle pour qui il déplacerait des montagnes. Qui a écrit cette histoire ? Qui a érigé ses règles ? Qui a fait de nous des personnages secondaires de la légende masculine ? Qui nous a retiré le choix ou limité nos possibilités ? Marie-moi ou quitte-moi. Donne toi à moi mais ne t'attache pas. Attends-moi, je reviens. Oublie-moi, tu ne vaux rien. Gare à toi si tu ne joues pas le jeu. Trop indépendante, trop caractérielle, trop égoïste. Trop c'est trop !
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Déboires chroniques
Chick-LitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...