Partie 7 : lui

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- Je crois que ton mec te trompe. 

Elle se figea, estomaquée par la nouvelle. J'avais imaginé mille et une façons de lui annoncer la chose. Celle-ci ne figurait pas parmi les possibilités envisagées. Je peinais à croire que j'avais été aussi abrupte. Je ne pouvais néanmoins m'empêcher d'apprécier ce silence que j'appelais de mes voeux quelques secondes plus tôt. 

- De quoi tu parles ? 

- Quelqu'un l'a vu au Mercato avec une autre fille. 

Elle demeura un moment interdite puis reprit : 

- Qui ça ? 

- Peu importe. 

Elle se décomposa. L'information délivrée sans aucune précaution, s'insinua progressivement dans son esprit. Elle en intégra la pleine mesure. Je réalisai à mon tour l'énormité de mon faux pas. Les larmes aux yeux, elle ouvrit et ferma la bouche, à la recherche de ses mots. Face à un tel spectacle mon coeur se serra. Qu'avais-je fait ? Je tentai, tant bien que mal, de limiter la casse : 

- C'est juste une rumeur...

Elle serra ses poings et contint ses larmes. 

- C'est sûrement faux... 

La haine chassa la détresse de son regard et se mit en quête d'un catalyseur. 

- Bien sûr que c'est faux, s'exclama-t-elle, ça n'est pas parce que personne ne veut de toi que tu dois empêcher les autres d'être heureux. 

Responsable de la peine que je venais de lui causer, j'encaissais sans broncher. 

- Tu ne peux pas supporter l'idée qu'on ait une vie en dehors de toi ! cracha-t-elle avant de tourner les talons et de quitter, en trombe, les lieux.

Les épaules affaissées, les yeux brulants de fatigue et les mains moites j'ignorais délibérément les convives qui avaient assisté à la scène. La conversation avait pris une très mauvaise tournure. Pourquoi étais-je aussi impulsive ? Les mots de Sherine avaient fait forte impression. 

Etait-ce vrai ? Etait-ce la jalousie qui m'avait poussé à agir de la sorte ? Est-ce que j'enviais sa capacité à se lier à un homme ? Ma virulence était-elle une façon d'exprimer une frustration ? 

Je n'avais pas l'impression de souffrir de ma situation. Mais peut-être n'en avais-je pas conscience. Je m'asseyais sur un banc isolé et peu éclairé et me massais les tempes pour atténuer la douleur qui me torpillait le crâne. J'aurai du faire confiance à mon instinct et éviter, comme la peste, ce gala. Les yeux rivés au sol, j'émis un profond soupir de lassitude. 

- On dirait que vous portez le poids du monde sur vos épaules. 

Je mis un moment à comprendre que la remarque m'était adressée et un temps, tout aussi long, à porter mon regard sur lui. 

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant