J'avais chaud. Il était là. Face à moi, je pouvais difficilement l'ignorer. J'essayais pourtant. J'essayais vraiment. J'usais de tous les subterfuges possibles et imaginables. Mais savoir que je pouvais en tendant le bras le toucher, sentir son regard me transpercer ... Je regrettai déjà ma présence. Je n'aurais pas dû accepter l'invitation d'Agathe. Je me pensais assez forte pour naviguer en eaux tumultueuses. Assez forte pour passer outre le jeu de séduction de Clémence. Elle se tripotait les cheveux, saisissait la moindre occasion pour marquer son territoire. Des doigts qui s'attardaient sur la manche de Guesdes. Une tête qui se posait sur son épaule. Chacune de ses démonstrations d'affection me retournait les entrailles.
- Le golf ? J'ai jamais eu l'occasion de pratiquer, avouai-je.
Marc, installé à ma droite, planta sa fourchette dans la viande tendre et juteuse.
- Jamais ?, s'étonna-t-il en portant à sa bouche le morceau fraîchement découpé. Il faut vraiment que tu essayes.
- Ah ouai ?
- Au moins une fois ! J'y vais tous les week-ends. T'es la bienvenue si ça te dit.
- Sans équipement ça risque d'être compliqué...
- Je te prêterai mes fers. Pour débuter, le practice golf c'est pas mal.
- Oh comme dans les films ! Tu m'apprendras à faire des swings ?!Marc amusé par mon enthousiasme se laissa aller à un petit rire.
- Je peux t'apprendre, s'agaça Noah.
- Je savais pas que tu jouais au golf, repris-je une pointe de tension dans la voix.
- Arrête tes bêtises ! T'as pas mis les pieds sur un parcours depuis des années, lui fit remarquer Agathe.Les coudes sur la table, les mains jointes sous le menton, il jeta un coup d'œil interloqué à sa sœur.
- Et ? , répliqua-t-il.
- Laisse faire les professionnels.Elle le poussait habilement dans ses retranchements. Incertain, tout comme moi, des motivations d'Agathe, il ne cédait pas à ses provocations.
- J'irai pas jusqu'à dire que je suis pro., tempéra Marc.
- Tu pratiques quand même régulièrement, renchérît-elle.L'acier de ses yeux croisa le cuivre des miens. Un tressaillement me parcourut le dos et me chauffa la nuque.
- Tu préfères que Marc t'apprennes à golfer ?
La question alourdie d'un sous-entendu à peine voilé menaçait de miner l'ambiance. Il me défiait du regard. Tu préfères Marc à moi ? La jalousie nous rendait l'un comme l'autre puéril.
- S'il est disponible et a plus d'expérience ... , osai-je.
Malgré le contexte, j'appréciais l'effet de ma réponse. Frémissement de sourcils, lèvres pincées, posture rigide, il perdait patience.
- Je ne manque ni de l'un ni de l'autre.
- Moi je veux bien que tu m'apprennes, proposa Joaquin qui passait complètement à côté de ce qui se jouait en filigrane.Il m'était franchement sympathique ce Joaquin. Spontané et enthousiaste, il m'aidait, étrangement, à ne pas complètement perdre pied. Un allié improbable. La bataille était plus brutale que prévue. J'étais encerclée de toute part. Le moindre soutien, conscient ou non, était à ce stade salvateur. Agathe savait s'entourer. Ne disait-on pas « dis moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es » ? Elle était peut-être plus que ce qu'elle donnait à montrer ?
- Clémence tu joues au golf ? , m'enquis-je.
- Vous étiez dans le même country club, non ?, poursuivit Agathe en tapotant son verre.Ou peut-être pas. Elle enfonçait le clou. Encore et encore.
- On a fait pas mal de trucs ensemble, confirma l'intéressée.
Énième contact, énième sourire aguicheur. Elle aussi usait visiblement des phrases à double sens. Pas mal de trucs ensemble. Leur histoire n'était pas récente. Ils avaient clairement partagé beaucoup de choses. Trop de choses à mon goût. Mais je n'étais pas ici pour blâmer leur passé. Je m'insurgeais de leur présent. Des mensonges de Guesdes. De l'infidélité à laquelle je participais malgré moi. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Clémence était belle, intelligente, cultivée. Ils venaient clairement du même milieu et avaient beaucoup plus en commun que nous deux. Est-ce qu'il voulait casser sa routine ? J'étais une sorte d'activité un peu folle à laquelle on s'adonnait pour se sentir "vivant". Je bouillais intérieurement. Je m'étais promis de ne rien laisser paraître. Je m'étais promis de sortir de là la tête haute. Et je comptais tenir cette promesse.
VOUS LISEZ
Déboires chroniques
ChickLitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...