Partie 3 : la robe

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La porte blindée, devant laquelle je me tenais, ne parvenait pas à couvrir le tapage des jumeaux, Maroua et Malik. Le cri aigüe de Maroua et le fracas provoqué par la violente rencontre d'une chaise et du sol indiquaient clairement qu'une course poursuite s'était engagée dans l'appartement. Malik, du haut de ses sept ans, était un chasseur tenace et ne reculait devant rien. Sauf peut-être le regard sévère de son père et les réprimandes de sa mère. Réprimandes que cette dernière interrompit lorsque je fis retentir la sonnerie. La mère de Sanaa m'accueillit, comme à son habitude, avec des embrassades chaleureuses et un regard critique sur ma silhouette trop fine. Elle essayait toujours de remédier à ce problème lorsque je rendais visite à sa fille en m'offrant une généreuse quantité de nourriture. Et il était hors de question de refuser son invitation à tout dévorer jusqu'à la dernière bouchée. Je ne me faisais d'ailleurs pas plus prier que ça. Vivant en collocation j'avais rarement l'occasion de profiter de mets aussi goûteux. Je rejoignis donc, les bras chargés, la chambre de mon amie. Sanaa à mon arrivée leva les yeux au ciel. Elle avait tenté à maintes reprises d'expliquer à sa mère qu'il fallait cesser de gaver ses invités comme des oies mais c'était peine perdue. 

- 19h45. Est-ce qu'un jour tu seras ponctuelle ? 

Je fis mine de réfléchir sérieusement à la question en déposant mon plateau sur la commode ce qui l'agaça d'avantage. J'esquivai de justesse un coussin qui, après avoir heurté la porte, s'échoua lamentablement sur le sol. 

- Bon passons aux choses sérieuses. La gare est à cinq minutes de chez moi. On a plus que quarante minutes pour se préparer. Ça va être juste... 

- Quarante minutes ? On est large ! m'exclamai-je. 

Pendant que mon amie, inquiète, déroulait son plan j'entrepris d'entamer l'assiette de pâtisseries qui me faisait de l'oeil depuis un moment. 

- Arrête de manger, tu ne vas jamais rentrer dans ta robe ! 

- Ma robe ? Tu en as déjà sélectionné une ? l'interrogeai-je en arrosant la bouchée que je venais d'avaler d'une gorgée de thé. 

Elle me jeta un regard offusqué. 

- Bien sûr, quelle question ! 

Sanaa était coquette. Elle portait toujours une attention particulière à sa tenue et à l'impression générale qu'elle émettait. Pour ma part le regard des autres m'importait peu. Bien sûr j'avais mes points sensibles. Et il était évident que certaines critiques pouvaient me froisser. Mais je passais assez vite à autre chose. Si j'avais certes à coeur parfois d'être mis en valeur, je privilégiais très souvent le confort et la facilité à l'esthétisme. L'air déterminé qu'avait emprunté mon amie m'indiquait clairement qu'elle ne me laisserait pas succomber à mes mauvais penchants. Elle sortit de sa penderie une robe rose pâle qu'elle posa délicatement sur son lit. 

- Essaie là, m'ordonna-t-elle avant d'ajuster sa robe vert pistache enfilée avant mon arrivée et d'appliquer sur son visage une fine couche de maquillage. 

Un coup d'oeil suffit à me convaincre. Sanaa me connaissait suffisamment pour choisir une tenue que je ne jugerai pas indécente ou trop excentrique. Elle m'allait à merveille. Un décolleté très discret, des volants qui couvraient mes épaules et donnaient un effet aérien à la tenue, une jupe longue coupe droite qui se resserrait au niveau de la taille et la mettait en valeur. J'étais conquise. 

- Peut-on tomber amoureuse d'une robe ?! 

- A défaut de tomber amoureuse d'un mec ... 

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