Partie 137 : pile ou face ?

16 1 0
                                    

Je ne parvenais pas à déchiffrer ce que ses yeux projetaient. De la colère ? De la rancoeur ? Du mépris ? Un peu de tout ça ? Est-ce que ce melting-pot d'émotions m'était adressé ? Impossible. Qu'avais-je fait pour provoquer un pareil regard ? Il s'était sûrement passé quelque chose. Quelque chose l'avait mis dans cet état. Un ressentiment tenace. Ça n'était pas moi. C'était autre chose. C'était quelqu'un d'autre. Qui ? Quoi ?
Merde. Perturbée par sa mauvaise humeur, je n'avais pas pensé à prendre des vêtements de rechange. J'enroulai la serviette autour de moi. Merde, merde, merde. Elle ne couvrait qu'une petite partie de mon corps. Fort heureusement la partie la plus intime. Le reflet dans le miroir confirma mes craintes. Si le tissu en coton dissimulait ma poitrine et mes fesses, il laissait complètement à découvert mes jambes, mes épaules et une large partie de mon dos. Je détachai mes cheveux. Les longueurs masquaient maintenant, très partiellement, mon anatomie.

- Noah, s'il te plaît, tu peux libérer la chambre ? Je dois me changer.

Rien. Pas même une petite interjection. Il me châtiait d'un tort connu de lui seul. Le mutisme comme instrument de torture. La culpabilisation comme dessein.

- Tu m'entends ?

J'inspirai un bon coup avant de déverrouiller la porte. Chaud. Froid. Accueillie par un désagréable courant d'air, la tête enfoncée entre les épaules pour protéger une nuque particulièrement sensible aux variations de températures, je ne perçus que tardivement sa présence.
Froid. Chaud.
Il s'était relevé. La jambe droite ramenée à lui, le pied gauche fixé au sol, le menton en équilibre sur son genou, il m'observait.
Chaud. Les joues en feu, j'étais captivée par l'acier ardent de ses iris et l'intensité de ses pupilles qui, emplies d'une troublante avidité, balayaient ma nudité. Il laissa retomber sa jambe, quitta mon lit et, lentement, les yeux toujours rivés sur moi, se rapprocha. Très chaud. Je me sentais rougir. Je sentais ma fréquence cardiaque dérailler et mon bas-ventre s'éveiller. Je l'observais à mon tour. Je le voyais déglutir. Les mouvements espacés de son torse révélaient une respiration profonde et maîtrisée. Il s'arrêta à quelques centimètres de moi. Une distance suffisante pour apprécier le spectacle. Je n'étais pas nue. J'avais pourtant l'impression de l'être. Il dégageait une aura particulière. Ici, maintenant, il avait l'ascendant.

- La sortie c'est par là, lançai-je en désignant la porte.

Mince. Je manquais de conviction. La voix faiblarde, quasi chuchotante, qui s'échappa de ma gorge avait ruiné mes chances de renverser la tendance. Il réduisit le faible écart qui nous séparait et, du bout de l'index, me caressa l'épaule. Il écarta une mèche de cheveux et mit ainsi en lumière un décolleté un peu trop prononcé à mon goût. Respire. Jena. Respire. Plus facile à dire qu'à faire. Il était là. Devant moi. Tout près. Trop près pour être ignoré. Un mètre quatre-vingt de muscle, de peau, de charme. Il plaça ses larges mains à la naissance de mon cou, son nez contre ma joue, il remonta jusqu'à capturer de sa langue le lobe de mon oreille droite. Je frissonnais de plaisir. Il recula, afficha une mine satisfaite puis, sans crier gare, plaqua ses lèvres contre les miennes. Hébétée par la soudaineté de l'action, je mis quelques secondes à réagir. Un baiser pris, un baiser rendu. Bouillant. Une approche brusque mais pas déplaisante. Collés l'un à l'autre, j'entourai sa taille de mes bras tandis qu'il embrassait ma clavicule, mes tempes, mes joues, avant de posséder à nouveau ma bouche. Encore. Je caressai son dos. Il grogna. Je remontai légèrement son t-shirt bleu marine. Plus. Peau contre peau. La sensation était enivrante. Il plongea ses doigts dans mes cheveux tandis que je mordillai sa lèvre inférieure. Une serviette glissante rattrapée de justesse me ramena brusquement à la réalité. J'étais quasi nue dans ma chambre avec Noah. Froid.

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant