La surprise passée, je bloquai de mon épaule la grande porte avant qu'elle ne me claque au nez.
- Noah
D'un pas pressé, il traversa en quelques secondes le hall. Sur le point de prendre l'ascenseur, il bifurqua au dernier moment vers l'escalier. Il ne voulait pas risquer de se retrouver confiné dans un petit espace avec moi.
- Noah, réitérai-je.
Distraite par son large dos et l'écho de mes palpitations cardiaques, je manquais une ou deux fois de me prendre les pieds dans le tapis. Littéralement. Je peinais à le suivre. J'accélérais la cadence par crainte de le perdre de vue. J'avais peur qu'il m'échappe, qu'il disparaisse à tout jamais. Et si c'était la dernière fois ? Et si je n'avais pas d'autres occasions que celle-ci de le voir, de faire amende honorable ?
Je l'appelais. Encore et encore. Mais il refusait obstinément de me répondre.- Guesdes, sérieusement ?
Je perdais patience. Un mur immense et imperméable. Voilà à quoi je me heurtais. Je sentais sa présence derrière ce mur. Il était à la fois à portée de main et inaccessible.
- Allo ?! Je suis un fantôme ?
- Si seulement..., l'entendis-je marmonner entre ses dents.Aïe. Je l'avais mérité certes mais ça n'en était pas moins douloureux. La respiration saccadée par l'effort et le trop plein d'émotions, je pris appui sur la rampe tandis qu'il cherchait désespérément ses clés. Il mettait tant d'ardeur à me fuir que le défaitisme commençait à me gagner. Je m'attendais à un accueil mitigé mais pas à ça. Cette forme de rejet était ... brutale.
- Ok, j'ai compris.
Le corps tendu, le visage à mi-chemin entre la porte de chez lui et le sol, il arrêta de farfouiller dans sa poche. J'étais enfin parvenue à capter son attention.
- Tu n'as absolument pas envie de me voir.
Malgré son silence et son immobilisme, je le sentais attentif.
- Au mieux tu me détestes, au pire je ne suis rien pour toi. Rien de plus qu'un vague souvenir désagréable.
Il orienta de quelques millimètres son torse dans ma direction. Pas assez néanmoins pour voir autre chose que l'arrière de sa tête. Pas grave. Ça facilitait en un sens les choses. Je n'avais pas à affronter le mépris que je lui inspirais. Je pouvais me livrer sans jugement.
- Et je le mérite. Je mérite de n'être rien pour toi.
Je plantais mes doigts dans la chair de ma paume pour contrôler les tremblements de ma voix. Je rêvais peut-être mais j'avais l'impression qu'il respirait aussi fort que moi. Les mouvements de son buste me paraissaient plus prononcés.
- Je suis désolée de débarquer comme ça après des mois d'absence. Après ce que j'ai fait.
Le flanc droit à présent soutenu par la porte, il soupira.
- J'ai eu tort. Je le sais maintenant. Tort de ne pas avoir vraiment essayé. Je pense toujours ce que je t'ai dit. Notre passé complique tout et nous destine peut-être même à l'échec.
Il ricana. J'interrompis mon monologue dans l'espoir qu'il dise quelque chose. En vain.
- Je le pense toujours mais... Tu me manques. Tu me manques comme rarement quelqu'un m'a manqué. Ne pas te voir, ne pas te parler, ne pas savoir ce que tu deviens...
Je ne pensais pas, en venant ici, me livrer autant. Étais-je capable de tout dire ? J'avais l'impression d'être suspendue au bord d'un précipice. Le souffle coupé de peur. J'étais quasi certaine de ne pas ressortir indemne de cet échange.
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Déboires chroniques
ChickLitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...