Partie 40 : terre de ma terre

24 3 1
                                    

Une douleur lancinante me martelait le crâne. Une de celles qui vous fait amèrement regretter l'interruption de votre nuit par un souvenir aussi désagréable que fugace.
L'eau chaude se déversait sur mon corps. Je dirigeai le pommeau de douche vers mon visage. La puissance du jet acheva de me réveiller. Pourquoi Guesdes avait-il cherché à me joindre ? Compte tenu de nos récents échanges ou, d'après notre dernière interaction, absence d'échange je ne pensais pas avoir de ses nouvelles de sitôt. Après réflexion, je ne pensais pas avoir de ses nouvelles tout court.
J'enroulai une serviette autour de mon corps, quittai la salle de bain et récupérai mes vêtements étendus sur le lit.
J'entendais encore mon nom. Je ressentais encore la violence de son ton. Je voyais ses iris me défier. Je le voyais absorbé par sa propre colère. Une colère qui m'était clairement adressée. Une colère qui faisait abstraction de son environnement. Comme si nous étions seuls au monde. Comme si hurler de la sorte en plein milieu de la rue et du jour n'était pas problématique.
Je le voyais ensuite chercher à maîtriser cette colère, lutter contre son inflexibilité. Je le voyais prendre conscience de mon état puis perdre pied. La colère se transformer en autre chose. J'étais incapable de lire ses traits, d'interpréter complètement le regard qui parcourait mon corps. Incapable d'appréhender l'image que son esprit forgeait.
J'avais, bien sûr, conscience de mon allure déplorable. Mais je ne comprenais pas pourquoi la vision de cet état l'avait, à ce point, affecté. Nous étions des inconnus l'un pour l'autre. Qu'est-ce qui, dans ce bref moment, m'avait échappé ? Pourquoi avait-il pris la fuite ? Pourquoi appelait-il maintenant ?
Je venais d'enfiler mon jean lorsque ma mère fit son apparition.

- Quoi ?

Elle peinait à verbaliser l'inquiétude et la panique que ses yeux me communiquaient. Je déglutis avec difficulté. Je me sentais, tout à coup, vide. Comme lorsqu'une catastrophe inévitable survient et que, par lassitude et découragement, on se contentait d'observer en silence les choses se produire. On acceptait un destin qu'on savait inéluctable. On ne cherchait plus à dégager la terre du trou dans lequel on était coincé. Une terre qui continuait à s'abattre sur nous, qui finirait tôt ou tard par remplir l'espace et nous enterrer vivants.

- Ton père est aux urgences.

Déboires chroniquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant