Partie 45 : foire aux questions

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Il hocha la tête. La mine soucieuse qu'il affichait commença à m'irriter.

- Je vais bien, réaffirmai-je, sucre ?
- Non, répondit-il d'une voix légèrement enrouée.
- Vous voulez manger quelque chose ?
- Non merci. Une crise ?

Je lui tendis la boisson fumante.

- Quoi ?
- Tu parlais d'une crise. Ça t'arrive souvent ?
- Tu ?

Les coins de ma bouche se contractèrent, mes yeux s'agrandirent de surprise. Je me réjouissais, plus que je ne souhaitais l'admettre, du cap que nous venions de franchir.

- Je pense, à ce stade, qu'on peut se passer du vouvoiement. Non ?
- J'ai le droit au même privilège qu'Hannah...
- Ta colocataire ?

Le sérieux avec lequel il considéra ma remarque me la fit regretter.

- Oui.
- Je ne t'ai pas encore permis de m'appeler par mon prénom.

Il était visiblement d'humeur taquine.

- Ok Guesdes.
- Noah s'il-te-plait.

Des fossettes creusèrent ses joues. Le sourire qu'il afficha révéla une dentition quasi impeccable. À l'exception d'une canine, quelque peu en retrait, ses dents étaient parfaitement alignées. Je l'imaginai enfant repousser le moment fatidique puis, face à l'inévitable, rassembler son courage et arracher sa dent de lait.

- Un fruit Guesdes ?

Je lui tendis une banane qu'il empoigna. Je maintins ma prise suffisamment longtemps pour observer en plein jour ce que j'avais vaguement entraperçu la veille.

- D'où te viennent ces cicatrices ?

Il prit le temps d'éplucher le fruit et de mordre dedans avant de répliquer :

- Je réponds à ta question si tu réponds à la mienne.

Ma condition. Celle que je lui avais soumise avant de lui parler d'Adam. Le regard malicieux qu'il exhibait ne laissait place à aucun doute. Il s'en souvenait.

- D'accord.
- La crise d'hier. Ça t'arrive souvent ?

La gravité soudaine de son air me ramena à la rude réalité.

- Assez souvent. Mais pas tous les jours non plus. Je peux passer des semaines sans crise puis voir ou entendre quelque chose qui en déclenche une.
- Elles durent longtemps ?
- Ça dépend. Une fois qu'une crise démarre c'est très difficile pour moi d'en sortir.
- On s'est vu la semaine dernière. Tu allais bien... Enfin, je crois.
- Oui ça allait. Celle-ci a démarré après. Tu n'y es pour rien si c'est ce que tu crains.
- Pas du tout. Elles ont commencé quand ?
- Il y a un an.
- Comment ?
- Tu veux dire, qu'est-ce qui a provoqué la première crise ?

Il acquiesça.

- Je ne devais, en principe, répondre qu'à une seule question non ?

J'inspirai profondément et ne laissai pas l'intensité de son regard me perturber outre mesure.

- À mon tour ! 

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