- Vraiment ?
La mine satisfaite, Florian rétorqua :
- Ba, quoi ?
- T'as pris ton rôle de copain très à cœur..., précisai-je.
- Ah je suis comme ça moi je fais les choses bien ou je les fais pas !
- Pour faire tu fais..., ronchonnai-je.Il s'arrêta brusquement. Les mains dans les poches, les sourcils froncés, il me dévisagea.
- Un problème ?
La légèreté qui le caractérisait avait soudainement disparu. Immobile, contrarié, il attendait une réponse. La culpabilité me noua la gorge.
- Désolée, finis-je par murmurer.
En quelques pas, il combla le vide créé par son corps, figé sur place, et le mien, mobile.
- Fais pas cette tête, reprit-il en me bousculant gentiment l'épaule.
- Quelle tête ?Il posa son index sur ma joue.
- Cette tête...
J'échappai délicatement à la pression de son doigt.
- Y a pas mort d'homme.
Quelle drôle d'expression. Ironique quand on pensait à mon passé et celui de Guesdes. Il n'y avait effectivement ce soir aucun mort à déplorer. Juste des fantômes. La présence des défunts, fermement ancrée dans nos esprits, nous entravait. Notre mémoire donnait corps aux souvenirs. Elle rejouait constamment des scénarios révolus dans l'espoir d'aboutir à un autre dénouement.
- Merci, soufflai-je.
- À votre service gente dame.Il accompagna sa réplique d'une courbette qui m'arracha un sourire.
- Et puis... C'est assez drôle de provoquer Noah Guesdes.
- Quoi ?
- Il était à deux doigts de craquer. On aurait peut-être du rester un peu plus longtemps...
- Hein ?!
- Ça fait un moment que je fais des services pour Kinsight. Première fois que je le vois dans cet état.
- Mais de quoi tu parles ?
- Jena voyons ... Vous ne dupez personne.Interloquée, je fixais ses pommettes saillantes, son nez retroussé, ses yeux rieurs. Il me tira vers lui m'évitant ainsi de percuter un passant. Le boulevard, malgré l'heure tardive, était bondé. Grande adepte des promenades nocturnes, j'appréciais, en dépit du contexte, ce moment. La nuit, l'atmosphère est particulière. Elle invite à prendre les choses avec beaucoup plus de nonchalance. Lorsque vous êtes seul elle vous plonge dans un état méditatif. Vous observez le ciel, vous contemplez la lune, quand elle daigne se montrer, vous laissez vos pensées dériver et prendre des chemins inattendus. Mais la nuit est aussi synonyme de danger. Des intentions malveillantes se dissimulent sous son long manteau. Seule une foule comme celle d'aujourd'hui vous protège des déviances humaines qui s'épanchent le soir venu. Une foule ou Noah. Je me revoyais paralysée par la peur, hypnotisée par les gyrophares du véhicule de police stationné à l'entrée de chez moi, revivant intensément le passé. À la merci des prédateurs. Incapable de penser encore moins d'agir. La chaleur de sa présence, la douceur de sa voix et les bienfaits de sa vigilance m'avaient tirés d'une mauvaise situation. Le cœur serré à l'évocation de ce souvenir je le chassais de ma mémoire.
- T'as des passes temps ?
La surprise qui imprégna le visage de Florian était une heureuse distraction.
- Sans transition !
- Aucune confirmai-je.
- Pourquoi ?
- Je sais pas. Je m'intéresse.De la surprise au contentement. Du contentement à la réflexion.
- Hum... les jeux vidéos ?
- C'est une question ?
- Non une réponse.
- Tellement cliché !Il me pressa le bras.
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Déboires chroniques
Genç Kız EdebiyatıLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...