Les jointures de ma main droite heurtèrent la porte blindée de Guesdes. Je n'étais pas loin de l'hyperventilation. Difficile de garder son sang froid quand quelques heures seulement s'étaient écoulées depuis l'altercation et le baiser. L'anxiété me tordait l'estomac. Une anxiété qui était à la hauteur de ma résolution. Fini de tourner autour du pot, de nier l'attirance évidente que j'avais pour lui. Plus de pensées tortueuses. Plus d'appréhension. Enfin ... Non. Il m'était impossible de ne pas appréhender la suite. Il l'avait fait. Il avait brisé la barrière invisible que nous avions, tour à tour, érigée. L'illusion d'une relation amicale ou professionnelle avait volé en éclat la seconde où ses lèvres s'étaient posées sur les miennes. J'avais un goût d'inachevé. La colère l'avait poussé à agir. J'aurais préféré un sentiment plus noble. Une voix claire, un brin perchée annonça sa venue. Prise au dépourvu, je reculai d'un pas. La poignée s'abaissa sous la pression exercée par la charmante jeune femme qui me faisait, à présent, face. Un carré long, une frange, une expression avenante et des yeux...
- Oui ?
Les mêmes que les siens.
- Bonsoir, Guesdes est là ?
- Guesdes ? , répéta-t-elle étonnée.
- Euh... Monsieur Guesdes.
- Monsieur ?!Elle passa de l'étonnement à l'éclat de rire.
Confuse et gênée, j'étais à deux doigts de m'excuser avant de prendre mes jambes à mon cou mais elle me devança :- Votre nom ?
- Ah... Jena.
- Oh.Soudainement sur la défensive, elle s'écarta pour me laisser entrer. J'estimais son âge assez proche du mien. Apprêtée et visiblement contrariée, elle m'observait avec une attention inquiétante. Je craignais d'avoir interrompu quelque chose.
- Je peux revenir un autre jour.
- Pourquoi ? , demanda-t-elle aussitôt.
- Vous avez l'air occupé...Cette visite ne prenait clairement pas la tournure imaginée ou espérée. Elle m'empoigna et m'entraîna dans la cuisine, en claquant, de son talon, la porte derrière nous.
- Pas du tout ! On peut se tutoyer ?
Mais d'où sortait-elle ? Et, plus important, que faisait-elle chez Noah ?
- Euh... oui.
Elle farfouilla dans le frigo et en extirpa de la dinde fumée.
- Tu en veux un ? , me proposa-t-elle en tartinant de mayonnaise deux tranches de pain récupérées dans un placard.
- Non merci.Un pantalon tailleur bordeaux à jambes évasées, une chemise blanche révélant un magnifique collier de perles et une montre ronde en acier... Simple mais élégante. Je voyais mal quelqu'un de son genre se faire un sandwich à une heure pareille. Revenait-elle du boulot ? Elle et Guesdes avaient-ils prévu quelque chose ?
- Il n'est pas là, reprit-elle en me voyant le chercher du regard.
Elle planta ses dents dans un casse-croûte qui, au vu de sa mine réjouie, était réussi.
- Hum ça fait du bien !
- Je vois ça, répondis-je amusée par sa réaction sincère et spontanée.
- Il ne va pas tarder à revenir, précisa-t-elle après avoir avalé sa première bouchée.J'acquiesçai.
- C'est quoi la nature de votre relation ?
Une question posée sans contexte ou détour. J'espérais ne pas me trahir. J'espérais également lui renvoyer, avec le même brio que Noah, de la neutralité et une apparente indifférence.
- C'est mon mentor. Il participe à un programme de...
- Ça je sais.
- Ok... Je suis pas sure de comprendre la question.
- Ah bon ? Elle est pourtant claire.
- Je suis pas sure non plus d'avoir retenu ton prénom.
- Normal, je te l'ai pas donné.Elle était hostile. Pourquoi ? Quand avais-je pu l'offenser ? Nous venions à peine de nous rencontrer.
- Et donc ? , insistai-je
- Je connais ton genre.Alors qu'elle était sur le point d'expliciter son propos, un propos qui n'allait sûrement pas me plaire, une voix sévère et tranchante la coupa dans son élan.
- Agathe !
Agathe ? Difficile de donner du sens aux informations qui me parvenaient. Noah était là et, je crois, en colère. Contre qui ? Agathe ?
- Ta sœur ? , murmurai-je pour moi-même en tentant de connecter les données entre elles.
L'attention que je portais à Guesdes glissa vers la nouvelle venue.
- Tout va bien ? , s'enquit cette dernière.
Une rousse de taille moyenne aux yeux verts et aux éphélides qui marquaient les esprits. Un poignet fin et une main droite manucurée posée de façon nonchalante sur l'avant-bras de Noah. Clémence De Longialle. Mes pupilles quittèrent le sublime couple se tenant devant moi pour se fixer sur la porte.
- Je vais y aller, annonçai-je.
Un timbre mécanique, une forte confusion et une envie irrépressible de fuir... Le manège n'avait malheureusement pas fini de tourner.
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Déboires chroniques
Chick-LitLa vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Les espoirs, les idéaux, l'utopie que notre esprit engendre sont mis à mal par les épreuves jalonnant notre chemin. La solidité des liens amicaux et amoureux est testée durant ces épreuves. Jena, ét...