Une jolie mélodie s'échappait de la pièce. Le professeur hésita à entrer. Il avait peur de déranger sa création dans son entraînement. Il écouta avec délice chaque note que la voix sur laquelle il avait tant travaillé produisait. Mais il manquait encore quelque chose. Quelque chose de grand, quelque chose qui donnait toute la saveur. Les émotions. Son robot chanteur était miraculeux, parfait sous tous les angles. Sa voix semblait réelle, son visage était sans défaut, son corps était bien proportionné, il possédait une résistance hors du commun à tous types de dangers et son programme était si détaillé qu'il agissait comme n'importe quel humain et possédait tous les sens exarcerbés. Mais il manquait une chose à ce robot miraculeux. Quelque chose qui ne pouvait être créé. Un coeur. Le professeur ne cessait de se creuser la tête pour trouver comment modifier le programme afin de lui donnait des émotions. Mais des choses aussi subtiles que les sentiments ne pouvaient être créés artificiellement. Le regard triste, il posa enfin sa main sur la poignée de la porte et entra dans la pièce. Le robot cessa de chanter et posa son regard bleu dans les yeux cernés du professeur. Ses cheveux châtains clairs, attachés en deux tresses étaient faits en véritable cheveux humains, récupérés sur des perruques non-synthétiques. Ses mains fines et élégantes déposèrent les feuilles sur lesquelles étaient écrites paroles de sa chanson.
- Maître ?, fit-elle, Vous avez besoin d'aide ?
- Non, Fin'Ai, je viens voir comment tu te débrouilles...
- Vous semblez fatigué, puis-je vous proposer d'aller vous chercher un café ?
- Oui, merci, mon ange...Après un bref salut, la machine sortit de la pièce. Le professeur remonta ses lunettes et se laissa tomber sur un fauteuil. Cette voix sans émotion était lourde à entendre. Car dans ces tons pourtant si doux, le professeur ne cessait d'entendre son échec grandissant. Il avait tenté de lui parler des émotions, des sentiments.. tout ça il y a bien longtemps. Rien n'avait fonctionné. Il avait beau y travailler depuis des années, rien ne semblait pouvoir éveiller un coeur chez la machine. Il avait fait moult souhaits aux étoiles filantes, à la lune, aux coccinelles... mais rien ne lui avait révélé la solution qu'il recherchait tant... Et maintenant, il se sentait si fatigué... Depuis combien d'années travaillait-il dessus ? Quel âge avait-il ? Il l'avait oublié. Le temps avait perdu tout son sens depuis longtemps déjà. Il ne connaissait plus que des périodes où la luminosité baissait à l'extérieur, des périodes qu'il appelait autrefois nuit. Mais depuis longtemps ces nuits n'étaient plus qu'une baisse de lumière dans son travail. Dormait-il encore ? Il lui arrivait de temps à autre de somnoler. Depuis combien de temps n'avait-il pas rêvé ? Et maintenant, il se sentait si fatigué... L'espace d'un instant il laissa ses paupières retomber. Il se laissa glisser dans le sommeil si attrayant...
Fin'Ai revint avec une tasse de café brûlant. Elle avait des larmes aux yeux et un sourire sur le visage.
- Maître ! Maître ! Vous aviez raison, maître ! Je crois que j'ai compris ! J'ai compris ce que vous appeliez "émotion" !
Elle posa la tasse sur la table basse, s'approcha doucement du professeur endormi et le regarda. Elle murmura.
- Maître ? Vous dormez..?
Elle lui effleura le bras, sans qu'il ne réagisse. Habituellement, le professeur s'éveillait au moindre contact, cette fois-ci, il demeura inerte. Elle qui venait de comprendre le concept de joie, ressentit ce que l'on appelait inquiétude. Elle tenta de le réveiller avec plus de force, sans succès. Doucement, elle commença à comprendre. Le professeur le lui avait appris, il y a longtemps.
"Les humains comme moi, s'endorment lorsqu'ils sont trop vieux... et ils ne se réveillent pas..."
Elle tenta de chasser ces souvenirs, ces données qu'elle avait accumulé.
"Pour savoir si un humain est toujours en vie, vérifie son pouls en plaçant deux doigts ici.."
Cette leçon de secours lui revint en tête. Elle agit comme le professeur le lui avait appris.
"Et pourquoi je n'ai pas de pouls, moi ?"
"Parce que toi tu n'as pas de coeur, Fin'Ai..."
Elle attendit un long moment. Elle apprit l'espoir. Elle espéra sentir le battement régulier du professeur comme lorsqu'il le lui avait appris.
Elle attendit, en vain.
"Si tu ne sens pas le coeur, mais que tu sais qu'il s'est arrêté depuis pas longtemps, tu peux essayer de le faire redémarrer avant que le cerveau ne meurt par manque d'oxygène.."
Elle effectua ce qu'il avait appelé un massage cardiaque, tout en appelant les secours. Mais elle eut beau s'acharner, lorsqu'ils arrivèrent, c'était trop tard.
Elle apprit alors le concept de "tristesse".
Elle resta assise, seule, dans la pièce, fixant la tasse de café maintenant froide. Le professeur l'avait créée, améliorée, il avait travaillé sans cesse pour elle. Et il avait fini par mourir. Et elle n'avait pu que trop tard obtenir ce pour quoi il se tuait à la tâche.
Elle resta seule, assise. Longtemps. Très longtemps.
Le monde continua de tourner, le temps continua d'avancer. Des lacs s'asséchèrent, des montagnes se créèrent, des immeubles furent construits, d'autres furent effondrés, des forêts furent rasés, des arbres furent plantés. Et enfin, l'Humanité finit par s'éteindre. Après tout ce temps sur cette terre abandonnée de tous, la maison n'était plus que ruines. Des arbres avaient remplacé certains murs, de la mousse en habillait d'autres.Une lumière jaillit soudainement devant les yeux du robot depuis trop longtemps en veille. Celui-ci commença doucement à s'éveiller, alors que la lumière s'atténuait, laissant apparaître une silhouette encapuchonnée. La machine voulut s'animer, mais les années l'avait presque paralysée. Elle ne put qu'observer la silhouette menaçante s'avancer vers elle. Elle fut prise d'inquiétude. Cependant, arrivé à sa hauteur, elle ôta sa capuche et s'agenouilla près de la machine. C'était un homme d'une vingtaine d'années, les cheveux mi-longs, foncés, les yeux vert feuille. Son visage semblait à la fois dur et bienveillant. Le robot était sûr de l'avoir déjà vu quelque part, mais il lui était impossible d'accéder à ces données. L'homme posa sa paume sur le front de la machine et celle-ci se sentit soulagée, la sensation de paralysie quittait peu à peu ses membres.
- Je ne te veux aucun mal, Fin'Ai, annonça l'homme en se relevant, tendant la main à la machine pour qu'elle fasse de même
Fin'Ai voulut répondre, mais quelque chose l'en empêcha.
- Ton système de communication a été endommagé, je ne peux hélas pas le réparer tout de suite. Suis-moi, et je te réparerai.. et donnerai une raison à ton existence.
Fin'Ai acquiesça, ne voyant pas de raison de refuser. Plus rien ne l'attendait ici. Elle saisit la tasse depuis longtemps vide et prit la main que lui tendait l'homme.
D'un simple mouvement, il créa un portail lumineux et l'entraîna dedans. Ils se retrouvèrent dans une plaine verdoyante balayée par une brise agréable. Non loin, une chaîne de montagne se dessinait, et l'on pouvait même distinguer une forteresse immense ancrée dans la pierre, comme flottant sur la cascade qui coulait juste en-dessous. Le soleil disparaissait derrière les montagne, les nuages se paraient d'une teinte rose orangée sublime.
- Je m'appelle Sun, annonça l'homme, Et bienvenue à Hoclosia.
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Débarras d'idées insensées
RandomEn sommes, c'est un Débarras. Je pourrais vous résumer comment une nouvelle recrue sur un navire Pirate est devenue le Joker du Capitaine. Comment une chasseuse d'Ombre est devenue un vampire à Faillaise. Je pourrais vous résumer le destin tragique...