156 : Déchirement

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Le spectacle était terrifiant, et douloureux. Beryl se démenait pour l'arrêter, pour le stopper. Mais elle arrivait sans cesse trop tard. Elle n'avait pu sauver aucun de ses amis. Tous étaient morts.

Tombant à genoux devant le cadavre du dernier de ses enfants, Beryl s'effondra. Non... ce ne pouvait pas être vrai. Elle ne pouvait pas y arriver sans eux. C'était... si douloureux. D'un regard impuissant, elle continua, encore et toujours à essayer de réanimer ses amis. 

Rien de ce qu'elle essaya ne marcha. Et plus les essais échouaient, plus Beryl se sentait plonger dans le désespoir.

Tout... ils étaient tout pour elle. Ses amis, sa famille, ses compagnons de Voyage,... son avenir.

Beryl avait tout construit pour eux, elle avait tout donné pour veiller sur eux. Elle avait toujours tout fait pour s'assurer que leur bien-être et leur santé passerait avant tout, avant même sa propre vie.

Et alors qu'ils étaient étendus là, elle était encore en vie. Seule. 

Elle ne voulait pas. Elle ne pouvait pas le supporter, elle ne pouvait pas l'accepter. Mais les cris de déchirement qu'elle adressa au ciel n'y changèrent rien. La pluie était torrentielle, et Beryl ne distinguait plus ses larmes des gouttes de pluie. 

Elle aurait sûrement dû trouver un abri, continuer pour eux. Mais elle ne parvint pas à s'y résoudre. Elle ne pouvait tout simplement plus trouver la force. S'ils n'étaient pas là... Plus rien ne pouvait avoir de l'intérêt.  Elle se sentait vide, comme inexistante, et pourtant la douleur était là. La souffrance, seule chose qui l'ancrait encore dans la réalité, était immense. Où que son regard se pose, c'était trop difficile à regarder. Du sang, des cadavres, de la désolation.

Beryl ne put que se recroquevillée sur elle-même en pleurant, encore et encore. Le monde entier semblait trop lourd à porter à présent. 

Elle n'avait plus rien.

Ni avenir, ni amis, ni famille, ni espoir. 

Juste la solitude, l'échec, la douleur et la certitude que plus rien ne la ferait remonter.

Le temps passa, mais Beryl ne compta pas les jours. Elle ne parvenait pas à sortir de là. Elle ne parvenait pas à se relever. Se relever aurait signifiait qu'elle l'acceptait. Qu'elle se résolvait à les voir morts.

Elle refusait. Et pourtant son refus n'y changeait rien. Son refus était insignifiant, impuissant. Rien ne changerait quoique ce soit à la triste réalité qui se présentait à elle.

Mais elle ne voulait plus de cette réalité. Elle ne voulait plus de tout ça. Elle voulait juste disparaître, comme eux. 

Elle qui s'était toujours battue pour les autres, elle qui avait toujours survécu pour les siens... aujourd'hui ne pouvait plus se résoudre à vivre. Elle avait tenté, essayé, maintes et maintes fois, elle s'était relevée alors même qu'elle rêvait d'abandonner, elle avait continué à marcher pour les siens, elle avait continué à essayer pour offrir le bonheur à ses proches. Mais aujourd'hui... c'était eux qui étaient tombés. Et plus jamais ils ne se relèveraient. 

Tous ses efforts... ne valaient absolument plus rien. Tous ses efforts... n'avaient rien changé.

Le temps s'écoula. Beryl ne se releva pas. Elle ne ressentit aucun des avertissements de son corps. Ni la faim, ni la soif, ni la douleur, ni le manque de sommeil. Non, rien de tout ça ne put l'atteindre.

Alors Beryl ferma ses yeux fatigués de voir la mort. Lentement, ses muscles se détendirent. Son souffle ralentit et son coeur s'arrêta.

Beryl sentit l'étreinte glacée de la mort. Mais alors même qu'elle était toute proche, Beryl ne réagit pas. Pas un seul frisson ne parcouru sa peau, pas une seule pensée ne jaillit, pas un seul mot ne franchit ses lèvres.

...

...

...

Avec un sursaut, la jeune femme se redressa dans son lit. En sueur, haletante, elle observa autour d'elle. Dans la chambre obscure, rien n'avait bougé. Erika dormait toujours paisiblement à côté d'elle, à demie recouverte par les couvertures.

Beryl trembla en repassant son rêve en revue. Il semblait vrai. Trop vrai.

Elle frissonna. Elle savait que quelques fois, des rêves prémonitoires se présentaient à elle lorsqu'elle dormait dans ses endroits chargés en magie. Et ce rêve-là semblait trop réel pour ne pas en être un.

Elle passa sa cape par-dessus sa chemise de nuit et sortit de la pièce. Le couloir aux nombreuses portes du château se présenta à elle. Elle ouvrit la première porte qu'elle atteignit et se retrouva dans un jardin d'intérieur.

En tremblant, elle s'assit par terre, adossée à un banc. Le regard fixé sur une plante à fleurs, elle s'autorisa alors enfin à sangloter.

Elle trouverait comment éviter cet avenir. Elle s'en faisait la promesse.

Débarras d'idées insenséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant