Débarras d'idées insensées

164 : Will (3)

- Ce jour-là, au château... tu aurais dû mourir pour moi.

Beryl resta silencieuse. Elle ne s'attendait pas à ce genre de révélations. Pourquoi lui dire ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi l'avait-il sauvé ?
Will baissa les yeux. Il avait peur de la réaction de la jeune fille. 

Pourquoi m'avoir sauvée si mon sang aurait dû te profiter ?, demanda-t-elle par la pensée.

Son ton était calme, curieux. Aucune once de reproche ou d'animosité. Le jeune homme détourna le regard.

- Jusqu'ici... Jusqu'ici je n'avais jamais vu les personnes vivantes. Celles dont le sang m'avait été offert. Jusqu'ici... Je m'étais obstiné à oublier d'où le sang venait.

Il serra les poings.

- Mais ce jour-là... J'étais perdu. Je n'avais jamais eu le droit de savoir ce qu'il se passait à cet étage. Puisque c'est là que l'on récoltait le sang des Voyageurs. J'étais perdu, parce que... parce que je ne savais pas si je voulais continuer à vivre en étant complice de tout ça. Je ne voulais plus me cacher derrière l'ignorance. Alors pour savoir si ma morale pouvait l'encaisser et l'accepter ou si je voulais tout arrêter... Je me suis rendu en cachette à cet étage.

Il prit un temps de pause.

- Lorsque je t'ai vue... tu... tu avais l'air si fragile... et pourtant... tu te battais avec tellement de force...

Il soupira.

- Je n'avais aucune idée des pouvoirs que t'avais et tu n'avais pas vraiment l'air si puissante que ça. À mes yeux, te tuer était aberrant. Surtout pour le peu que tu m'aurais apporté.

Tu regrettes ?, demanda Beryl, Tu as regretté de m'avoir sauvé quand tu as appris que j'étais une Créatrice ?

Il secoua la tête.

- Pas un seul instant je n'ai regretté. J'ai... ôté une vie ce jour-là. Ce n'était pas la première fois. Mais ce jour-là je l'ai fait pour quelque chose en quoi je croyais. J'ai pris ma décision. J'ai décidé de m'émanciper de cette manière de vivre que m'avait enseigné mon père. Tuer pour avoir du pouvoir... Plus jamais je ne vivrais ainsi. 

Il marqua une nouvelle pause et leva le regard vers l'horizon.

- À présent, si je dois ôter à nouveau des vies... je ne le ferais que pour protéger. Je sais... qu'il faut beaucoup de pouvoir pour choisir la vie, pour choisir la paix. Tuer est plus simple, n'importe qui pourrait le faire. Mais... je refuse de choisir cette facilité.

Un sourire fendit son visage.

- Je veux suivre le même chemin que toi, Beryl. Voyager... pour le bien.