Bill sourit.
- Si ce n'est que ça Madame la Créatrice, je connais quelqu'un qui pourra vous l'enseigner.
- Arrête de m'appeler "madame la créatrice", je t'ai dit que je préférai Green.. et oui, j'aimerais qu'on m'apprenne l'Art de l'Enchantement.
Elle serra l'arme emballée dans un velours bleu, tendue.
- Rejoignez-moi au crépuscule, à la fontaine d'Ecaille. Je vous y conduirai.
- Bien.
- Et vous ne voulez toujours pas me dire ce que c'est ?, demanda Bill en désignant l'arme du menton
- Je te l'ai dit : notre salut.
- Vous pensez que ça pourra repousser l'Oeil ?
- Non, je pense que ça nous protégera de son Regard.
Il haussa les épaules et s'en alla. Il monta à nouveau sur sa monture.
- À ce soir, en ce cas.
- À ce soir, Bill.
Une fois qu'il eut disparu de son champ de vision, Green souffla dans l'appeau qui pendait à son cou. Une fois de plus, sa monture de brume apparut. Elle monta et fila vers un lieu que seule elle connaissait.
Lorsque le soir arriva, Bill se rendit à la Fontaine. Green s'y trouvait déjà, perchée sur un arbre au milieu du feuillage. Lorsque Bill arriva, elle sauta à terre en une habile pirouette, sans un bruit. Il sursauta et retint un cri.
- Bon sang, Green, je t'ai déjà dit d'arrêter ça.
- Allons-y, fit-elle sans relever
Bill soupira et tous deux s'enfoncèrent dans les rues sombres de la capitale. Ils étaient en terrain miné, si l'Oeil n'était pas endormi, tout ceci serait vain. Cependant, tous deux atteignirent l'endroit sans problème. Ils pénétrèrent dans une maison par le cellier laissé ouvert à leur intention. Ils progressèrent dans le couloir sombre et humide puis montèrent à l'échelle qui rejoignait une trappe. Après quatre coups donné à un certain rythme, la trappe s'ouvrit sur un homme au visage pâle et aux yeux aveugles. Green et Bill s'extirpèrent de la trappe pour entrer dans ce qui semblait être un laboratoire d'alchimie. Green n'avait jamais aimé la magie runique, mais elle s'était décidée à l'utiliser cette unique fois. La situation l'exigeait. Elle se tourna vers Bill.
- Va m'attendre dans la pièce d'à côté.
- Quoi ? mais..
- Fais ce que je te dis, ordonna-t-elle d'une voix sans appel.
Bill serra les dents et passa la porte qu'il referma derrière lui. L'homme posa ses yeux aveugles sur Green comme s'il la voyait.
- Tu as peur, annonça-t-il sur un ton neutre, peur que quelque chose tourne mal.
Elle serra les mâchoires sans répondre.
- Qu'es-tu venue enchanter ?
Green tendit l'arme et en retira le drap de velours qui la recouvrait. C'était une rapière magnifiquement ouvragée. La garde brillait d'argent et représentait des plumes entrelacées aux milieu desquelles se trouvait une gemme d'un bleu profond, la poignée était recouverte d'un lacet du même bleu et le pommeau représentait un écu entouré de lauriers. La lame était aiguisée et fine, meurtrière pour qui saurait la manier. Le fourreau qui l'entourait était de bleu et d'argent, simple. La partie de métal semblait représenter des ailes enlaçant le tissu bleu.
- Ceci.
- Bel ouvrage. Que voudrais-tu y appliquer ?
- Une protection absolue. Et un tranchant qui jamais ne s'émousse.
- Je n'ai aucun doute sur le fait que ton sang sera suffisamment puissant pour cela. Mais il y a autre chose que tu ne me dis pas. Quelque chose que tu refuses de t'avouer. Tu veux une lame empoisonnée. Un poison pour l'Oeil d'Or.
Green serra les dents, sa main se resserrant sur la poignée de la lame. Elle aurait voulu embrocher le vieillard pour le faire taire. Il avait raison et elle le maudissait pour cela.
- Assez parlé, sorcier. Tes paroles sont venimeuses.
- Ce qu'il faut que tu apprennes avant de te mettre à l'enchantement, c'est que ta volonté profonde même inavouée sera toujours appliquée. Ce sera ton sang qui sera versé après tout. Le sang qui a passé son temps près de ton coeur, source de tous tes désirs.
- Alors cette lame sera empoisonnée ! Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?!
- À moi ? Rien. Mais il faut bien que tu prennes en compte ce fait lorsque tu apposeras l'enchantement.. ou tu pourrais bien en perdre le contrôle.
Green prit une grande inspiration, chassant toutes les pensées parasites.
- Très bien. Je suis prête. Apprends-moi, enchanteur.
Le vieil homme s'assit, et Green l'imita. Il remua doucement son bâton et une lueur s'alluma à l'intérieur, rependant un encens étouffant dans la pièce.
- Respire et concentre-toi. Nous tracerons les runes quand tu seras dans le bon état d'esprit.
Le silence retomba alors sur la pièce, pour une longue éternité.
Bill fut réveillé par le soleil qui filtrait à travers les fenêtres. Green et Akvern n'étaient toujours pas sortis. Il commençait à s'inquiéter. Ils avaient passé la nuit à l'intérieur. Bill avait veillé aussi tard que possible pour être prêt à raccompagner Green. Il savait que les enchantements étaient très éprouvants.. il n'en avait jamais fait mais connaissait Akvern depuis longtemps.. et la plupart des gens qui sortaient des séances d'enchantements étaient faiblards, voire inconscients. Il passa donc l'heure suivant son réveil à attendre en aiguisant son épée. Puis, enfin, la porte s'ouvrit. Green en sortit. Elle était pâle. Plus pâle encore qu'Akvern. Son regard était cerné et pourtant la détermination brillait toujours au fond de ses prunelles. Elle traînait du pieds comme si tout son corps était trop lourd pour elle. Sa main était crispée sur l'arme recouverte du velours bleu. Bill se précipita vers elle pour l'aider à marcher mais elle le repoussa.
- On s'en va, Bill, fit-elle d'une voix blanche
- Vous êtes sûre que vous ne voulez pas vous reposer un peu avant de partir ?
- Non.
Bill se mordit la lèvre mais savait qu'elle ne le laisserait pas insister. Il la suivit donc et tous deux quittèrent la maison d'Akvern. Une fois en-dehors des murs, Green se tourna vers Bill.
- Tu devrais pouvoir te débrouiller maintenant. Tu n'es plus dans la capitale, l'Oeil ne pèse plus sur toi tant que tu respectes les règles. Je vais y aller.
- Attends.. c'est pas moi qui ai besoin d'aide, là. Vous avez vu votre tête ?
- Bill, fous-moi la paix. Je vais bien, je vais rentrer chez moi.
- Je peux au moins vous raccompagner..
- Non.
Bill soupira, il savait que lutter ne servait à rien.
- Très bien..
- Une dernière chose. À partir de maintenant, ne m'appelle plus Green. Ne me cite que sous le nom d'Emeraude. Pour ce qui est de cette lame... c'est celle qui mettra fin au règne du Tyran. Retiens le nom d'Epine.
Sur ces mots, Green souffla dans l'appeau autour de son cou et monta sur son étalon de brume. Sans un mot de plus, elle partit, laissant là Bill, qui à son tour, appela son cheval et s'en alla.
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Débarras d'idées insensées
RandomEn sommes, c'est un Débarras. Je pourrais vous résumer comment une nouvelle recrue sur un navire Pirate est devenue le Joker du Capitaine. Comment une chasseuse d'Ombre est devenue un vampire à Faillaise. Je pourrais vous résumer le destin tragique...