107 : New color, disturbed power

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Je restais plusieurs mois à basculer entre la conscience et les pensées primitives, ne pouvant mettre de termes sur autre chose que la chaleur, la douleur ou la faim. Ce que je pensais au début n'être qu'une bête maladie s'avérait être bien plus complexe que ça. 

Et cette fille... cette fille qui me souriait et m'apportait ce dont j'avais besoin à chaque fois que la brûlure resurgissait.. j'étais incapable de savoir qui c'était. Même lorsque j'étais consciente, son visage était flou. J'avais toujours détesté dépendre des autres. Non seulement pour moi-même, par fierté, mais aussi pour les autres. Je n'aimais pas m'imposer comme un boulet. Mais cette fois-ci, quelque chose rendait la situation encore plus inconfortable. Cette fille se rendait indispensable pour moi, et j'étais incapable de dire si c'était une personne de confiance. À tout moment, cette fille pouvait me manipuler comme elle voulait puisqu'elle avait du pouvoir sur moi.

De plus, je ne me trouvais plus au QG, mais dans un endroit inconnu. De ce que j'en voyait c'était un château, abandonné. La plupart des ailes étaient ravagées, et une seule était aménagée : celle où la fille et moi vivions. Il n'y avait qu'une seule chambre, un salon aménagé en atelier de gemmologie, une salle d'eau, une salle de réception dans laquelle étaient stockés la plupart des objets... Je m'étais demandée plusieurs fois que faisait un atelier de gemmologie ici. L'avait-elle fait spécialement pour m'amadouer ? Mais dans mes faibles moments de conscience, je l'avais vue utiliser cet atelier.

- Emeraude ? Où es-tu ?, fit la voix que je connaissais bien

Je sortis de la pièce, allant à la rencontre de la fille.

- Là. 

La fille sourit.

- C'est un bien étrange nom, Emeraude pour quelqu'un qui n'a pas une once de vert sur elle. 

- J'étais verte avant, je te signale.

- C'est vrai... mais je pense que tu n'es pas près de retrouver ta couleur d'origine pour l'instant... alors que dirais-tu de trouver un nom plus logique ?

- Pas près ? Comment ça..?

- Que dirais-tu de Beryl ?, proposa-t-elle ignorant mon intervention, Après tout, c'est plus universel. L'émeraude est un béryl vert, donc puisque tu n'es pas QUE verte, partons sur Beryl.

Beryl.. ça me plaisait étonnamment bien. Cependant j'étais inquiète, comment pouvait-elle savoir combien de temps je resterai ainsi ? Peut-être que c'était elle qui en était la cause ? Encore une fois, elle ignora mes questions, me laissant m'inquiéter et douter encore plus. 

- Dans tous les cas, je t'appelai pour te prévenir que je pars, j'ai quelque chose à faire ! Je reviens ce soir, tu t'en sortiras sans moi ?

Devant mon absence de réponse, son sourire s'agrandit et elle me caressa la tête de sa main gantée.

- T'en fais pas je reviens vite ! À ce soir Beryl !

Sur ces mots, elle tourna les talons et disparut par l'une des portes. Je n'arrivais jamais à comprendre ce château. J'essayai tant bien que mal de mémoriser le chemin qui menait aux différentes pièces, mais à chaque fois, j'arrivais dans une pièce différente. Et quand c'était elle, elle ouvrait chaque fois une porte au hasard et arrivait là où elle voulait. Je restai un petit instant à observer la porte de bois derrière laquelle elle avait disparu avant de serrer les poings. 

J'ignorais qui elle était, ni quel était son rôle à jouer dans ce qui m'arrivait mais j'étais sûre d'une chose. Je ne comprendrais rien à rester ici. Je cherchais à nouveau le moyen de sortir et comme d'habitude, ce fut vain. Aucune porte ne menait à l'extérieur, pas même celle qu'elle avait emprunté !
Et bien tant pis. Si je ne sortais pas par une porte, je sortirai par une fenêtre. Je retournai dans la chambre et ouvrit l'une des deux immenses fenêtres. La vue extérieure me donna un vertige. C'était si haut ! La falaise en contrebas se perdait dans les nuages ! 

Je sentis le désespoir m'envahir. Je me sentais impuissante... j'étais un cliché de princesse enfermée dans la plus haute tour. Je ne pouvais qu'attendre que le dragon daigne me relâcher.

Je me laissai tomber sur le lit en soupirant. Puis je me souvins de quelque chose que mon esprit embrumé avait laissé passer à la trappe. J'étais créatrice de monde ! Je pouvais incarner n'importe quelle race de mes mondes ! Sans hésiter, je bondis sur mes pieds et pris ma forme aerys !... et finis le cul par terre, sentant mes pieds se dérober sous moi.

J'avais effectivement deux immenses ailes dans le dos... mais j'avais également une longue queue de poisson, des écailles sur tout le corps, mêlant écailles de poisson et de reptile, des cornes de dragon et des oreilles de.. lapin ? Je restai bête un instant, ne comprenant pas. J'étais un mix entre 4 races que j'avais créées. Eklinkas, pour les oreilles de lapins, dragon pour les cornes et les écailles reptiliennes, syrnai pour la queue et les écailles de poisson, et aerys pour les ailes. C'était tout aussi humiliant que de trébucher sur ses lacets en faisant une pirouette qu'on sait parfaitement faire. Mais qu'est-ce qui m'arrivait..? Était-ce mon état qui faisait ça ? Ou alors le château ? Peut-être que c'était la fille ? 

Je serrais les poings. Qu'importait, j'avais des ailes. C'est ce que je voulais, alors il ne me restait qu'à sauter. Je grimpai difficilement sur le bord de la fenêtre. Avoir une queue à la place de jambes n'était clairement pas pratique. Ne voir pour seul paysage en contrebas que les nuages me fit réviser mes plans à la dernière minute. Était-ce une bonne idée ? Et si je n'arrivais plus à voler sous cette forme ? J'ai bien les ailes mais le reste de mon corps n'est pas optimisé pour voler. Alors que je me posais une multitude de questions, une bourrasque de vent décida à ma place. L'air, quel élément de merde !

Je tombai à présent dans le vide à toute vitesse. J'avais perdu l'habitue d'utiliser mes ailes et sous cette forme, je ne savais même plus quel muscle correspondait à quoi. Aussi, ce ne fut que lorsque j'eus passé la couche nuageuse que je réussis à ouvrir mes ailes. Ma chute s'arrêta net, et je commençai à planer, encore secouée. J'observais le paysage, cherchant un endroit où atterrir. 

Sous moi, il y avait une chaîne de montagne. Il y avait aussi quelques endroits à peu près plats, mais je trouvais mon bonheur dans une cascade. Je me posais alors sur un rocher un peu au-dessus de la chute d'eau et laissais le bout de ma queue tremper dedans. Alors seulement je m'autorisais à me détendre et réfléchir.

Et maintenant..?

Débarras d'idées insenséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant