176 : L'histoire du soir

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- Maman, maman ! Raconte-moi encore l'histoire de la petite fille dans le néant !

Emeraude sourit avec bienveillance en s'asseyant au bord du lit de l'enfant.

- Encore celle-ci ? Je te l'ai déjà raconté pleins de fois, tu n'en as pas marre ?

La petite fille secoua la tête, faisant voleter ses cheveux bleu turquoise.

- Non, c'est ma préférée ! Raconte-la-moi encore, s'il te plaîîîîît !

La Créatrice lâcha un petit rire.

- Je ne sais pas, Cleo... Il est tard, les petites filles comme toi devraient déjà dormir.

- Mais... Je vais pas réussir à bien dormir si je n'ai pas Flocon... alors si en plus je n'ai pas d'histoires....

Emeraude rit à nouveau. La moue boudeuse de sa fille l'amusait et la faisait fondre. Comment pouvait-elle dire non à cette bouille ?

- Bon d'accord. Mais c'est seulement parce que Flocon n'est pas là. 

- Ouaiiis !

- Hep hep hep ! Ne t'agites pas. Il faut te préparer à dormir. Alors rentre dans les couvertures et couche-toi.

La fillette s'exécuta avec une rapidité exemplaire. En la bordant, Emeraude commença.

- Il était une fois, une petite fille qui était très triste chez elle... Elle rêvait d'autre chose, d'aventure... et une nuit... elle fut transportée ailleurs.

- Dans le néant !

- Oui, dans le néant. Mais c'est moi qui raconte l'histoire !

Cleo acquiesça et se tut, prête à entendre la suite.

- L'endroit où elle se trouvait, reprit la Créatrice, était comme un ciel nocturne, sans aucun astre pour l'illuminer. Ni étoiles, ni lunes. La petite fille chuta indéfiniment. 

- Ça faisait peur.

- Oui... Oui, ça faisait peur. Alors, elle rentra chez elle. Mais comme elle n'aimait toujours pas être là-bas, elle chercha un moyen d'aller ailleurs que dans le néant. Pendant de longues, longues années, elle rêva de s'échapper... jusqu'au jour où elle imagina un monde.

- Firone Thar !

- Oui, Firone Thar. Elle inventa un monde, des fleurs, de la magie, des peuples et même une langue, et peu à peu, Firone Thar s'ancra dans l'Imagination. 

Elle marqua une pause.

- Tandis qu'elle créait ce monde-ci, la jeune fille voulut réessayer de Voyager. Elle avait très peur de retourner dans le néant... mais elle voulait essayer à nouveau. Et cette fois-ci... Cette fois-ci elle atterrit à Firone Thar. 

- Comme si le monde s'était construit là où y avait le néant !

Emeraude acquiesça avec un sourire, plongée dans ses souvenirs lointains.

- Maman ?

- Mhm ?

- Pourquoi la petite fille est toujours triste quand elle est chez elle ?

Emeraude se figea. L'espace d'un instant son masque tranquille et assuré se fissura. Elle serra les poings et sourit à Cleo.

- Parce que toutes les petites filles ne sont pas aussi joyeuses que toi, ma petite fée.

- Mais... c'est facile pourtant ! Moi, quand je pense à ma maman et à Flocon je suis contente !

Emeraude offrit un sourire tendre à sa fille.

- Je suis ravie de l'entendre, Cleo. Il faut toujours chérir ce sentiment. Cette famille. 

Puis elle prit un air théâtral.

- Tout le monde n'a pas la chance d'avoir une maman aussi géniale que moi, tu sais !

Cleo éclata d'un rire cristallin.

- C'est vrai.. T'es la meilleure de toutes les mamans ! Même que quand je serais plus grande, je serais une maman comme toi !

Emeraude secoua la tête.

- Oh non, tu seras encore meilleure que moi ! Allez maintenant il est l'heure de dormir, ma puce.

- Mais... t'as pas fini l'histoire...

- Mais tu la connais déjà. Tu peux imaginer une fin différente, des aventures différentes, un monde différent...

- Pfff... Je peux pas créer des mondes, moi.

Emeraude prit un air offusqué.

- Bien sûr que si tu peux. Tout le monde peut. 

- Mais tes mondes à toi ils sont tellement bien...

- Parce que je les travaille depuis des années, Cleo. Je suis sûre que si tu essaies, tu peux en créer aussi. 

Elle s'approcha et déposa un baiser sur le front de l'enfant.

- Allez, bonne nuit princesse. Fais de jolis rêves tout pleins d'aventures.

- Bonne nuit maman. Toi aussi fais de beaux rêves.

Emeraude éteignit les lumières et sortit de la chambre, fermant la porte derrière elle. Elle fredonna une berceuse tout doucement en s'éloignant de la pièce. 
Elle entra dans sa propre chambre et jeta un oeil à l'astre lunaire derrière la fenêtre.
Le mince croissant lumineux semblait lui sourire derrière de longs nuages.

- Que la Dame des Rêves veille sur toi, Cleo, souffla-t-elle le regard dans le vague

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