152 : L'Empereur d'Interven

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Beryl avait peur. Ce n'était pas la première fois, qu'elle était effrayée. En réalité, Beryl était quelqu'un qui était très facilement apeuré. Mais elle n'aimait pas la sensation de terreur qui la pétrifiait. Dans des moments comme ça, elle faisait tout pour empêcher la peur de la clouer sur place. 

Elle se parait de son visage d'orgueil et de mépris, serrait les poings et surtout... ne s'arrêtait pas de bouger. Parce qu'elle savait que si elle s'arrêtait, elle ne pourrait pas redémarrer.

- Oh vraiment ?, répondit-elle avec dédain à l'Empereur, Et vous pensez sérieusement que ça suffira à m'arrêter ? Que pensez-vous qu'une ville vaut aux yeux d'une Créatrice de Monde ? J'en ai vu des milliers et j'en verrais d'autres. Alors détruisez votre ville si cela vous chante, vous ne nuirez qu'à vous-même.

Beryl tentait un coup de bluff monumental. Si l'Empereur perçait sa façade assurée, la ville était condamnée, et toutes les âmes qui y vivaient aussi. Elle n'aimait pas faire un si gros pari. Mais c'était la seule solution qui lui restait. Heureusement pour elle, elle était douée pour jouer la comédie. 

L'Empereur l'observa longuement en silence. Son visage ne trahissait aucune émotion, un simple sourire satisfait habitait ses lèvres comme à l'accoutumée. 

- Les Créateurs sont bien cruels. Ne pensez-vous pas à toutes ces âmes qui habitent la ville ?

Beryl laissa échapper un rire méprisant.

- Cruel ? Ce n'est pas moi qui veut détruire la ville, mais bien vous. Je ne fais que vous dire que l'utiliser comme moyen de pression contre moi n'aura aucun effet. Vous êtes bien simplet de penser qu'une Créatrice de Monde pourrait se soucier d'une petite ville de rien du tout. D'autres vies naîtront, d'autres morts surviendront. Si ce n'est pas vous qui les tuez, le résultat sera le même. Au final, leur temps en ce monde est compté.

Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, Beryl vit une faille dans le sourire de l'Empereur. Son sourire satisfait se mua lentement en grimace d'agacement. Reprenant un peu plus confiance, Beryl poursuivit.

- Allez, abandonnez, vous savez très bien que vous avez perdu. Vous ne pouvez absolument rien contre moi. 

- Ne clamez pas victoire tout de suite, Sand ! Je n'ai pas abattu toutes mes cartes..

L'Empereur reprit lentement son sourire. Ce sourire glaça le sang de la Créatrice qui dû faire un effort considérable pour ne rien laisser paraître. Il tapa dans ses mains et la lumière s'éteignit dans la pièce. Beryl prit immédiatement sa forme félindray pour profiter de sa nyctalopie et se prépara à affronter une attaque. 

Au lieu de ça, la lumière se ralluma simplement, révélant un spectacle qui figea Beryl. L'Empereur tenait fermement le poignet d'une enfant qui se débattait. Ces cheveux bleus, ces yeux verts, ce visage... L'Empereur venait d'abattre sa dernière carte... Et quelle carte ! Il détenait l'une des personnes les plus précieuses aux yeux de la Créatrice : Cleo.

Elle devait avoir 14 ans, ce n'était donc pas la Cleo qu'elle avait fréquenté pendant le Graal. La jeune fille observa Beryl avec de grands yeux emplis de larmes, tentant de se libérer de l'emprise de l'Empereur.

- Maman ! Maman, aide-moi... Fais quelque chose... J'ai peur...

Beryl paniqua. Que faire..? Il fallait agir vite et bien. Le moindre faux-pas pouvait coûter la vie de sa fille. 

- Alors, Sand ? Impressionnée ? Surprise peut-être ?, questionna l'Empereur avec un sourire plus détestable que jamais, Que vas-tu faire maintenant ? Te rendre bien gentiment, n'est-ce pas ?

Beryl tentait de contenir les tremblements de ses mains et de réfléchir correctement. Il lui fallut un temps infini pour calmer ses pensées et envisager tous les scénarios possibles et imaginables... et aucun d'eux ne semblaient se terminer bien.

C'est alors que Beryl tiqua. Cleo..? Etait-ce vraiment elle..? Les yeux de la Créatrice allèrent au cou de l'Empereur, un cou orné de bijoux. Les mains ornées de bagues. À sa hanche, une épée d'ornement. Dans sa main, plaqué sur la gorge de Cleo, une dague.

Beryl éclata d'un rire incontrôlé. Devant l'air empli d'incompréhension de l'Empereur, la Créatrice tenta de calmer son rire. Des larmes de soulagement pointèrent dans ses yeux. Elle les essuya d'un revers de manche tandis qu'elle reprenait sa respiration.

- Wow... Bravo, Ryan... Je dois dire que j'y ai cru... 

Elle pouffa puis reprit contenance. 

- Vous vous êtes surpassé... Je ne sais pas comment vous avez appris pour Cleo mais je dois bien admettre que je ne l'avais pas vu venir. Vous êtes effectivement plein de ressources. 

Elle secoua la tête avec un sourire condescendant.

- Mais manque de bol, vous êtes également très peu renseigné. Si Cleo était vraiment là, vous seriez déjà mort.

L'expression de l'Empereur se mua en une grimace de colère alors que l'illusion de l'enfant disparaissait. Une rage noire, sourde. La rage de celui qui est dos au mur. Beryl sourit et croisa les bras.

- Vous pensiez sincèrement que vous pouviez me faire chanter ? Moi ? Beryl Sand, Créatrice de Monde ? J'en ai vu d'autres dans votre genre. Et j'ai géré des situations bien plus épineuses que celle-ci. Sachez une chose, mon cher Ryan...

Elle s'approcha de lui et planta son regard dans le sien. Leur visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

- J'ai DEJA gagné..., murmura-t-elle avec un air triomphant

L'Empereur bondit sur Beryl, sa lame en main. Ultime tentative désespérée d'un homme au bord du gouffre. En un habile mouvement, la Créatrice dévia la lame, lui brisa le poignet, récupéra la dague et l'égorgea.

Alors qu'il se vidait de son sang, Beryl lui jeta un regard méprisant et froid. Elle le dévisagea de toute sa hauteur.

- Vous comprenez que puisque vous avez essayé de vous servir de Cleo comme chantage, je ne peux pas vous laisser en vie... 

Elle posa son regard sur la dague qu'elle avait en main.

- Croyez-moi, je n'aime pas tuer... vous savez, je suis partisane de la vie. Je n'aime pas risquer la vie des autres... Le fait que vous ayez sincèrement cru que je me fichais de l'avenir de cette ville est presque vexant. 

Elle posa une dernière fois son regard sur lui.

- Mais l'essentiel c'est que maintenant... vous ne pourrez plus blesser personne. 

Elle planta la dague dans l'épaule de l'Empereur et ramassa sa couronne qui avait roulé plus loin.

- J'emporte ceci en souvenir.. j'espère que ça ne vous dérange pas.

La dernière chose que vit l'Empereur fut la silhouette de la Créatrice bondissant par la fenêtre.

Beryl avait géré la situation d'Interven... Cela s'était terminé moins bien que ce qu'elle aurait voulu, mais ce genre de bavures était parfois nécessaire.

Lorsqu'elle rentra dans sa planque, la Créatrice posa la couronne sur une étagère remplie d'autres objets. Il y avait des objets en tout genre dessus. Montre, tricorne, dague, dés, gants... Certains auraient appelé ça une étagère à trophées.

Mais Beryl, elle, ne l'appelait pas comme ça. À vrai dire, elle regardait rarement cette étagère. 

Parce que chaque objet qui trônait dessus représentait une bavure à sa morale, une vie qu'elle avait ôté. 

Débarras d'idées insenséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant