Débarras d'idées insensées

165 : Will (4)

- Wil..?, avait soufflé Beryl

Le prince déchu avait alors affiché un sourire tremblant.

- Oui ?

- À propos.. d'hier soir...

Il avait détourné le regard.

- N'en parlons plus. C'était idiot de ma part.

Sur ces mots il avait simplement accéléré le pas. Beryl l'avait imité et pour attraper son poignet avec douceur.

- S'il te plaît... est-ce que... est-ce qu'on pourra en parler...? Ce soir par exemple..?

Will s'était arrêté net et avait fermé les yeux. Le contact de la Créatrice avait été à la fois si agréable et si déchirant... Il s'était senti beaucoup trop vulnérable.

- Soit. Ce soir. Dépêchons. Ils nous attendent.

La conversation s'était terminée là. Si Beryl avait su... elle aurait insisté. Elle l'aurait retenu, lui aurait dit combien elle tenait à lui. Si elle avait su que c'était la dernière fois qu'ils se parleraient... elle aurait fait... tellement plus...

Elle se tenait debout au milieu d'un désert de cendres. Will avait disparu en poussière pour rejoindre les étoiles. Elle était seule, à présent. Il n'était plus là.

Ils avaient gagné... mais à quel prix ?

Elle tomba à genoux, serrant dans son poings la broche qu'il lui avait offert la veille. Elle sentait l'épingle s'enfoncer dans sa peau et le sang s'échapper de la plaie. Mais tout ça n'avait plus aucune importance.

Le sang tomba goutte à goutte sur l'épaisse couche de cendre qui recouvrait le sol. Le gris se teinta de rouge. D'autres gouttes rejoignirent la cadence. Des larmes.

Roulant sur les joues de Beryl maintenant qu'il n'y avait plus personne pour les essuyer... et s'écrasant sur le sol en un tempo régulier et douloureux.

Douloureux tempo comme celui du coeur de la jeune fille qui battait tandis que celui de Will s'était arrêté. 

Son coeur, sa respiration, ses larmes, ses souvenirs... désormais... elle serait seule avec tout ça. 

Pourtant... elle aurait dû s'y attendre. Oui, elle aurait dû le savoir, le deviner. Que ça se terminerait ainsi. Ça se terminait toujours ainsi. Une déchirante séparation. Une solitude intense. 

Beryl se mit à trembler de tout son corps. Elle avait froid à l'intérieur. Elle était vide à l'intérieur. Tout était à la fois si vide et si douloureux. Le silence autour d'elle était insupportable. Elle aurait voulu crier pour le briser... mais aucun son de s'échappa de ses lèvres scellées.

Lèvres sur lesquelles resteraient à jamais le goût d'un baiser avorté. 

Je t'aimais, Will... je t'aimais aussi.... Pourquoi... pourquoi t'es parti..? Pourquoi tu ne m'as pas laissé le temps de te le dire..?

Elle pleura. Longuement.

Elle savait qu'elle ne pourrait pas rester là éternellement. Elle savait qu'elle devait se relever. Avancer. Comme toutes les autres fois. Comme toujours. 

Alors elle se releva. Mais elle ne voulait plus arpenter ce monde. Non. Ce monde c'était leur aventure, leur souvenir. Elle ne l'arpenterait pas sans lui. Elle ne l'arpenterait plus. Alors elle sortit un paquet de cartes de sa besace, prit celle à l'effigie d'un cerisier et la lança au sol.

Le portail apparu, et Beryl le franchit sans un regard en arrière. 

Serrant la broche dans sa main, la Créatrice le savait. Elle ne raconterait pas cette histoire.